Le Carnaval du Danube, Budapest, le 14-23 juin 2002.

Cet événement m’a permis de saisir une image du territoire de la Transylvanie véhiculée par certaines politiques culturelles.

L’édition de 2002 (la septième) de ce festival avait réuni des groupes de danse traditionnelle originaires de plusieurs pays. En majorité les groupes venaient des pays d’Europe, avec deux exceptions : le Mexique et le Panama. Les spectacles de danse se sont déroulés dans plusieurs lieux touristiques très visibles de la ville : la Place Vörösmarty, le Château Hunyadi, le Château Buda et sur l’Ile Margueritte. D’autres manifestations annexes (concerts symphoniques et opéras) ont eu lieu dans le cadre de ce festival.

Le Carnaval du Danube est organisé sous la direction du Ministère de l’Intérieur en partenariat avec de nombreuses institutions nationales et de la ville de Budapest.295

La Transylvanie était présente parmi les pays et les régions invités à ce festival.

Une brève analyse des affiches, des brochures, des programmes du festival et des présentations sur scène, m’ont permis de constater que la liste des pays invités comprenait entre autres : la Finlande, la Grèce, le Mexique, l’Italie, la Slovaquie, la Pologne, la Transylvanie, etc. Présentée comme « pays » invité, la Transylvanie apparaît ainsi comme une entité discrète, avec des frontières bien délimitées, comme un territoire distinct (sans que l’on sache bien s’il est question d’un territoire administratif ou politique). En réalité, par rapport à ces catégories administratives et politiques qui sont présentes sur la liste, la Transylvanie a la particularité de ne représenter qu’une catégorie symbolique et un territoire géographique.

J’ai pu aussi remarquer que la Transylvanie était associée à la Roumanie de manière exceptionnelle, c’est-à-dire une seule fois lors de la présentation des lauréats. Dans ce cas, le lieu de provenance des groupes de danseurs (hongrois) apparaissait sous la forme « Transylvanie - Roumanie », comme pour d’autres groupes : « Grèce, Athènes », « Slovaquie, Bratislava », « la Sardaigne, Italie ». A nouveau, l’inscription de la Transylvanie dans une série qui comporte des catégories comme les villes ou les régions, autrement dit des unités administratives ou politiques, peut nous laisser l’impression qu’elle s’y apparente également. Nous rencontrons aussi dans la même énumération le cas : « Transylvanie, Marosvásárhely 296  ». Deux éléments sont intéressants : le fait que cette association de la Transylvanie à la Roumanie n’apparaisse que de manière exceptionnelle et le fait que l’évocation de cette région soit faite uniquement par rapport à la population hongroise. La Transylvanie renvoie ici à une lecture de Erdély, un territoire symboliquement hongrois, tout du moins par l’omission de la présence des autres populations qui vivent ici.

J’ai pu remarquer que la Roumanie figure elle aussi parmi les pays invités, lors de la présentation du groupe de danse de Dobroudja (région du sud-est du pays). Dans la présentation de la brochure, je n’ai pas retrouvé la formule « Roumanie, Dobroudja », comme pour les autres cas, mais « Roumanie » tout court. Contrairement à la Transylvanie, la Dobroudja n’apparaît pas comme un territoire distinct par rapport à la Roumanie. On remarque une différence dans la présentation de ces deux régions, même si, en réalité, la Dobroudja a été elle aussi un territoire rattaché tardivement à la Roumanie, dont une partie fut disputé avec la Bulgarie. Ce groupe venant du sud-est de la Roumanie est présenté comme « roumain », tandis que les groupes de Transylvanie sont désignés comme « transylvains ». Dans ce contexte, on peut déduire que « transylvain » signifie « Hongrois de Transylvanie ».

Cette construction performative de la Transylvanie comme entité discrète et singulière, comme terre de culture hongroise, pose la question du lien de cette région à la Roumanie : un lien presque imperceptible voire accidentel ?

Il est intéressant de mettre en parallèle cette conception de la Transylvanie avec celle présente à Cluj, dans les Fêtes Transylvaines. Les dernières célébraient une fusion de cette région dans l’unité nationale et la concevait comme un territoire essentiellement roumain, autrement dit tout sauf un territoire singulier et distinct de la Roumanie. Le rapport est inversé aussi quant à la question des autres groupes présents dans l’histoire de la région : dans le cas des Fêtes Transylvaines le passé est dans une certaine mesure gommé (la présence hongroise dans cet espace étant plutôt une dimension accidentelle de l’histoire), dans le cas du Carnaval du Danube, les Roumains sont omis. Nous sommes donc en présence de deux interprétations différentes du passé et du présent de la Transylvanie.

Je dois noter que si cette vision de la Transylvanie exposée dans le Carnaval du Danube ne reflète pas un cas isolé, l’imaginaire hongrois de ce territoire est loin d’être monolithique et d’offrir un tableau cohérent lorsqu’il s’agit d’interroger les individus dans le quotidien. Les études sociologiques concernant ce que la Transylvanie signifie aux yeux des habitants de la Hongrie sont quasi-absentes et souvent les approches de ce territoire sont très idéologiques. Pour donner un exemple, un référendum pour l’obtention de la double citoyenneté pour les Hongrois des Etats voisins est organisé, sans que des études sociologiques préalables sur cette question soient demandées.

