Historique et présentation générale

La naissance du Musée National d’Histoire de la Transylvanie tient à deux filiations : l’une léguée par l’ancien Musée Transylvain créé au XIXe siècle et l’autre qui repose sur la création dans les années 60 à Cluj d’un Musée d’histoire.

Après plusieurs tentatives de création, dont certaines bloquées par le gouvernement de Vienne, l’Association du Musée Transylvain Erdélyi Múzeum Egyesület voit finalement le jour en novembre 1859. A cette époque, il existait encore une association muséale, saxonne, créée en 1849 : l’Association Transylvaine pour les Sciences Naturelles. Entre ces organismes auxquels s’ajoutent également l’Association pour la littérature roumaine et la culture du peuple roumain (elle-même une association muséale), s’établissent des liens étroits.

La volonté de créer le Musée Transylvain était d’autant plus importante dans le contexte de la mort en 1855 du baron Kemeny József, un des principaux donateurs. Pour l’aristocratie et la grande noblesse des villes transylvaines, il était alors urgent de créer un Musée Transylvain pour empêcher que les collections arrivent au Musée National de Budapest.

Le MNHT se situe dans le prolongement direct du Musée Transylvain (Erdélyi Múzeum) dans le sens où il conserve une grande partie des collections de ce dernier. Cependant, il va opérer un changement radical de discours. Si un des buts de l’Association du Musée Transylvain était le développement de la science et de la culture hongroise, cet objectif ne se retrouve plus dans le musée d’aujourd’hui.

L’Association, propriétaire de ces collections jusqu’aux années 50, est recréée après 1989. Comme nous le verrons, malgré les liens qui existent entre cette association et le MNHT par la force de l’histoire, le dialogue entre ces institutions est quasiment absent. Sans revendiquer de manière directe son patrimoine, l’association est très sensible à cette question et d’une certaine manière accuse le musée de lui avoir confisqué les objets.

Quant au patrimoine initial du Musée Transylvain, celui-ci était constitué par : les collections de géologie-minérologie, de sciences naturelles, d’antiquités, un cabinet numismatique, la bibliothèque (150 439 volumes) et les archives du musée. On comptait alors au total 31 321 pièces dans le musée.

Par manque d’aide financière de l’Etat, l’association du musée a prêté ces collections à l’Université « Franz Josef » (en hongrois « Ferenc József »), créée en 1872. L’université louera ainsi les collections de l’association, en ayant l’obligation de les entretenir et de les enrichir.

En 1903, le musée a commencé une collecte systématique des objets ethnographiques, en majorité des pièces représentatives de la culture hongroise, mais également des objets représentatifs des paysans roumains ou saxons.

Après le rattachement de la Transylvanie à l’Etat roumain, l’université, comme les autres institutions publiques, passeront sous la tutelle du Conseil Dirigeant (organe régional du pouvoir, censé administrer les territoires de l’ouest annexés à la Roumanie). Ainsi, si avant 1918, le Musée Transylvain est subordonné à l’Association du Musée Transylvain, au Ministère de l’Education et des Cultes hongrois et à l’Inspection Centrale Supérieure des Bibliothèques et des Musées, alors qu’après 1918 il est lui aussi sous le contrôle et l’administration de l’Etat roumain : de 1918 à 1920, le musée passe sous le contrôle du Conseil Dirigeant, puis du Ministère roumain de la Culture et des Cultes par l’intermédiaire de l’Inspection des Musées.

L’Association du musée reste propriétaire des collections mais son administration et sa direction reviennent à l’université « roumaine », dont les nouveaux cadres sont principalement venus de la Roumanie de l’autre côté des Carpates. Selon le contrat établi entre l’association et l’université en 1872, les directeurs des différentes sections du musée étaient professeurs de l’université. Selon le même principe, à partir de l’hiver 1919, les professeurs de la nouvelle université « roumaine » de Cluj occuperont des fonctions de directeurs des départements du musée. Les fonctionnaires du musée « hongrois » d’avant 1918, étant fonctionnaires de l’Etat, sont quant à euxrestés en place. Dans ce contexte, en 1922, le directeur de l’Inspectorat des Musées écrivait : « Dans la première année de direction roumaine, le musée n’a pas beaucoup changé, sauf la croissance des collections ». Mais ces propos refusent de prendre en compte les changements radicaux apportés dans un musée par le renouvellement de son équipe directrice. Pour exemple : une des premières initiatives dans ce nouveau contexte a été de compléter les collections avec du matériel historique et ethnographique roumain. Des missions archéologiques ont été entreprises dès les années 1921-1922 pour refléter l’histoire et l’origine du peuple roumain. Une nouvelle section du musée, le département d’histoire dace s’organisait, tandis que la section d’histoire romane était enrichie de nouvelles pièces. Dans ces années également, une partie des anciens inventaires des collections du musée sont traduits en roumain162.

