Une controverse romaine annoncée

Le 14 novembre, le cardinal Oddi prend la présidence de la congrégation pour le clergé. Huit jours après, il accorde son agrément au texte de référence de l'épiscopat français. La crainte d'une censure romaine apparaît écartée. Les événements à venir ne tardent cependant pas à doucher l'enthousiasme de l'épiscopat français.

Au début de l'année 1980, une délégation épiscopale, emmenée par le groupe de travail sur la catéchèse, se rend à Rome pour présenter le recueil Pierres vivantes à la congrégation pour le clergé. Les visiteurs ne tardent pas à déchanter. L'un des membres de la délégation confie, plus tard, à La Croix ne ”pas trouver d'interlocuteur en la personne du cardinal Oddi” 154 . Celui-ci promet à la délégation française d'examiner le recueil et de faire parvenir aux évêques français ses observations pour l'assemblée plénière suivante. Or La Croix relève qu'aucune procédure de la sorte n'est prévue par le droit canon.

Les mois passant, ni la commission épiscopale de l'enseignement religieux, ni le père Gilson ne reçoivent les observations promises à Rome. L'assemblée plénière procède cependant au vote et adopte à une large majorité le document - sur 107 votants, 103 oui, 2 non et 2 blancs. Ce n'est qu'au lendemain de ce vote massif et consensuel que le cardinal décide d'adresser ses remarques au président de la conférence épiscopale. Les critiques sont substantielles. Le cardinal insiste, par ailleurs, en dissociant autorisation d'imprimer et approbation formelle du texte.

L'adoption des deux documents que sont le Texte de référence, publié sous le titre La catéchèse des enfants 155 , et le Recueil de documents privilégiés ne fait pas l'unanimité. Le commentaire romain ne manque pas de nourrir le débat concernant l'autorité à accorder aux textes adoptés à Lourdes. La revue jésuite des Etudes voit dans l'entreprise épiscopale un événement décisif 156 :

‘Les évêques n'ont pas voulu publier un nouveau catéchisme. Leur initiative est plus complexe. Elle comporte deux opérations simultanées, qui se veulent complémentaires. L'une est de clarification, d'orientation et de simulation d'une créativité déjà à l'œuvre ; cette créativité, recommandée par la diversité des situations, doit être le fait d'équipes, aussi nombreuses que possible, d'auteurs de ”documents et d'instruments” de catéchèse, eux-mêmes au service ”d'animateurs” considérés comme la pièce maîtresse du dispositif. L'autre opération répond à un souci d'unité dans l'expression de la foi ; elle consiste à assurer les nombreuses transhumances de notre temps, un minimum de repères communs, permettant la communication et la compréhension mutuelle à l'intérieur de l'Église.’

Face aux dicastères romains, Mgr Boffet défend avec succès la position de l'épiscopat français selon laquelle Pierres vivantes n'est pas un catéchisme stricto sensu. Il se présente comme ”un recueil de documents rassemblés dans un même volume, et offrant, selon différents modes d'expression complémentaires, des pistes à explorer, des matériaux à construire, des éléments à découvertes progressives” 157 . Telle qualification juridique du document l'exempte d'une nécessaire approbation du Saint-Siège. L'épiscopat n'en dédaigne pas pour autant les remarques de la congrégation du clergé.

Notes
154.

Gwendoline Jarczyk, Catéchèse : les méandres d'un conflit”, La Croix, 11 et 12 novembre 1983

155.

Conférence des évêques de France, ”La catéchèse des enfants. Texte de référence au service des auteurs de publications catéchétiques et des responsables de la pastorale”, Paris, Le Centurion, 1980, 88 pages

156.

René Marlé, ”Une nouvelle étape de la catéchèse française”, Etudes, octobre 1980, pp. 389-404

157.

Brigitte André, ”Le pape confirme la responsabilité primordiale des évêques français”, ICI, 580, novembre 1982