3.4. L’Europe : moteur dans les recompositions sociales et territoriales en Transylvanie

Je souhaite revenir sur le contexte qui a rendu possible l’émergence d’un nouveau discours sur la Transylvanie et qui a été également un des moteurs de l’entreprise de Provincia. Il est certain que le contexte de transformations internes, avec l’amélioration du climat interethnique, a été un facteur important ici. Il faut aussi ajouter à celui-ci l’Europe, comme nouvel acteur important dans les mobilisations collectives en Transylvanie et dans d’autres pays d’Europe centrale et orientale.

Si le projet d’affirmer un nouveau discours sur la Transylvanie sur la scène publique, par une action concertée des Roumains et des Hongrois, a enfin été possible, cette entreprise s’est appuyée fortement sur un discours de l’Europe, comprise comme projet d’élargissement européen. La présentation du projet Provincia comme un projet inscrit au cœur des problématiques européennes et de l’intégration de la Roumanie dans l’UE a été un argument puissant contre les discours nationalistes et contre les réactions hostiles de la part du pouvoir, des médias et d’une partie de la population du pays. Comme l’affirme un des mes interlocuteurs de Provincia :

‘« Poser la question de la Transylvanie dans le contexte européen était quelque part le lien entre nous tous. L’Europe était autre chose. Elle n’avait ni des intérêts révisionnistes, ni nationaux. Elle était comme un arbitre qui se tait et qui observe et qui à un moment donné montre le fanion… Le jeu a commencé quelque part sous la devise de l’Europe… » (politologue, une cinquantaine d’années).’

C’est particulièrement sur le discours de l’Europe des régions que se sont appuyés Provincia, la Ligue ProEuropa et Sabin Gherman. Comme nous l’avons déjà remarqué, ces deux derniers ont dans leur sigle les symboles de l’Europe, à savoir les étoiles sur fond bleu. Il convient aussi de noter que l’affirmation du sentiment d’appartenance régionale à la Transylvanie était considérée déjà dans la Déclaration de Cluj comme un « prémisse historique fondamentale pour pouvoir devenir citoyens de l’UE ».