Les études peu nombreuses montrent qu’il n’existe ni un comportement stable, ni vision unitaire de l’imaginaire national quant à la Transylvanie ; des différences significatives étant enregistrées en fonction des classes d’âge, de l’éducation, des options politiques, etc. Des études297 menées en Hongrie démontrent, par exemple, que les lycéens ne savent avec précision ni quelle est la population majoritaire en Transylvanie, ni quelle est la langue de cette population. A la question « Quelle est, selon vous, la langue maternelle parlée par la population majoritaire en Transylvanie ? », 57% des personnes interrogées donnent comme réponse « la langue hongroise ». 31% des lycéens choisissent « le roumain » et 12% optent pour « la langue sicule ». Les études montrent également que dans l’imaginaire des jeunes hongrois, la Transylvanie est connue comme faisant autrefois partie de la Hongrie, qu’ici vivaient majoritairement des Hongrois jusqu’à un certain moment et que le nombre de cette population a diminué ensuite. Cependant, la date précise de ce changement n’est pas connue, même si on l’assimile parfois à la signature du traité de Trianon.

Malgré cette diversité d’opinion, une idée générale ressort avant tout au niveau du sens commun, l’idée que la Transylvanie est un territoire lié à la Hongrie et aux Hongrois. Parfois les connaissances de cette région s’arrêtent ici, malgré la forte présence de la question transylvaine sur la scène politique (qui fluctue aussi en fonction du parti politique au pouvoir). Une situation qui m’a été racontée par une ethnologue de Budapest me semble bien illustrer cet état de fait. Se trouvant un jour dans un arrêt de bus, elle saisit la conversation d’un jeune couple. La situation se passe au moment des élections législatives du pays (2002). Le jeune homme disait d’un air plutôt inquiet : « Si les Socialistes gagnent, qu’est-ce que va faire le pauvre Transylvain ? Il n’y aura plus d’argent pour lui ». Elle : « Mais c’est où la Transylvanie ? » Lui : « Je ne sais pas bien, je ne sais pas vraiment… ».

Nous pouvons distinguer en Hongrie deux visions générales concernant la Transylvanie. Premièrement, il existe une image idéalisée de ce territoire, terre « pure » et « archaïque », source d’authenticité d’une culture et d’une identité magyare. L’image de la Transylvanie comme lieu exotique apparaît déjà dans la littérature magyare du XIXe siècle et cette image concerne non seulement les habitants hongrois de la région, mais aussi roumains. Les romans du grand romancier Mór Jókai (Aranyember - L’homme d’or et Szegény gazdagok - Pauvres riches) sont un exemple ici. Mais la Transylvanie désigne également un espace symbolique par le biais de lieux de mémoire associés à des grandes personnalités de l’histoire et de la culture hongroise nées dans cette région, des poètes, des artistes, des savants comme : Ferenc Kölcsey, l’auteur de l’Hymne national, le grand poète romantique János Arany, le plus grand poète moderne hongrois Endre Ady, le compositeur et le musicien Béla Bártok, les savants Farkas et János Bolyai et d’autres. Il faut noter aussi que la Transylvanie est un bastion de la culture savante, un lieu où est née une riche littérature autobiographique (Bethlen, Kemény, Rákóczi et autres) et où le premier théâtre hongrois (stable) a été créé (à Cluj en 1793).

Une image idéalisée de la Transylvanie qui associe ce territoire à un espace authentique de lamagyaritéest visible encore de nos jours dans des émissions de télévision de la chaîne DUNA TV, financée par le gouvernement hongrois et qui a une très forte audience auprès des Hongrois de Transylvanie. Un des principaux réalisateurs de ces émissions concernant les minorités sur cette chaîne me déclare :

‘« Quand les Hongrois d’ici vont en Transylvanie, ils cherchent à voir les montagnes perdues. Nous n’avons plus de montagnes en Hongrie …La rivière est plus fraîche là-bas et ils peuvent admirer cette nature dans des villages où les gens parlent le hongrois. Le folklore, la danse et la langue des Sicules ce sont des choses très intéressantes pour un Hongrois d’ici…La langue parlée là-bas est plus archaïque, sans cet argot qu’on retrouve à Budapest (…). Un Hongrois de Transylvanie est plus doué, plus complexe, plus…entier, qu’un Hongrois d’ici. »’

Le voyage dans ce lieu où même la nature est perçue plus naturelle qu’ailleurs, ressemble à un chemin initiatique, à une sorte de retour aux origines. Ce tableau d’exotisme transylvain renvoie à l’univers du bon sauvage, catégorie l’altérité consacrée déjà depuis des siècles et qui renvoie à un schéma de pensée évolutionniste. Voyager en Transylvanie équivaut à un retour dans le temps, afin de se regarder et de se retrouver « nous », ceux d’autrefois, des temps originaires. Ce territoire devient ainsi une sorte de laboratoire qui conserve encore intacte l’image de la magyarité « authentique » et acquiert ainsi une valeur patrimoniale. Cette valeur est d’autant plus puissante que la Transylvanie apparaît comme un territoire perdu, voire volé, de Hongrie.

