Un épiscopat, des évêques

Dans Témoignage chrétien, Georges Montaron et Albert Longchamp (s.j.) 83 exhument le clivage gallicans – ultramontains dans une évocation régulière du père Riobé 84 et au travers de divers articles théologiques sur le gouvernement de l'Église. En mars 1983, le directeur de l'hebdomadaire chrétien s'essaie à l'exercice du portrait pour décrire l'évêque français type 85 :

‘Les évêques qui, avec le premier d'entre eux l'évêque de Rome, ont selon l'expression conciliaire ”charge de diriger la maison du Dieu vivant” ont, en France et dans de nombreux pays, rompu avec les pratiques qui étaient celles du siècle passé au temps où ils étaient des seigneurs, des notables. Sans ”tambours ni trompettes” ils visitent leurs paroisses, ils rencontrent les prêtres, les laïcs, ils établissent des liens avec les communautés qui se développent ici et là. Ils sont tout à tous. Ils ont brisé les barrières qui les coupaient du monde. Ils établissent des ponts entre les hommes.’

Du centralisme de la conférence épiscopale à la désertion des instances nationales au profit des seuls diocèses, l'épiscopat français offre un visage tourmenté au cours de la première décennie du pontificat de Jean-Paul II. Or la médiatisation de l'espace public précipite une individualisation de la charge épiscopale 86 . Significative sur le plan de la sociologie, l'analyse de l’organigramme de l'épiscopat français nous intéresse ici de manière marginale. Fondée en 1964, la conférence épiscopale en France reste en état de gestation avec une réforme des structures qui s'impose comme le serpent de mer récurrent des assemblées de Lourdes depuis l’adoption des statuts de la conférence en 1975 87 .

L'étude des présidences de l'épiscopat confirme une tendance que les travaux de Jacques Palard 88 analyse par ailleurs du point de vue de la science politique, à savoir : un repli sur les Églises locales au détriment de la conférence épiscopale. Ainsi les présidences Etchegaray, Vilnet puis Decourtray marque une inflexion sensible dans l’exercice collégial de la responsabilité épiscopale. A la tête de la conférence épiscopale en 1975 et 1981, Mgr Etchegaray est un homme de l’appareil 89 . Sa présidence qui court de 1974 à 1981 est celle de la génération conciliaire. Elle est celle d'un homme qui accompagne l’émergence de la conférence épiscopale française.

Nommé directeur adjoint du secrétariat de l'épiscopat en janvier 1961, il est chargé des problèmes pastoraux 90 . Il s’impose alors comme l’un des maîtres d’œuvre le témoin privilégié des réformes pastorales des années 1960 : définition des neuf régions apostoliques, remaniement des commissions épiscopales 91 . Le père Etchegaray devient conseiller du comité central du centre de recherches d'information et de coordination pastorale qui regroupent Mgrs Guerry, Marty, Ménager et Gouet 92 . Lorsqu’en mars 1962, la direction du secrétariat de l'épiscopat se mue en secrétariat général de l'épiscopat, le père Etchegaray coordonne les initiatives ecclésiales sur tout le territoire 93 . Lorsque le 31 mai 1966, Mgr Marty devient le premier président élu de l'épiscopat, le père Etchegaray est désigné directeur du secrétariat général de l'épiscopat en remplacement de Mgr Gouet 94 . et participe à la commission préparatoire pour la réorganisation des diocèses parisiens. Réélu pour trois ans secrétaire général de l'épiscopat lors de l'assemblée plénière des 28-29 mars 1969, le père Etchegaray est nommé évêque auxiliaire de Paris, par Paul VI, le 1er avril 95 . Le père Etchegaray reçoit la consécration épiscopale des mains de Mgr Marty le 27 mai à Notre-Dame de Paris. Dès lors, l’ascension épiscopale du père Etchegaray est inéluctable 96 . A la tête de l’épiscopat français, le président Etchegaray et son vic-président, Mgr Matagrin, impulse une dynamique centralisatrice du fonctionnement de la collégialité épiscopale.

