Difficile rencontre de l'action catholique et des charismatiques

Le congrès eucharistique valide le constat épiscopal d'un fossé profond entre mouvements d'action catholique et Renouveau charismatique. Constitué en majorité de mouvements spiritualistes tels que le mouvement eucharistique des jeunes 227 , le Renouveau charismatique, Focorali, Taizé, le camp des 8 000 jeunes déploie une activité parallèle au programme officiel du congrès avec une ligne de conduite claire : ”on est venu pour l'eucharistie, pas pour la politique”. Les mouvements d'action catholique représentés notamment par l'ACI et le MRJC organisent également leurs célébrations et soirées propres, regrettant la faible référence au symposium toulousain. ”Deux podiums et l'autel ont permis aux participants, sans confusion de fonctions, de partager ce que chacun apporte à la table commune, comme matière de la célébration. Dès la bienvenue, on sait ”de quel pays” on parle. ”Bienvenue à vous, travailleurs de Lourdes, de France, du monde entier. Vous savez le prix du pain qu'il faut pétrir””, rapporte Félix Lacambre à propos de la messe du monde ouvrier organisée le 17 juillet 228 .

En dépit de la faible affluence, le congrès eucharistique apparaît un succès pour Témoignage chrétien et l'épiscopat français. Entre autres indices du succès populaire relatif de la manifestation, RTL confie d'ailleurs la rédaction en chef de son ”journal inattendu” du 18 juillet 1981 à Mgr Lustiger. Dans La Croix, Jean Potin est enthousiaste. Le succès de la manifestation se lit dans le caractère massif du rassemblement. Pour l'éditorialiste, ”de nouveaux chrétiens aspirent à se retrouver dans les grands rassemblements nationaux et internationaux pour proclamer et célébrer ensemble leur foi” 229 . Il souscrit à l'idée que la seule structure paroissiale n'est pas en mesure de réaliser la théologie conciliaire du peuple de Dieu. ”Les chrétiens en France n'ont plus le goût des grands rassemblements et les boudent quand on leur en propose. Cette affirmation péremptoire qui a été tenue par beaucoup comme principe d'orientation pastorale depuis une vingtaine d'années, est-elle en train d'être remise en question ?”, s'interroge Jean Potin. André Vimeux esquisse une réponse à la question dans Témoignage chrétien. Celle-ci prend la forme d'un avertissement avec en perspective la redéfinition des perspectives missionnaires par l'épiscopat. Tandis que Mgr Matagrin appelle de ses vœux la réunion du même type de rassemblements au plan national comme à l'échelle diocésaine, André Vimeux prévient : ”Il ne faudrait pas que dans l'Église de France, par une sorte d'oscillation pendulaire des enthousiasmes, on rejette aux oubliettes de l'histoire ceux-là même qui ont donné aux dernières décades de la vie ecclésiale un nouveau visage missionnaire” 230 .

Tandis que les Informations catholiques internationales déplorent de manière significative, la sous-représentation des ouvriers, des intellectuels, des communautés de base et des malades, Félix Lacambre déclare que le congrès est une ”incontestable réussite”. La Croix relève alors la densité des échanges avec notamment le décompte de plus de 10 000 questions ou affirmations écrites des participants aux tables rondes. ”Reste à savoir comment exploiter ces questions au plan pastoral”, indique Félix Lacambre qui évoque la possibilité de voir ce corpus réutilisé dans le dossier des perspectives missionnaires 231 .

”Le succès de l'initiative amène à se poser la question d'une assemblée des catholiques de France, dont le cardinal Etchegaray avait soulevé l'hypothèse en novembre 1980”, poursuit l'observateur 232 . Même à l'état spéculatif, telle perspective demeure particulièrement délicate tant Lourdes a révélé les difficultés de l'Église a gérer le pluralisme des options politiques, culturelles ou théologiques. Tel est le constat que dresse Félix Lacambre pour La Croix 233 :

‘Quant à la valeur missionnaire du rassemblement et à l'objet de la rencontre entre paroisses et mouvements, il reste à chercher laborieusement un consensus dans l'Église entre les priorités pastorales qu'on se donne : le service des chrétiens rassemblés ou l'annonce de l'Évangile à ceux qui sont loin. Gardons-nous de durcir cette opposition, mais il n'en reste pas moins qu'elle traversait le Congrès, comme le montrent par exemple les sensibilités diverses sur le message du symposium de Toulouse.’
Notes
227.

Le MEJ réunit 4 000 jeunes lors du rassemblement des ”témoins aînés” (13-16 ans) à Lourdes et à Tarbes, le 17-20 avril 1981

228.

Félix Lacambre, ”Le monde ouvrier, lui aussi…”, La Croix, 18 juillet 1981

229.

Jean Potin, ”Redécouvrir la joie des grandes réunions de famille”, La Croix, 19 & 20 juillet 1981

230.

André Vimeux, ”La braise de Lourdes est encore chaude”, Témoignage chrétien, 1934, 3 août 1981

231.

Félix Lacambre, ”Le Congrès : une incontestable réussite”, La Croix, 24 juillet 1981

232.

Ibid

233.

Ibid