Ce discours idéalisant la Transylvanie (que l’on retrouve souvent chez les membres du FIDESZ) est doublé d’un autre discours qui stigmatise plutôt les Hongrois transylvains. Dans ce cas, les références à cette population sont liées à des lieux comme « Moszkva tér » de Budapest, qui renvoie à l’image d’une masse des travailleurs mal payés venant de Transylvanie effectuer des travaux souvent refusés par les autochtones (surtout dans le domaine du bâtiment). Finalement, le drame vécu en pays roumain se transforme dans un autre drame, en pays d’immigration :

‘« Je suis parti de Roumanie parce que je ne pouvais pas me sentir réellement Hongrois là-bas. Mais arrivant en Hongrie, je suis traité de ‘’Roumain’’, comme si je n’étais pas un vrai Hongrois. Et c’est valable pour tous les Hongrois partis de là-bas. Ca fait mal au cœur ! » (70 ans)’

L’image de la Transylvanie est associée à une sorte de « Tiers Monde » d’après les déclarations de plusieurs interlocuteurs transylvains. Comme si la frontière de la prospérité s’arrêtait en Hongrie, à la frontière roumaine. D’après cette vision, il n’y aurait pas de véritable distinction entre Hongrois et Roumains de Transylvanie, les premiers étant une sorte de « Roumains », en retard par rapport aux progrès réalisés un peu plus à l’ouest.

Les origines de ce deuxième discours sur la Transylvanie doivent être cherchées dans les années 1970-1980 du régime de Kádár, quand on faisait souvent la comparaison entre la situation relativement prospère de la Hongrie et sa voisine, la Roumanie de Ceausescu, confrontée surtout après les années 80 à la crise économique et à un système d’approvisionnement alimentaire de la population selon le système rationnel des cartes. Ces souvenirs organisent encore la mémoire d’aujourd’hui associant aux Magyars de Transylvanie l’image de la pauvreté et, en conséquence, l’immigration de ces populations en Hongrie n’est pas souhaitée. Ce discours se retrouve souvent chez certains sympathisants du parti socialiste.

Cette dernière position vis-à-vis des Magyars de Transylvanie vient relativiser l’image mythique de ce territoire. Néanmoins, cette vision n’annule pas les liens symboliques à la Transylvanie, encore très forts dans l’imaginaire national hongrois. Dans le hall du Parlement de Budapest, on peut voir une peinture qui porte le titre « La conquête ». C’est une peinture réalisée à la fin du XIXe siècle par Arpád Feszty, qui rend compte de la suprématie de la Transylvanie dans l’imaginaire hongrois. Le fait qu’un tel tableau soit placé dans le hall du Parlement hongrois, pourrait révolter un Roumain qui a appris, depuis les premières années de l’école, que la Transylvanie est le cœur du pays roumain et que les Carpates forment l’épine dorsale de leur territoire.

Les financements et les mesures législatives concernant les Hongrois vivants au-delà des frontières révèlent elles aussi qu’indépendamment des positions nuancées des différents partis sur cette question298, la Transylvanie reste un sujet important et un thème sensible en Hongrie.

Ces aspects que je viens de présenter, m’amène à m’interroger sur la conception du territoire sur laquelle reposent ces différentes façons de voir la Transylvanie en Hongrie. Mais pour penser le territoire, il me semble nécessaire de réfléchir à la notion de frontière. Cela nous permettra de comprendre une des particularités de la conception du territoire en Hongrie et en Transylvanie.

Nous avions vu qu’après le « morcellement » de la Hongrie historique survenue avec le Traité de Trianon, la Transylvanie acquiert une nouvelle place dans l’imaginaire hongrois. Les discours consacrés à partir du XIXe siècle à la constitution d’un Etat-Nation sont doublés après 1920 d’un discours sur ce que András Zempléni et Anne-Marie Losonczy299appellent le territoire patriotique, le territoire de la patrie, distinct du territoire national ou politique.

Dans les pays d’Europe centrale et orientale, comme le remarquent ces deux auteurs, la « patrie n’est pas une abstraction ou un simple référent idéologique du microcosme politique, mais une catégorie et une référence majeure et courante et de la mentalité et du langage commun »300. Par exemple, en Hongrie, l’aire désignée par les bulletins météorologiques est la patrie (haza) et les différents bilans statistiques annuels, les bilans industriels ou autres sont présentés eux aussi en commençant par « Hazánkban… » (Dans notre patrie…). Je pourrais également rappeler ici la pièce de théâtre intitulée « Hazám, hazám… » (Patrie, chère patrie…) à laquelle j’ai déjà fait référence. Selon ces auteurs, la patrie ne serait assimilable à aucune des entités habituellement utilisées en sociologie politique : la nation, l’Etat, le peuple, le pays. Je vais tenter d’analyser en quoi consiste alors la particularité de cette notion dans l’espace hongrois.

Comme l’observait A. Zempléni et A. M. Losonczy, la patrie ne peut être réduite ni à une aire géographique, linguistique ou résidentielle, ni à un territoire proprement politique. En hongrois, le terme de « haza »(patrie) attesté dès le XIVe siècle est dérivé du «ház » (maison). La notion de« patrie » a donc une provenance spatiale, elle « procède du principe universel de la résidence », tandis que la « nation » procède de la filiation, ayant une provenance généalogique. La patrie apparaît ainsi comme « un territoire qui est indissociable du peuple et du pays qu’il habite ».301

Les auteurs tentent de montrer que la « patrie » ne correspond pas aux limites de l’Etat et la preuve est que « haza » se prolonge en Transylvanie, en Slovaquie et dans d’autres territoires peuplés historiquement par des Magyars. Une illustration exemplaire de cette idée est offerte par les analyses de ces deux auteurs sur les cérémonies d’exhumation et de réenterrement des reliques des héros nationaux hongrois, des cérémonies qui ont eu lieu aussi bien avant qu’après 1989. Il est important de rajouter que ces rituels ne sont pas restreints aux régimes politiques engagés dans la voie du nationalisme politique. Si les Hongrois « rapatrient » leurs héros d’Autriche, de Russie, des Etats-Unis, etc., ces pratiques ne concernent guère les territoires de la Grande Hongrie car ceux-ci font partie intégrante de la patrie hongroise. Un Petöfi, le célèbre poète devenu héros national ne pourrait pas être « rapatrié » de sa « patrie », c’est-à-dire de Transylvanie.