A leurs côtés, le sécrétaire général de l’épiscopat, Gérard Defois 97 , astreint l’épiscopat à l’adoption de textes doctrinaux et pastoraux conséquents au terme de chaque assemblée plénière. Ce sociologue de formation ne tarde pas à s’imposer comme le chancelier de la conférence épiscopale avec une redoutable énergie dans la réalisation de comptes-rendus dans des délais exemplaires et leur diffusion conduite de main de maître. Sous son impulsion et celle des pères Etchegaray et Matagrin, l'autorité du conseil permanent ne cesse de se renforcer. Depuis 1972, la moindre publication émanant d'une commission épiscopale doit préalablement obtenir l'autorisation expresse du conseil permanent 98 . L'assemblée permanente et le conseil permanente ne se réunissent pas sans que soit publié notes, fiches et directives du secrétariat général. Nous parlerons de centralisme présidentiel pour cette période 99 .

Les deux mandats de Mgr Vilnet entre 1981 et 1986 tentent de corriger cet excès centralisateur au profit d’une gestion collégiale de l’Eglise de France. Ancien vice-président à la suite du retrait de Mgr Matagrin en 1978, le père Vilnet bénéficie d’un large soutien d’un épiscopat encore marqué par l’expérience conciliaire 100 . Cette option de gouvernement tempérée par la spontanéité et le charisme du vice-président Decourtray, permet de tenir des négociations serrées avec Rome notamment lors de la controverse du catéchisme. Enfin, la difficile élection du cardinal Decourtray révèle une fragmentation du corps épiscopal. Malgré la présence du discret père Duval à la vice-présidence, le primat des Gaules opte pour un exercice du type charismatique pour son unique mandat. Fort de sa légitimité romaine, le cardinal se prête de bonne grâce au jeu médiatique au risque de commettre l’ensemble de l’épiscopat.

Plus que l'épiscopat en lui-même l'histoire très contemporaine de l'Église de France nous révèle des figures épiscopales particulières. Reste l'évolution symptomatique du rôle de la présidence dans la conférence épiscopale au cours de cette décennie 1980 qui s'achève avec le retrait précipité du cardinal Decourtray en 1990. Du centralisme de la conférence épiscopale à la désertion des instances nationales au profit des seuls diocèses, l'épiscopat français offre un visage difficile à cerner pour l'observateur. Derrière les cardinaux Lustiger et Decourtray, des personnalités épiscopales ont plus ou moins l'opportunité de s'adresser au plus grand nombre : Mgrs Vilnet, Jullien, Rozier, Gaillot, Delaporte… Leur succès dans l'entreprise dépend tantôt de leur fonction, tantôt de leur charisme ou encore d'événements spécifiques.

Les journaux se s’essayent volontiers dans l’exercice de personnalisation de la fonction épiscopale 101 . Les années 1980 et le retour du sujet sont propices à l'émergence d'une forme littéraire commandée par l'entretien. Les évêques s'y prêtent de bonne grâce. Jacques Delaporte publie son livre-entretien en mars 1989 chez Desclée de Brouwer 102 . Ce mouvement de personnification de la fonction épiscopale ne manque pas d'inquiéter une partie de l'Église. Le conseil diocésain de mission ouvrière de Saint-Denis, réuni le 1er mars 1989 en présence de Mgr Deroubaix, intervient pour dénoncer ”une image de l'Église fermée et insensible à la vie des hommes/ Nous voulons dire que l'Église n'est pas cela”. A cette occasion, l'évêque de Saint-Denis se désolidarise de la gestion des affaires Rushdie et Scorcese par la dyarchie Lustiger-Decourtray. ”Naturellement on est attiré par les personnalités. Or, je pense qu'il faudrait que tout le monde puisse parler… Le peuple de Dieu doit pouvoir s'exprimer. Que les gens, les couples, les médecins sur les questions éthiques notamment puissent parler, même si l'Église se doit de déterminer des points de repère”.