Deux événements très importants ont lieu toujours dans les années 30 : dans un premier temps, l’élimination du Conseil des Musées par les hommes politiques de l’époque,  des représentants des musées des autres nationalités ; dans un second temps, la dissolution de l’Association du Musée Transylvain. Par rapport à ce dernier aspect, une des explications données fut la suivante : « Ce fait s’est produit aussi dans un contexte de ‘’nervosité’’ des politiciens roumains face à l’attitude, avant tout, de certains intellectuels magyars. Ces derniers avaient entretenu le scandale sur la question de l’Association du Musée Transylvain, qui s’est terminée, comme on le sait, par une dissolution parue dans le Journal du Conseil des Ministres,  nr. 80 / 5 février 1931 »163. La dissolution est argumentée par une « action visiblement contraire à l’ordre public », annonce ce document, « les membres de cette Association – malgré des incontestables mérites culturels dans la période précédant la fin du siècle passé – étant accusés d’avoir affirmé des idées irrédentistes et roumanophobes ».164 Par rapport à ces événements, du côté hongrois, des personnes actuellement actives dans cette association m’ont parlé de l’exagération des accusations de l’époque, précisant que finalement une solution fut trouvée et que l’association a poursuivi son activité durant l’entre-deux-guerres.

Pendant la deuxième guerre mondiale (quand la Transylvanie du nord est annexée à la Hongrie), les collections du musée ont été transportées au Musée National de Budapest où elles sont retournées après guerre.

En 1948, la situation change à nouveau, le musée étant intégré à l’Académie Roumaine, la Filiale de Cluj.

Ensuite, en 1961, Constantin Daicoviciu - un historien important de l’époque - lance une proposition pour créer un Musée d’Histoire, qui serait constitué par une grande partie des anciennes collections du Musée Transylvain (tout le matériel sauf le matériel ethnographique et d’art) et d’autres collections de la ville de Cluj. Le projet est accepté et, à partir de 1963, ce nouveau musée fonctionne sous la tutelle du Comité d’Etat pour la Culture et pour les Arts. En 1964 s’ouvre également, dans une ancienne pharmacie du XVIIIe siècle, une collection d’histoire de la pharmacie.

En 1994, le musée d’histoire devient Musée National d’Histoire de la Transylvanie et dépend alors du Ministère de la Culture et des Cultes et de ces financements.

Actuellement le musée compte soixante-seize employés. Il présente une exposition permanente répartie sur dix-huit salles et une exposition temporaire. L’exposition permanente est organisée de manière chronologique : la préhistoire, l’histoire des Daces, l’histoire antique et romaine, l’histoire médiévale et, enfin, l’histoire moderne. L’exposition d’histoire contemporaine d’avant 1989 était organisée « dans l’esprit du parti », présentant des événements liés au régime communiste et au culte de Ceausescu. Cette exposition n’existe plus depuis la chute du communisme et, comme je le soulignais par ailleurs, aucune autre n’a pas été mise en place depuis. L’exposition s’arrête ainsi au 1918, au moment du rattachement de la Transylvanie à la Roumanie.

Le MNHT abrite également une salle des « Trésors », avec des objets estimés d’une très grande valeur, salle ouverte en 1999. D’autres départements fonctionnent également : le Laboratoire (Lapidar) romain, fermé actuellement au public, le Laboratoire (Lapidar) médiéval, le Laboratoire de Restauration et de Conservation, sollicité dans la plupart des travaux de restauration de la ville de Cluj, et le Cabinet numismatique. Le musée exploite également quelques sites et chantiers archéologiques dans la région de la Transylvanie.

Notes
162.

Une certaine partie des inventaires demeurent cependant en langue hongroise, réduisant l’accès du personnel roumain du musée aux archives d’avant 1918, autrement dit à une partie de l’histoire de l’institution et de la région.

163.

Nitulescu V. S., « Législation roumaine dans la période d’entre-deux-guerres : la protection du patrimoine culturel mobilier », in Anuarul Muzeului Etnografic al Transilvaniei 1999, 1999, p. 544-559.

164.

Ibid.