Un autre aspect intéressant qui illustre l’idée que la patrie transgresse les frontières de l’Etat national peut être observé dans la symbolique funéraire transylvaine, présente dans les réenterrements post-communistes de Hongrie. Ainsi, on peut remarquer dans ces cérémonies l’utilisation de la Porte sicule et des poteaux funéraires sculptés (kopjafa), eux aussi associés aux Sicules de Transylvanie, qui encadrent ces « lieux de piété nationale ». Le portail sicule et les kopjafa sont devenus, comme l’observait Zempléni A., des symboles nationaux obligés de tous ces rituels de réenterrement des héros nationaux d’après 1989. Les Sicules de Transylvanie sont connus comme des sculpteurs sur bois et des anciens garde-frontières du Royaume hongrois et ces deux symboles funéraires sont perçus comme des signes de l’appartenance nationale magyare des Sicules.

La littérature nous offre également des illustrations intéressantes quant à l’utilisation de la notion de « patrie ». Le célèbre écrivain hongrois Gyula Illyés écrivait : « Haza a magasban » (La patrie est là-haut 302). Après le traité de Trianon, loin d’appartenir à une seule patrie au sens géographique et politique, les Hongrois reconstruisent une autre patrie, une patrie spirituelle qui transgressent des territoires physiques et, comme l’écrivait Illyés, qui rassemble tous les Hongrois autour d’une pensée, d’une littérature, d’un monde artistique, autrement dit d’un espace culturel. A Gyula Illyés appartient aussi la métaphore de la littérature hongroise considérée comme un « ötágú síp », c’est-à-dire « une flûte avec cinq éléments » dont le son singulier provient à la fois des littératures hongroises de Hongrie, de Vojvodine, de Transylvanie, de Slovaquie et d’Ukraine sous-carpatique. Ces deux métaphores ont été de nombreuses fois reprises dans le monde littéraire, mais aussi dans le discours des différentes associations de Transylvanie et de Hongrie. Il faut rappeler qu’une des principales fondations créées par le gouvernement hongrois, pour soutenir le mouvement associatif culturel hongrois de pays voisins, porte le nom et les idées de cet écrivain.

En conséquent, ces exemples nous permettent d’observer que la « terre hongroise » et l’étendue de la patrie transgressent ce territoire délimité par l’Etat-Nation. Zempléni faisait remarquer qu’« à la différence du territoire de l'Etat-Nation, la patrie ne se délimite pas par des frontières et ne se définit pas par son caractère limitrophe. Son espace virtuel est jalonné par des repères émotionnels plus ou moins ‘’nationalisées’’. Elle est décrite par des paysages (montagnes, plaines, villages, fjords, troupeaux…schématisés parfois dans les tableaux exportables des ‘’paysages nationaux’’), par ses divers sites ou aires culturels peu ou prou muséalisés (vestimentaires, linguistiques, architecturaux, musicaux...), par ses limes et par ses lieux d'intensité (de mémoire ou ‘’de piété’’, de deuil ou de culte) qui la parsèment »303. Le propos de Kürti L. s’inscrit dans la même direction quand il suggère au chercheur de prêter son attention non pas sur « ce que les frontières de la Hongrie représentent après le Traité de Trianon, mais sur ce qui va au-delà de ces frontières.»304 Il me semble utile d’apporter une nuance au premier propos (mais qui sera aussi en lien avec le deuxième), concernant cette notion de frontière évoquée dans les deux citations. Au lieu de formuler l’idée que le territoire de la patrie ne se délimite pas par des frontières, je dirais plutôt qu’elles se différencient des frontières du territoire étatique national par le fait qu’elles n’ont pas une réalité physique, ne sont pas fixes mais symboliques, donc plus mobiles.

Par ailleurs, il faut noter que le terme de patrie est connue déjà bien avant 1918. Les Historiens attestent de la présence déjà au XVIIe siècle de l’idée que les Hongrois forment une seule nation vivant dans deux haza, la Transylvanie et la Hongrie305. Si l’idée est donc plutôt assez ancienne, ce qui est nouveau après 1918, en pleine époque d’affirmation de l’idéologie nationale et de construction des Etats-Nations, c’est la mise en place d’une forte rhétorique patrimoniale concernant ce territoire de la patrie. Cette rhétorique est visible par exemple dans les affiches et les objets de la période de l’entre-deux-guerres exposés dans le Musée National de Hongrie, auxquels j’ai fait référence dans un chapitre antérieur.