Cette approche se retrouve peu dans l’histoire spécialisée. Les pères Lustiger, Decourtray et Matagrin, sont les figures qui alimentent la notice du Dictionnaire des intellectuels français concernant les évêques. Séduit par l'appréhension du fait catholique au filtre de l'histoire des idées par les écrits d'Etienne Fouilloux 103 et Denis Pelletier, mon premier réflexe consista à penser le corps épiscopal en terme de générations 104 , conformément à l'histoire intellectuelle telle que la reconstitue Jean-François Sirinelli 105 . En 1986, Catherine Grémion et Philippe Levillain évoquent le phénomène générationnel avec prudence dans l'ouvrage Les lieutenants de Dieu 106 . Quelques mois après, les auteurs s'avancent plus avant dans une contribution au Rêve de Compostelle et évoque une génération Jean-Paul II 107 . Engagée au milieu du gué pour ce qui concerne la période qui nous intéresse, l'étude proposée en 1986 par Catherine Grémion semble pour partie infirmée sur le long terme. Ainsi, sous la direction de Claude Prudhomme, Pauline Ducos et Caroline Durieux discutent-elles les conclusions concernant le profil intellectuel des évêques nommés sous Jean-Paul II. Ce dernier nomme ”des évêques plus proches de la société actuelle”, relève l’étude 108 . D’origine souvent parisienne et issus de catégories sociaux-professionnelles supérieures et intellectuelles, les évêques nommés au milieu des années 1980 offrent un éventail des cursus universitaires plus variés et laïcs.

Faut-il opposer une génération conciliaire à une génération Jean-Paul II ? Dans son livre-entretien, Le chêne et la futaie, Mgr Matagrin tente d'incarner une génération forgée au creux de l'expérience conciliaire. ”Les évêques ont pour charge de faire vivre l'Église comme le concile Vatican II l'a voulu. Il faut recevoir ce concile en profondeur. Ce que je dis là est à comprendre comme une prise de position”, déclare le père Meindre lorsqu'il s'apprête à prendre la tête de l'archevêché d'Albi en mai 1989 109 . Il n'en demeure pas moins, qu'à vingt ans de distance, le concile perd de son caractère normatif pour l'épiscopat après la promulgation du nouveau code de droit canon en 1983, le synode romain de 1985 célébrant le vingt-cinquième anniversaire de Vatican II et la réintégration des lefebvristes. Cette double conjonction de la diversification des profils ainsi que l'estompement de la référence conciliaire consacre la fin du paradigme générationnel pour l'étude de l'épiscopat sous le pontificat de Jean-Paul II.

Notes
83.

Au lendemain des voyages pontificaux aux Etats-Unis et en Irlande, Albert Longchamp n'hésite pas à s'interroger sur la fermeté du nouveau pape dès son voyage en Pologne au printemps 1979 Albert Longchamp, ”Les équivoques du messianisme”, Témoignage chrétien, 1824, 25 juin 1979. Le jésuite suisse établit alors des parallèles entre les allocutions de Jean-Paul II et ses écrits Amour et responsabilité (1962) traduits en français dès 1965, avec notamment une préface du père de Lubac. Albert Longchamp, ”Un peu de tendresse sur la froide doctrine !”, Témoignage chrétien, 15 octobre 1979.

84.

La publication de la biographie de Mgr Riobé par Jean-François Six réveille chez les chrétiens de gauche un enthousiasme épidermique au début des années 1980. ”Comme l'écrivait TC en mai 1978, ”Guy Riobé est un de ces évêques qui font que bien des chrétiens ne désespèrent pas de leur Église”. En un temps où, une fois encore, l'Église change de saison, à nous d'être, comme disait Guy-Marie, ”des hommes d'aurore, tournés vers l'avenir” ”. Louis Rétif, ”Guy-Marie Riobé : comment un évêque devint prophète”, Témoignage chrétien, 1872, 26 avril 1982

85.

Georges Montaron, ”Qu'il écoute !”, Témoignage chrétien, 2017, 7 mars 1983

86.

