Le début d’une nouvelle politique muséale au MNHT ?

J’ai exposé jusqu’à présent les différentes pratiques muséales observées jusqu’au moment où j’ai quitté cette institution à la fin de l’été 2003. Mon retour dans ce musée, durant l’été 2004, m’a permis de remarquer quelques changements importants.

Un guide bilingue roumano-hongrois de la ville de Cluj

Dans un premier temps, par rapport aux années antérieures, j’ai retrouvé une dynamique de groupe plus forte au sein des muséographes hongrois. Des recrutements de personnes jeunes ont permis de renforcer la cohésion du groupe. Sans s’isoler des autres, les muséographes hongrois manifestent cependant une préférence pour un travail en équipe au sein de leur groupe et pratiquent entre eux la langue magyare, même en présence d’autres personnes ne comprenant pas cette langue. J’ai remarqué que, parfois, le reste du personnel a des difficultés à s’intégrer dans le groupe de travail des muséographes hongrois, fait qui le pousse finalement à renoncer à participer à ce travail.

Je prendrai l’exemple de la réalisation d’un guide de la ville à la commande d’un éditeur de Cluj. Même si plusieurs personnes ont fait des propositions pour ce guide, les versions étaient différentes (surtout entre Roumains et Hongrois), et elles n’ont pas réussi à trouver un texte commun. Le guide a finalement été rédigé par les muséographes hongrois. Cette publication est parmi les seuls guides de la ville rédigés en langue roumaine qui dépasse une conception de l’histoire dans laquelle la présence hongroise serait uniquement une parenthèse dans l’histoire de la ville. Il est significatif que le guide est bilingue, roumain-hongrois. En effet, il reprend en grande partie le modèle des autres guides réalisés par des historiens et des éditions magyares de Transylvanie ou de Hongrie. Cependant, le guide a du être modifié à la demande de l’éditeur qui a considéré qu’il était trop « hongrois » et qu’il manquait de nombreux monuments importants de la ville (certains d’entre eux bâtis durant le mandat du maire Funar). Les muséographes ont finalement cédé à la pression de l’éditeur et rajouté quelques monuments de cette période. La version finale est une forme bigarrée qui n’est ni totalement hongroise, ni totalement roumaine, ni « funariste ». Elle est une forme de compromis, marquant le début d’une négociation et d’une sortie de l’entre-soi.

Néanmoins, si le point de vue de ce guide est une première pour le musée et pour la ville, nous devons quand même remarquer que sa rédaction reste encore, quant au travail des muséographes, dans un registre de la séparation ethnique. Certaines réactions critiques ont aussi existé au sein du musée, concernant moins le contenu proposé dans le guide que le fait qu’il a été rédigé par les muséographes hongrois. Ce fait relève d’une compétition symbolique pour avoir le monopole du discours dans le musée (du coté roumain) et pour se faire une place et affirmer un discours différent (du côté hongrois).