Le déploiement d’un discours patrimonial est un fait assez courant lorsqu’un moment de crise et de rupture surgit dans la vie d’une collectivité. Il est alors question de réorganiser le monde de la pensée, de s’appuyer sur des éléments qui permettent de reprendre une liaison interrompue quelque part dans le temps et dans l’espace, bref de créer des outils qui permettent de maintenir du collectif, voire du commun306. Donc, si après Trianon, la Transylvanie n’est plus un territoire de l’Etat-Nation, elle reste au sein de la patrie hongroise. Le deuil de la perte d'un territoire physique se fait en même temps que la communauté se regroupe autour d'un autre objet, et en même temps qu’elle célèbre un autre type de territoire : un territoire mystique, celui de la patrie. Comme le suggéraient D. Cerclet307 et A. Zempléni, ce territoire s’apparente à une sorte de corps mystique qui conserve son intégrité malgré les modifications politiques et territoriales de 1920. En tant que corps mystique de la nation hongroise, ce territoire ne disparaîtra pas avec la perte physique de ses parties et cela, tant que les membres de cette nation seront vivants quelque part, même au-delà des frontières de l'Etat-Nation.

L’idée de corpus mysticum vient du champ religieux. Comme le remarquait Ernst Kantorowicz308, cette expression remonte à l’époque carolingienne et a d’abord servi à désigner l’hostie, symbole du corps de Christ pendant l’Eucharistie. Si la notion désignait à l’origine ce corps sacramentel de l’autel, à partir du XIIe siècle, elle sera utilisée pour faire référence à la communauté des croyants de l’Eglise. L’Eglise est alors conçue comme le corpus mysticum du Christ, ce qui veut dire « la société chrétienne, composée de tous les fidèles, passés, présents et à venir, réel et potentiels »309.

E. Kantorowicz montre que l’expression de corpus mysticum acquiert ainsi une dimension sociologique, car avec ce sens nouveau elle désigne un corps supra-individuel collectif, bref un corps politique. La notion de corpus mysticum s’est d’ailleurs sécularisée au fur à mesure et elle a été appliquée, de plus en plus, à divers types de « corps », autres que celui de l’Eglise : le village, la ville, le peuple, le royaume, la patrie, etc. Il faut remarquer que ce changement terminologique correspond à une période de mutation sociale, alors que les hommes s’individualisent et perdent le lien essentiel qui les unissait310. En parallèle avec cette situation de crise et de rupture du lien social, les doctrines de la structure organique et corporative de la société commencent à envahir les théories politiques de l’Occident et à influencer de manière décisive la pensée politique. Cependant, comme le montre Kantorowicz, malgré toutes les connotations sociologiques et organicistes qu’elle a acquises, l’expression corpus mysticum a conservé un accent nettement sacramentel, simplement parce que le mot « corps » rappelait toujours le sacrifice consacré.

En tant que corps mystique, le territoire de la Grande Hongrie s’apparente à un corps symbolique : il est le corps sacrificiel. Toute la rhétorique du « morcellement » et de la « mutilation » de l’entre-deux guerres, illustre bien l’idée de ce territoire conçu comme corps sacrificiel. Si le corps mystique, dans son utilisation religieuse de communauté des croyants comprenait « les fidèles passés, présents et à venir », de la même manière le corps mystique de la nation rassemble aussi bien les vivants que les morts, qui habitent tous ce territoire de la patrie. Ces derniers jouent un rôle important dans cette consécration sacrificielle de la patrie. Les rituels d’exhumation des reliques corporelles qui retournent à la « haza » sont un exemple parfait de cette sacralisation de la terre car ils évoquent aussi l’idée de versement de sang et de sacrifice corporel. Comme l’observent A. Zempléni et A. M. Losonczy,  ces exhumations et réenterrements des héros nationaux hongrois pourraient alors laisser entendre l’idée, que les corps (les reliques corporelles) sont quelque part redevables à la terre. Cela nous renvoie à l’idée d’autochtonie. « Nés de cette terre », ces autochtones devraient y retourner. Cette idée est assez puissante dans l’imaginaire hongrois, et apparaît par exemple dans le second hymne national hongrois :

‘« Reste fidèle à ta patrie, Hongrois, c’est ton berceau, de sa chair elle t’a nourri et sera ton tombeau. Au vaste monde, ailleurs qu’en elle, pas de place pour toi. A vivre et mourir là t’appelle ton destin quel qu’il soit… » (Strophe du Szózat -Exhortation, de M. Vörösmarty -1836, traduction de J. Rousselot)311

Dans la poésie du XIXe siècle enseignée aujourd’hui dans les écoles, l’idée d’autochtonie est omniprésente : la richesse de la terre hongroise est étroitement liée au pouvoir germinatif du sang que les martyrs y ont versé. Les poètes disent qu’à Mohács - un lieu de mémoire consacré par la bataille célèbre contre les Turques - l’herbe et plus verte et plus haute qu’ailleurs, le blé plus épais : « du sang saint nourrit ses lourds épis ondulants et le corps, l’âme y trouve son aliment » ; « de la sainte poussière de tes martyrs une vie nouvelle, plus animée germa »312.

Le principe qu’une terre ou une cité, pour qu’elles perdurent, nécessitent un sacrifice corporel est déjà présent dans l’idée athénienned’autochtonie. Afin d’être sauvée, Athènes devrait être arrosée du sang des corps, et non pas n’importe quel corps, mais ceux des êtres autochtones, donc de sang pur. Les paroles de la mère qui va sacrifier sa fille sont révélatrices ici : « Cette fille qui n’est mienne que par nature, je l’offrirai en sacrifice pour le pays/la terre, pour gaia » 313. La puissance de l’idée d’autochtonie va jusqu’à remettre en cause la maternité de la femme car cette dernière ne serait finalement que porteuse d’une fille appartenant à la Terre comme tous les autochtones. Par ailleurs, comme l’observe Marcel Detienne, la fille élue pour ce sacrifice porterait le nom de Chtonia, la Terrienne, nom vu comme prédestiné pour une fille née donc de la Terre pour être sacrifiée à cette dernière.