L'étude des journaux généralistes révèle le phénomène de réduction médiatique. Ainsi, alors qu'est annoncée la mort subite de Jean-Paul Ier, Le Monde recueille les commentaires de Mgrs Marty, archevêque de Paris, Etchegaray, président de la conférence épiscopale. Mgr Matagrin, vice-président de la conférence épiscopale, Mgr Elchinger, évêque de Strasbourg, le cardinal Renard, archevêque de Lyon, primat des Gaules ainsi que Mgr Rozier, évêque de Poitiers, viennent compléter les interventions de frère Roger de Taizé, du cardinal Freeman, archevêque de Sydney, du cardinal Suenens, primat de Belgique et de Mgr Ducaud-Bourget, chef de file des traditionalistes. Par cette sélection, le quotidien national donne à voir les personnalités les plus importantes de l'épiscopat français de l'époque. Anonyme, ”Les réactions”, Le Monde, 30 septembre 1978

87.

Lors de l'assemblée plénière de 1979, la réforme des structures est à nouveau à l'ordre du jour. Mgr Vilnet insiste sur la nécessité d'adapter les structures à la réalité pastorale et à la mission fondamentale de l'Église en France. Une enquête a été menée dans les diocèses et les régions au cours de l'année 1978-1979 pour envisager quelques résolutions pratiques et alléger progressivement les structures en place. Le conseil permanent doit être le maître d'œuvre de la réforme.

88.

Jacques Palard, ”Les recompositions territoriales de l'Église catholique entre singularité et universalité”, Archives de sciences sociales des religions, 107, juillet-septembre 1999, pp. 55-75

89.

La carrière épiscopale du chanoine Roger Etchegaray débute tandis que se retirent les pères Roques, Feltin, Guerry, Liénart, Weber, Richaud, Garronne et Villot (Gérard Cholvy, ”Fin d'une Église cléricale ou maladie infantile des catholiques français” in Histoire religieuse de la France contemporaine 1930-1988, Privat, Toulouse, 1988, page 288). Il succède à un cardinal Marty éprouvé par son dialogue avec Rome tandis que la tendance centralisatrice du Vatican triomphe depuis le synode romain de 1971 où ”la délégation française n'a pas su se faire entendre”, selon le président démissionnaire (DC, 1686, 16 novembre 1975, page 960). Roger Etchegaray est né dans les Basses-Pyrénées, à Espelette, le 25 septembre 1932. Etudiant au séminaire diocésain, il se rend à Rome pour parfaire son enseignement à l'université grégorienne. Il y obtient une licence en théologie et en droit canon. Ordonné prêtre le 13 juillet 1947 dans sa paroisse natale, ce n'est que deux ans plus tard qu'il met un terme à son séjour romain. L'évêque de Bayonne, Mgr Terrier, sollicite alors ses services pour prendre en charge son secrétariat. Très vite, lui incombe, d'autre part, les tâches de secrétaire général des Œuvres diocésaines et de l'action catholique. Aussitôt élu membre du conseil épiscopal en 1955, le père Etchegaray s'y distingue et son nouvel évêque, Mgr Gouyon, le nomme directeur des Œuvres diocésaines et vicaire général. (DC, 1539, 4 mai 1969, page 447).

90.

DC, 1348, 19 mars 1961, col. 412

91.

En octobre 1961, l'assemblée des cardinaux et archevêques décide l'instauration de neuf régions apostoliques. Il s'agit alors pour les évêques de favoriser les rencontres épiscopales selon un découpage géographique plus ample que celui des provinces ecclésiastiques tandis que l'assemblée remanie les commissions épiscopales par milieu. DC, 1348, 19 mars 1961, col. 412.

92.

Sous l'autorité de l'assemblée des cardinaux et archevêques, ”tous les travaux des commissions y arriveront et ce même comité assurera un lien permanent entre les régions apostoliques, et surtout les commissions, avec l'assemblée des cardinaux et archevêques”. DC, 1348, 19 mars 1961, col. 412. Le père Etchegaray y étudie les rapports des commissions pastorales et définit les priorités pastorales de l'A.C.A.

93.

