C/ Effacement tendanciel de l’épiscopat

Ces critiques interviennent tandis que le corps épiscopal se présente affaibli. Largement présent dans l’espace es événements conciliaires et de 1968, le corps épiscopal tend à devenir une figure ondoyante de l'Église et de la société française durant les années 1980. Avec Catherine Grémion, Pierre Bourdieu et Martine de Saint-Martin 77 ou encore Brigitte Vassort-Rousset 78 , la sociologie appréhende l'épiscopat selon une sociologie des élites 79 dans la mesure où ”on doit, en effet, considérer les évêques à la fois comme les dirigeants responsables de la conduite de l'Église et comme des élites de la société, ayant à ce titre un statut social spécifique” tel que le suggère Jacques Sutter 80 .

L'étude exhaustive des publications de La Croix et des Informations catholiques internationales confirme un effacement progressif de la figure de l'évêque de France. Entre décembre 1978 à 1981, la tendance est ainsi particulièrement prononcée dans les colonnes du quotidien catholique qui ne font place qu'épisodiquement aux déclarations de l'épiscopat. Sous les plumes d'Alain Woodrow et d'Henri Fesquet 81 , Le Monde tente bien de contester le primat romain dans l'actualité religieuse 82 , reste qu'une lecture attentive de la Documentation catholique confirme, elle aussi, une tendance épiscopale à l'effacement. Elle est également l’occasion des premiers diagnostics.

Notes
77.

Pierre Bourdieu & Martine de Saint-Martin, ”'L'épiscopat français dans le champ du pouvoir”, Actes de la recherche en sciences sociales, 44-45, novembre 1982

78.

Brigitte Vassort-Rousset, Les évêques de France en politique, Paris, Cerf, 1986, 300 pages

79.

En septembre 1984, les éditions du Cerf publient la thèse de Brigitte Vassort-Rousset. Outre son intérêt pour la communauté scientifique, telle publication n'est pas sans influencer l'Église qui en reconnaît la pertinence. Ainsi, le centre Thomas More organise-t-il un colloque les 24 et 25 novembre 1984 autour de l'auteur sur le thème de ”l'épiscopat français dans le temps de l'après concile”. L'approche sociologique est- ainsi consacrée par des acteurs ecclésiaux pour appréhender l'institution épiscopale du point de vue intra ecclésial. Dans un détour par la sociologie des élites, les dominicains se proposent alors d'évaluer l'adaptabilité philosophique et pragmatique de l'épiscopat. La conférence épiscopale et ses instances de gouvernement deviennent objet de science légitime pour interroger la sécularisation, la tension entre ”éthique de conviction” et solutions pragmatiques. L'Église s'autorise à penser les implications d'une pastorale incarnées par ses acteurs nationaux ou internationaux. Anonyme, ”L'épiscopat français dans le temps de l'après Concile”, Snop, n°562, 14 novembre 1984.

80.

Jacques Sutter, ”L'épiscopat interrogé”, Archives des sciences sociales des religions, 65/2, avril juin, 1988, page 185. Nous reprendrons la conclusion d'un article d'Emile Poulat publié en janvier 1965 dans les Archives de sociologie des religions sous le titre ”le catholicisme français et son personnel dirigeant” pour l'interroger. Le sociologue s'interrogeait alors sur le pouvoir des évêques dans l’Église :

[…] Qui la dirige ? Canoniquement, au plan du droit, aucun doute n'est possible : c'est l'épiscopat. Mais sociologiquement, dans la réalité, en est-il toujours de même ? On songe ici nécessairement à la place que tiennent, à l'influence que possèdent les grandes congrégations religieuses, les dirigeants de tant de mouvements et d'organisations, plusieurs groupements de presse. Et pourtant, si l'on regarde non pas comment s'exerce cette direction, mais qui l'exerce, force est bien de constater que le cercle se referme sur les évêques. Ce sont eux, et eux seuls, les pasteurs de l'Église.

Emile Poulat, ”Le catholicisme français et son personnel dirigeant”, Archives de sociologie des religions, 19, janvier-juin 1965, pp. 117-124

81.

La séduction n'est ainsi pas unanime. Henri Fesquet dans Le Monde dénie à Jean-Paul II le droit de prétendre à définir l'horizon de l'Église née du concile. ”Si Vatican II a marqué en quelque sorte la fin de l'anti-protestantisme, voici qu'aujourd'hui l'heure du ressac se dessine. Durera-t-il ? Certes, il peut momentanément briser des espoirs, retarder des aménagements et entraver des carrières prometteuses, mais demain ? Que peut l'homme sur l'avenir, si haut placé qu'il soit ? Qui peut arrêter le soleil ?”, s'interroge le chroniqueur du Monde. Henri Fesquet, ”L'Église romaine en retrait”, Le Monde, 14 mai 1981

82.

Durant toute l'année 1984, La Croix élude l'actualité épiscopale. A la fin du mois de septembre, fleurissent des articles pour les dix ans du diocèse du Havre avec une réunion autour de Mgr Saudreau, Mgr Jullien rencontre ses diocésains et Mgr Picandet réunit les catholiques du diocèse d'Orléans. Enfin un portrait de Mgr Huygue est dressé pour son vingt-deuxième anniversaire dans l'épiscopat et l'heure de son départ.