Nous retrouvons cette conception du territoire hongrois comme corps mystique de la nation, dans la symbolique de la « couronne sacrée ». Le premier roi chrétien du Royaume hongrois, Etienne, devenu ultérieurement « Saint Etienne » est un des éléments principaux de l’imaginaire historique de la patrie hongroise. La date du 20 août qui célèbre annuellement en Hongrie la « Saint Etienne », est une date symboliquement importante pour l’unité de la nation hongroise.314

La couronne avec laquelle le roi Etienne a été sacré en tant que fondateur du Royaume hongrois médiéval reste jusqu’à nos jours chargée d’une dimension symbolique. Les cérémonies liées aux reliques d’une partie de la main droite (Szent Jobb) de Saint Etienne qui ont lieu le 20 août en Hongrie illustrent parfaitement cela. Cette cérémonie a lieu chaque année autour de la basilique Saint Etienne. En 2000, les reliques ont été portées dans d’autres villes, plus précisément à Székesfehérvár, lieu traditionnel du couronnement des rois hongrois.315 Exposée pendant un certain temps dans une salle spécialement aménagée au Musée National de Hongrie, cette couronne se trouve de nos jours dans le Palais du Parlement de Budapest.

Il faut aussi rajouter qu’au-delà de la valorisation de la « Sainte Couronne » liée à son origine et à l’institution monarchique, son rôle symbolique dans l’opinion publique fut renforcée aussi par le destin de cet objet : sauvée après la grande défaite de Mohács (1526) face aux Turques, elle fut retrouvée en Amérique après la deuxième guerre mondiale, étant rapatriée dans la dernière période du régime communiste de Kádár comme signe du « dégel » communiste en Hongrie et de la reconnaissance des mérites de ce régime.

Pour revenir aux significations plus anciennes de la « Sainte Couronne », je peux noter que, portée dans le passé sur la tête du roi, la couronne de Saint Etienne représentait le corps mystique de la nation, qui comprenait tous les nobles, membres de cette dernière. Selon le principe de la natio hungarica,celle-ci rassemblait avant la création des nations modernes toute la noblesse indépendamment de son origine, qu’elle soit slovaque, roumaine, croate ou autre. A partir de la deuxième partie du XIXe siècle, avec l'éveil des consciences nationales en Europe centrale et orientale, le concept de nation acquiert un nouveau sens sortant de cette dimension réduite à un état social. Mais avant 1920, l’idée de nation hongroise n’est pas encore basée sur la consanguinité mais plutôt sur une « confraternité » entre les patriotes, au-delà des clivages sociaux et des appartenances ethniques, religieuses et linguistique.316 C’est seulement à partir de 1920, quand commencera le processus « d’ethnisation progressive de l’identité nationale », que la nation et donc son corps mystique rassembleront toutes les personnes parlant une même langue, le hongrois. En effet, il n’est pas question ici seulement du critère linguistique, le corps mystique s’étendant plus largement à la nation culturelle , bien que la langue reste le facteur principal de différenciation nationale hongroise.

E. Kantorowicz mettait en lumière le fait que pendant le Moyen Age la Couronne était comparable à un corpus mysticum, rarement personnifiée, mais plutôt considérée comme un corps. « Par sa perpétuité, la Couronne était supérieure au rex physique comme elle était supérieure au regnum géographique, en étant en même temps de niveau avec la continuité de la dynastie et l’éternité du corps politique »317. De manière similaire à cette Couronne, le territoire (de la patrie), en tant que corps mystique de la nation, est un symbole de la survivance du groupe au fil du temps.

Dans le Musée National de la Hongrie de Budapest, j’ai pu observer de nombreuses affiches de la période de l’entre-deux-guerres, représentant le paysage rural de la Transylvanie et au-dessus de celui-ci la « couronne sacrée ». La Transylvanie est donc partie intégrante du corps mystique de la nation. Comme le note Kürti L., et comme j’ai pu le constater moi-même au cours des entretiens ou en observant l’image de la Transylvanie sur la chaîne DUNA TV, « ses régions et les caractéristiques topographiques de la Transylvanie ont été identifiées avec l’histoire nationale, avec une communauté de langue, avec des complexes folkloriques et un style de vie reconnu ‘’nationalement’’»318.

Néanmoins, la question demeure : pourquoi la Transylvanie a-t-elle une place plus importante dans l’imaginaire hongrois que d’autres territoires de l’ancien royaume, faisant actuellement partie de la Slovaquie, de l’Ex-Yougoslavie ou de l’Ukraine ? Au-delà de l’argument avancé par Kürti L. concernant le caractère périphérique de cette région dans le Royaume hongrois (ce qui lui aurait conféré en échange une centralité symbolique), nous avons vu que la Transylvanie occupe une place importante dans l’imaginaire hongrois dès le XVIe siècle. Sur cette base, il a donc été plus facile d’asseoir plus tard, et surtout après 1920, d’autres éléments qui ont enrichi l’imaginaire social de cette région. Toutefois, au-delà de ces deux éléments, il me semble opportun d’en rajouter d’autres.