DC, 1379, 1er juillet 1962, col. 865. Au gré des contacts noués avec les organismes pastoraux de spécialisation ou de synthèse, le père Etchegaray fait notamment la connaissance du chanoine Boulard, secrétaire général de pastorale diocésaine, DC, 1379, 1er juillet 1962, col. 864. Les deux hommes se retrouvent également au concile au sein du groupe d'évêques français réuni autour de Mgr Veuillot. Le père Etchegaray y assure le secrétariat avec dynamisme. Roger Aubert & Claude Soetens, ”L'assemblée et ses conditions de fonctionnement” in Histoire du christianisme, tome 13, Paris, Desclée, 2000, page 36.

94.

DC, 1474, 3 juillet 1966, col. 1230. ”Ce qui nous liait, c'était notre désir d'appliquer le concile et notre souci d'inscrire dans les faits notre volonté conciliaire d'évangélisation”, se souvient le père Marty. Mgr Marty, Chronique vécue de l'Église de France, Paris, Le Centurion, 1980, page 174

95.

DC, 1539, 4 mai 19869, page 447

96.

Élu par ses pairs pour les représenter au synode romain ordinaire consacré au sacerdoce et à la justice dans le monde, Mgr Etchegaray est transféré de Paris à Marseille en décembre 1971. DC, 1579, 7 février 1971, page 146. La conférence épiscopale le mandate à nouveau pour le synode ordinaire sur la catéchèse de 1974 avant de le choisir pour président.

97.

En 1977, le père Gérard Defois est élu secrétaire général de l'épiscopat. Cette nomination est décisive pour l'évolution de la conférence épiscopale. A l'image du père Etchegaray, le nouveau secrétaire général a œuvré pour la gestion des questions pastorales comme secrétaire général adjoint depuis 1973. Remarquée dans des revues d'histoire et de sociologie, la plume Defois assure à son auteur une entregent par-delà les seuls cercles ecclésiaux. Apprécié tant par les journalistes du Monde, de La Croix que de Témoignage chrétien, le secrétaire général incarne largement l'épiscopat parfois mieux que les évêques eux-mêmes.

98.

En 1972, la commission du monde ouvrier, décidant d'approfondir la lettre de Paul VI au cardinal Roy, publie un document à l'adresse des chrétiens ayant fait l'option socialiste. Le tollé suscité par le texte incite le conseil permanent à instaurer un contrôle plus serré des publications épiscopales. Rome n'est alors pas en reste. M. Alessandrini, directeur de la salle de presse du Saint-Siège, publie un article dans l'Osservatore romano sur ”Le socialisme, les chrétiens et les options”. L'auteur met en garde les évêques contre les risques d'un dialogue.

99.

Ernest Milcent décrit ainsi l'évolution du gouvernement de l'Église de France : ”D'un avis sur l'opportunité d'un texte, on est passé peu à peu à la mise en place d'un nouvel échelon administratif qui juge sur le fond, en dernier ressort, et finit même parfois par délibérer en l'absence des intéressés, les présidents de commission n'étant pas toujours présents pour défendre leur texte…” Ernest Milcent, ”Les acquis d'une évolution”, Informations catholiques internationales, 548, mars 1980

100.

