A/ Mise en œuvre de la réforme catéchétique

Au lendemain de l'assemblée plénière de l'épiscopat 1978, Gaston Piétri, directeur du centre national de l'enseignement religieux, revient sur les enjeux contenus dans le débat catéchétique. Pour lui, la difficulté consiste à tenir en tension orthodoxie et épreuve du réel 134 . Au plan œcuménique, Il est grand le mystère de la foi est accueilli avec enthousiasme par le frère de Taizé Max Thurian 135 :

‘L'effort des évêques français se propose de proclamer fermement les fondements de la foi, sans lesquels aucun témoignage chrétien efficace ne pourrait être rendu, ni aucune vie chrétienne équilibrée ne pourrait être menée. […]
Je voudrais essayer de montrer que sur les thèmes de l'eucharistie et de l'Église, tels que les exposent les évêques de France, tous les chrétiens pourraient bien ”danser” ensemble, à condition d'accepter enfin le sacrifice de positions trop particularistes, pour s'engager résolument dans la foi commune et la confiance mutuelle.’

Reste à mobiliser les catéchistes autour d’un projet ambitieux. 3 500 d’entre eux sont réunis à Lourdes les 28 et 29 avril 1979. ”Nous venons avant tout pour nous écouter, partager, exprimer nos difficultés”, déclare, en ouverture, Mgr Orchampt 136 . Des tables-rondes sont organisées à cet effet. 1600 inscrits optent pour des sujets de débats théologiques - ”Jésus-Christ”, ”célébrer les sacrements” - tandis que 1200 leur préfèrent des approches pratiques - ”éducation de la foi et familles”, ”les pédagogies”. Envoyée spéciale de la rencontre pour les Informations catholiques internationales, Brigitte André relève la déception de nombreux participants : ”on se croirait à un week-end de formation. On n'est pas venu à Lourdes pour cela” 137 .

L'épiscopat veille… Le 28 avril, la veillée du rassemblement est confiée Jean Debruynne. ”Veillée pour une parole” est un jeu scénique organisé avec le concours d'étudiants de l'institut supérieur de la pastorale catéchétique (ISCP) et de jeunes d'aumôneries parisiennes. Au début de la représentation, ces derniers prennent la parole : ”il est courant que l'Église refuse et condamne la censure ; nous, nous condamnons à notre tour la censure dans l'Église” 138 . Le texte de Jean Debruynne expurgé d'une partie ”caricaturant certaines mauvaises formes du pouvoir dans l'Église”, sur recommandation de la commission épiscopale de l'enseignement religieux 139 . Le passage incriminé pose, par ailleurs, un regard trop négatif sur le Tiers-Monde selon Mgr Orchampt. Au surplus, la référence au mouvement de mai 1968 semble condamner définitivement le texte 140 .

Dans le sillage de ces journées nationales, divers diocèses organisent des rassemblements catéchétiques. Ainsi en est-il pour le diocèse de Nantes qui, à la rencontre de Vertou du 14 octobre, convie les catéchistes à une réflexion sur le thème, ”quand les laïcs interviennent dans la proposition de la foi”. Au même moment, 700 laïcs se réunissent à Toulouse autour de Mgr Collini pour qui ”la dimension catéchétique est coextensive à l'activité de l'Église” 141 . Chacun de ces rassemblements insiste sur l'option christocentrique du catéchisme catholique. La figure du Christ apparaît le meilleur recours pour éviter l'écueil stérile du spiritualisme ou le déisme.

Les milieux traditionalistes ne tardent pas attaquer les documents catéchétiques. Souterrain dans un premier temps, le mouvement ne tarde pas à prendre de l'ampleur, à tel point que l'évêque d'Agen y réagit dès le mois d'août. ”Je ne crains même pas de dire qu'il est des présentations des vérités de la foi, dans certains manuels, qui préparent soit des croyants étroits et timorés soit des incroyants”, écrit Mgr Saint-Gaudens à ses diocésains 142 .

Mgr Gilson, membre de la commission épiscopale de l'enseignement religieux, coordonne les travaux d'un groupe de travail composé de deux membres de la commission nationale de l'enseignement religieux et du directeur du centre national d'enseignement religieux. Le 12 juin 1979, la commission épiscopale de l'enseignement religieux adresse un double exemplaire à chaque évêque du projet de Texte de référence. Quelques pages concernant le projet de Recueil de documents privilégiés sont jointes au dossier. Dans certains diocèses, conseil épiscopal et direction de l'enseignement religieux se réunissent pour étudier les documents. Ailleurs, un membre de la direction de l'enseignement religieux rédige un texte que l'évêque contresigne.

Finalement, près de soixante-dix évêques adressent leurs remarques au groupe de travail qui enregistre alors un millier de modi à intégrer durant l'été. Au terme du travail, un nouveau texte est soumis à la commission épiscopale de l'enseignement religieux ainsi qu'au bureau d'études doctrinales. Une réunion exceptionnelle de la commission de l'enseignement religieux se réunit pour finaliser une nouvelle mouture que chaque évêque reçoit aux alentours du 8 octobre.

Notes
134.

Gaston Piétri, ”Redire la foi : une tâche bien difficile”, La Croix, 7-8 janvier 1979

135.

Anonyme, ”Max Thurian souligne la valeur œcuménique de la proclamation de la foi des évêques français”, La Croix, 7 & 8 janvier 1979

136.

Brigitte André, ”Le rallye tables rondes”, ICI, 538, mai 1979

137.

Ibid

138.

Brigitte Andrée, ”Ballade au pays des catéchistes”, ICI, 538, mai 1979

139.

Ibid

140.

Jean Potin et Jean-Claude Escaffit, ”Lourdes : de nouvelles races de catéchistes”, La Croix, 2 mai 1979

141.

Dominique Manenc, ”Mgr Collini à 700 catéchistes : Votre tâche est un ministère”, La Croix, 20 octobre 1979

142.

Anonyme, ”Avant la rentrée des catéchismes, une mise en garde de l'évêque d'Agen”, La Croix, 10 août 1979