Il faut rappeler tout d’abord que la Transylvanie est, parmi les territoires perdus par la Hongrie en 1918, celui qui compte de loin le nombre le plus important de Hongrois.319 De plus, par rapport au territoire qui se trouve en Slovaquie, souvent évoqué dans la rhétorique politique de Hongrie, la Transylvanie présente encore un élément singulier supplémentaire. Il est question d’une certaine disposition de la chaîne carpatique qui apparaît dans l’imaginaire hongrois comme une frontière forte qui séparerait ainsi, de manière naturelle, la magyarité du reste de la Roumanie.

La Transylvanie, plus que les autres territoires, peut être utilisée comme expression parfaite du drame de la Grande Hongrie et de ses territoires perdus, voire « volés ».320 De tous ces éléments qui font de la Transylvanie un territoire symboliquement plus important que les autres territoires de l’ancien Royaume, je voudrais m’arrêter sur la question du nombre de la population hongroise de Transylvanie, un sujet très sensible pour cette communauté. Cette question me semble avoir de plus une importance particulière dans la conception du territoire. Il est intéressant d’observer que les Magyars de Hongrie et ceux émigrés de Transylvanie commencent à restreindre ce territoire à la seule région occupée par les Sicules où la présence magyare estmajoritaire en rapport avec le nombre des Roumains :

‘« Pour moi et pour la plupart des Hongrois venus de Transylvanie et qui se sont installés ici, mais aussi pour les Hongrois d’ici, la Transylvanie d’autrefois n’existe plus. Elle est restée une petite île des Sicules. Là-bas, on se sent à la maison, on peut parler le hongrois, on est bien accueilli…Des centaines d’agences de voyage de Budapest organisent des voyages en Transylvanie. Ils s’arrêtent seulement pour une heure à Cluj, ou pour deux heures à Targu Mures et ils restent la plupart du temps dans le Pays Sicule…Les plus beaux exemples d’autrefois, les villes de Brasov, de Cluj, de Sibiu, de Targu Mures, de Sighisoara… n’existent plus pour nous. Ce sont des villes perdues, de la terre perdue ». (Directeur de programmes, Duna TV, Budapest).’

La présence, en nombre important, de Hongrois dans un espace donné, apparaît comme une garantie de la survivance de la langue magyare dans cet espace (nous avons vu une personne est considérée comme Hongroise si elle parle le hongrois) et l’usage de cette langue devient un signe de présence dans cet espace du territoire du groupe. Comme partie intégrante du corps mystique de la nation culturelle hongroise, le territoire de la Transylvanie n’a pas de frontières physiques, mais des frontières définies par la présence de cette nation et par la manifestation de celle-ci sur ce territoire. Autrement dit, en reprenant des métaphores utilisées déjà dans le Moyen Age sur le corps et la tête (ou l’âme) du corps mystique, si le territoire nous apparaît comme le corps de la nation culturelle, cette dernière en est son âme. Si le facteur linguistique revient le plus souvent dans les entretiens avec mes interlocuteurs et dans les actions des associations, il existe d’autres éléments qui illustrent ce contour que le territoire prend selon la présence de la nation ethnique. La destruction en Transylvanie et notamment à Cluj, sous l’ordre de Ceausescu (dans la période de Kádár), de multiples tombes historiques hongroises n’est pas innocente, elle relève de l’importance que les « morts » de la nation prennent dans le marquage des frontières du territoire, vu comme symbole de l’existence du groupe dans le temps.

En conséquence, nous pourrions nous demander si là où on ne parle plus le hongrois, là où les morts de la nation ne sont plus présents, là où les marques culturelles du groupe ethnique ne s’affirment plus, on ne retracerait pas les frontières du territoire symbolique du groupe?

Nous avons remarqué (par exemple au cours du Carnaval du Danube) un discours performatif sur la Transylvanie qui décrit cette région comme une entité discrète et distincte par rapport à la Roumanie. Il ne reste pas moins que les frontières de ce territoire restent assez floues. En plus du caractère mouvant des frontières du territoire tout au long de l’histoire, cette expérience minimale de terrain en Hongrie m’a montré que les contours symboliques de la Transylvanie se modèlent aussi selon les perceptions des individus ou des logiques touristiques.Nous pouvons alors nous interroger sur le rôle de la frontière des Carpates,  vue comme « naturelle », dans cette construction fluide du territoire. Si celle-ci reste une frontière symbolique forte, ne viendrait-elle pas en contradiction avec cette dimension mobile des frontières de la Transylvanie, que je viens d’évoquer ? Après le Traité de Trianon, le rôle des Carpates comme frontière symbolique est devenu plus important, dans le contexte d’une légitimation de la survivance de la patrie hongroise après les mutations politiques et territoriales. Cependant, de nos jours, face aux pertes démographiques de plus en plus importantes au sein de la population hongroise de Transylvanie, il me semble que ce discours sur la frontière des Carpates, qui séparerait de manière naturelle la terre hongroise et donc la Transylvanie du reste de la Roumanie, pourrait perdre en intensité. Ou, mieux, si les références à cette frontière restent encore un élément fort dans l’imaginaire hongrois et/ou instrumentalisé par le politique, ne serait-il pas avant tout parce que le Pays Sicule, majoritairement hongrois, se situerait dans cette aire frontalière carpatique ? Si, dans cette configuration actuelle de perte démographique, ce bloc presque compact de magyarité se trouvait par exemple au centre de la Transylvanie, qu’est-ce qui resterait de ce discours sur la frontière « naturelle » carpatique ?