Le 27 octobre 1981, la conférence des évêques de France choisit pour la première fois un simple évêque comme président. Mgr Vilnet n'émarge ni au rang de cardinal ni à celui d'archevêque comme ses prédécesseurs Etchegaray et Marty. L'évêque de Saint-Dié n'est cependant pas un inconnu. Participant des troisième et quatrième sessions du concile, le père Vilnet a reçu l'ordination épiscopale le 13 décembre 1964. Il est alors le plus jeune évêque français. Dans le travail de commissions, il s'investit particulièrement pour la rédaction du décret relatif la vie des prêtres. René Laurentin titre sur l'élection de ”L'homme de l'unanimité” dans Le Figaro. Le journal Le Matin évoque la figure du ”Laboureur” de Vatican II, tandis que Le Monde voit dans le nouveau président une ”autorité naturelle”. La rapidité du scrutin qui se déroule en moins de deux heures et demie et les 4/5 des votes que Mgr Vilnet réunit sur son nom dès le premier atteste d'un charisme certain Félix Lacambre, ”Une équipe soudée à la tête de la conférence épiscopale”, La Croix, 29 octobre 1981. ”Sans la personnaliser à outrance comme risquent de le faire certains médias, l'élection du président ne doit pas être minimisée. Le président n'efface pas la personnalité de la conférence épiscopale, mais elle la résume” soulignait Félix Lacambre à la veille de l'élection (Félix Lacambre, ”Les enjeux”, La Croix, 24 octobre 1981). Âgé de 59 ans, l'évêque de Saint-Dié offre un profil épiscopal classique. Etudiant de l'institut catholique de Paris et de la Sorbonne, il poursuit ses études à l'université grégorienne et à l'institut biblique de Rome. Au terme de son cursus, il est doublement licencié en écritures saintes et droit canonique tandis que sa thèse sur Jean-de-la-Croix est sanctionnée par un doctorat de théologie - Jean Vilnet, ”Bible et mystique chez Saint Jean-de-la-Croix”, Paris, Desclée de Brouwer, 1949, 255 pages. L'excellence de son parcours l'oriente vers le professorat. Il exerce d'abord cette charge au séminaire de Langres avant de prendre la direction du grand séminaire interdiocésain de Châlons-sur-Marne de 1957 à 1964. Le portrait que dépeint Nicolas Domenach du nouvel homme fort de l'épiscopat dans Le Matin donne une idée des appréciations qui sont faites par les observateurs quant à l'élection de Mgr Vilnet (Nicolas Domenach, ”Un laboureur”, Le Matin, 28 octobre 1981) :

Tout le monde s'accorde à dire que cet homme très marqué par le concile Vatican II est un homme solide, un laboureur qui ne lâche pas le sillon une fois qu'il est entamé. ”C'est un véritable chef”, ajoutent d'autres, critiquant peut-être implicitement son prédécesseur, qui aurait été plus ondoyant que dictateur, mais qui n'en a pas moins contribué à empêcher le déchirement de l'Eglise tout en le maintenant près du ”peuple”. Le ”peuple”, Jean Vilnet s'en est affirmé solidaire à plusieurs reprises, dans ces Vosges où les usines textiles fermaient au mépris de ceux qui y travaillaient. ”Il ne reste que le Christ à l'homme qui a les mains nues”, dit-il. Et il n'entend pas que ses nouvelles fonctions lui soient un bâillon”.

Henri Fesquet insiste alors sur ”son profond attachement à une Eglise collégiale et à la communauté des laïcs dont le rôle doit être privilégié si l'on veut rester fidèle à Vatican II” (Henri Fesquet, ”Mgr Vilnet est élu président de l'épiscopat français”, Le Monde, 28 octobre 1981). L'évêque conciliaire se reconnaît une dette historique envers le concile (Yves de Gentil-Baichis, ”Le synode ne sera pas un retour en arrière”, La Croix, 26 novembre 1985).Le souci de la collégialité transparaît jusque dans la composition du binôme présidentiel qui associe le président Vilnet à son homologue de Dijon au poste de vice-président. Collaborateurs au sein de la région apostolique est, les deux évêques partagent un même souci de la condition du prêtre et du religieux. ”Ajoutons qu'en plus de l'amitié qui soude le nouveau tandem, le tempérament réaliste et carré du père Vilnet trouve son complément dans la sensibilité et la faculté d'émerveillement de son vice-président” (Brigitte André, ”Mgr Albert Decourtray : la joie de la foi”, ICI, 568, novembre 1977). Cet équilibre de la dyarchie présidentielle marque le souci des évêques français de mettre en œuvre les lignes définies lors de l'assemblée de Lourdes 1979 en matière de moyens de communications sociales. Lors de sa première conférence de presse dans les Vosges comme président de la conférence épiscopale, Mgr Vilnet indique qu'il a l'intention de ”rendre visite dans les ans qui viennent à tous les évêques de chaque région apostolique de France en assistant à une des réunions de travail que les évêques de chaque région tiennent régulièrement” (Anonyme, ”Mgr Vilnet en visite à Rome”, La Croix, 17 novembre 1981)

101.

Ainsi Le Monde propose un portrait de Mgr Thomas, évêque de Versailles hors de toute actualité du diocèse. Et Henri Tincq de prendre parti pour un évêque présenté sous son meilleur jour : ”De même, à la différence de certains de ses confrères, prend-il son temps avant de créer un ”synode” du diocèse, ces états généraux représentant la diversité des communautés, réfléchissant et fixant, avec l'évêque, la marche à suivre de l'église locale”. Henri Tincq, ”Evêque de Versailles et des Yvelines Mgr Thomas, pasteur tout terrain”, Le Monde, 21 décembre 1989. Depuis son transfert d'Ajaccio à Versailles, la presse catholique semble également largement miser sur la personnalité du père Thomas pour faire valoir une image positive de l'Église en France. Yves de Gentil-Baichis, ”De la fougue et du relief”, La Croix, 25 & 26 janvier 1987

102.

Mgr Delaporte & René Poujol, Oser l'espérance. Une vie d'évêque, Paris, Desclée de Brouwer, 1989, 315 pages

103.

Etienne Fouilloux, L'Église en quête de liberté, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, 325 pages

104.

Les ”incontestables vertus heuristiques” de la notion de génération dans l'histoire des intellectuels mises en avant par Michel Winock sont sans conteste séduisantes. Michel Winock, ”Les générations intellectuelles”, XXe siècle, ……., pp. 17-40

105.

Jean-François Sirinelli, Génération intellectuelle, Khâgneux et Normaliens dans l'entre-deux-guerres, Paris, Fayard, 1988, …. pages

106.

Catherine Grémion & Philippe Levillain, Les Lieutenants de Dieu, Paris, Fayard, 1986, 415 pages. La rentrée scientifique de septembre 1986 voit la publication des Lieutenants de Dieu par Catherine Grémion et Philippe Levillain. La presse chrétienne ne manque pas de commenter l'étude sociologique ainsi proposée de l'épiscopat français - Yves de Gentil-Baichis, ”Une radioscopie du corps épiscopal”, La Croix, 19 septembre 1986. La Croix ouvre même ses colonnes à Mgr Jullien pour une réaction au travail effectué. ”Une enquête sur les évêques ! Certains vont dévorer à belles dents ce gros volume… ravis de manger non pas du curé, mais de l'évêque”, commence l'évêque de Rennes. Dans son style enlevé, le père Jullien s'applique alors à distribuer les bons et mauvais points. Ainsi salue-t-il la teneur positive du propos des deux chercheurs dans une comparaison avec le pessimisme développé par Pierre Pierrard dans sa Vie quotidienne du prêtre français au XIXe siècle - Pierre Pierrard, Vie quotidienne du prêtre français au XIXe siècle, Paris, Hachette, 1986, 490 pages. Il n'est cependant pas sans regretter l'absence de témoignage ”des vieux soldats de la foi” tels que Mgrs Marty ou Lebourgeois. Il n'en demeure pas moins pour l'évêque de Rennes que ”quels que soient la réalité et l'intérêt de l'approche sociologique, en effet, l'essentiel relève de l'ordre du mystère”. Mgr Jullien, ”Lieutenants de Dieu ou sacrement du Christ ?”, La Croix, 19 septembre 1986

107.

Catherine Grémion & Philippe Levillain, ”Les évêques français sous Jean-Paul II de 1978 à 1989”, Le Rêve de Compostelle, Paris, Centurion, 1989, pp. 71-89

108.

Pauline Ducos & Caroline Durieux, Etude sur le parcours des évêques de 2000 avant d'arriver à l'épiscopat, MISASHS - Histoire, centre André Latreille, Université Lyon II, 2004, page 41

109.

Louis de Courcy, ”Mgr Roger Meindre, nouvel archevêque d'Albi”, La Croix, 23 mai 1989