Ne pouvant m’appuyer sur une étude solide de terrain en Hongrie pour approfondir cette réflexion, je vais essayer de tourner de nouveau mon regard vers les Hongrois de Transylvanie afin d’observer s’ils partagent ou non la même conception du territoire que leurs confrères de Hongrie.

Notes
295.

Parmi les partenaires : la Direction du Patrimoine Culturel Hongrois, la Municipalité du Château Buda, la Municipalité du 16ème arrondissement de Budapest, l’Ensemble BM Duna Art, etc.

296.

Marosvasarhely (TarguMures) est une ville de Transylvanie dans laquelle vit une importante communauté hongroise (47,9% de la population de la ville s’est déclaré hongroise au dernier recensement et 49,5 % roumaine).

297.

Örkény A., « A tizenévesek álampolgári kultúrája », in Minoritás, Budapest, 1998, p. 167.

298.

J’ai déjà mentionné le fait que par exemple le Parti Socialiste soutient de manière moins active les Hongrois de l’étranger que ne le font les conservateurs de FIDESZ.

299.

Losonczy A. M., Zempléni A., « Anthropologie de la ‘’patrie’’ : le patriotisme hongrois », in Terrain, 17, octobre, p. 29-38, 1991. Voir également Zempléni A., « Les manques de la nation. Sur quelques propriétés de la ‘’patrie’’ et de la ‘’nation’’ en Hongrie contemporaine », in Fabre D., L’Europe entre cultures et nations, Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 1996.

300.

Zémpleni A., « Les manques de la nation », p. 130.

301.

Losonczy A. M. et Zempléni A., op. cit., p. 32.

302.

Le mot « haza » signifie « patrie » et « magas » peut se traduire par « haut », « hauteur ».

303.

Zempléni A., op. cit., p. 150.

304.

Kürti L., op.cit.

305.

Zempléni A., op. cit., p. 132.

306.

Cerclet D., « Sentiment de rupture et continuité dans le récit patrimonial », in Laplantine F., Lévy J., Martin J. B., Nouss A., Récit et connaissance, PUL MV, 1998, p. 89-97.

307.

Cerclet D., « Folklore et patrimoine, peuple et territoire », in InfoCrea, Nr. 8, 2001.

308.

Kantorowicz E., Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Age, Gallimard, 1989.

309.

Thomas d’Aquin, cité in Kantorowicz E., op. cit., p. 147.

310.

Sans m’arrêter ici sur cette nouvelle conception du monde, de celle-ci rendent compte Thomas d’Aquin et Guillaume Ockham, repris in Kantorowicz E., op. cit. et in Cerclet D., « Folklore et patrimoine, peuple et territoire », op. cit.

311.

Cité in Zempléni A., op. cit., 142. La traduction du poème se trouve dans Anthologie de la poésie hongroise, Seuil, 1962.

312.

Vers repris par Zempléni A., op. cit., p. 136, des poètes I. Madách et J. Komjáthy. D’autres poèmes sont intéressants ici quant à l’idée d’autochtonie et de corps sacrificiel de la patrie : J. Eötvös (Mohács, Búcsú), I. Madach (Nem féltelek…), J. Bajza (Apotheosis), M. Vörösmarty (Harci dal), J. Arany (Emléklapra), J. Komjáthy (Magyar).

313.

Euripide cité in Detienne M., Comment être autochtone. Du pur Athénien au Français raciné, Editions du Seuil, 2003, p. 38.

314.

Les sondages montrent qu’en Transylvanie 63% de la population hongroise considère très importante ou au moins importante cette date de l’année (66 % de la population roumaine de cette région ne sait pas de quel événement il est question). Ses données sont fournies par l’étude de Culic I., Horváth I., Lazar M., Magyari N. L., Romanii si maghiarii. Imagini mentale si relatii interetnice in Transilvania, Proiectul sociologic « Bazinul Carpatic », Universitatea Babes-Bolyai, CCRIT si Catedra de Sociologie Cluj-Napoca, 1998.

315.

Voir pour cela les cérémonies liées aux reliques (d’une partie de la main droite) de Saint Etienne qui ont lieu le 20 août en Hongrie, présentées par Zempléni A., op. cit., p. 144-146.

316.

Losonczy A. M., « Le refus de l’exil. Migrations, autochtonie et patriotisme entre la Hongrie et la Transylvanie », in Giordano C., Rolshoven J. (éd.), Ethnologie européenne. Ethnologie de l’Europe, Editions Universitaires Fribourg Suisse, 1999, p. 111-122.

317.

Kantorowicz E, op. cit., p. 247.

318.

Kürti L., op.cit.

319.

Selon le dernier recensement de Slovaquie (2001), dans ce pays vivent 520 528 hongrois, soit 10% de la population. En Vojvodine, les hongrois représentent 290207 personnes - 14.28% de la population de la province (cf. recensement de la République de Serbie de 2002). En Ukraine, selon le recensement de 2001, vivent 156. 600 hongrois (0.3%).

320.

Il est également intéressant d’observer ici que les études en sciences sociales ou les références consacrées à la Transylvanie par les auteurs hongrois de Hongrie ou de l’Occident, sont elles aussi plus nombreuses face à celles concernant les autres territoires de l’ancien Royaume hongrois qui sont alors presque inexistantes ou en tous cas moins connues.