La réception favorable du rapport Defois par les évêques

Attentif à l'émergence du phénomène charismatique, l'évêque de Grenoble accueille également avec enthousiasme le rapport Defois pour l'attention qu'il porte à ce courant spirituel dans l'Église. Le nouvel évêque du Mans, Mgr Gilson, salue la pertinence de l'analyse du secrétaire général de l'épiscopat concernant les mutations sociologiques de la France. La diversification des acteurs du cadre laïc oblige l'Église à repenser sa présence au monde. Le renouvellement de la mission se joue alors dans une rupture autant sociologique que culturelle 256 :

‘Nous vivons encore dans le système de chrétienté avec nos institutions ou sur le mode du levain dans la pâte avec les mouvements. Or nous avons à chercher une place originale dans le nouveau tissu social.’

Au terme de l'assemblée, les évêques adressent un message aux catholiques de France. Voté au terme de l'assemblée, ”Lève-toi et marche” réaffirme les convictions énoncées dans le rapport Defois 257 . ”Les moult remaniements dont elle a fait l'objet en cours d'élaboration, lui ont, au dire de la plupart des évêques, enlevé de son ton et en ont fait un texte trop lourd. Du moins, traduit-elle un véritable élan, susceptible d'aider les chrétiens à retrouver l'expression de leur conviction” relèvent les Informations catholiques internationales 258 . Introduisant cette lettre, Mgr Aubry ne fait pas mystère des difficultés rencontrées par l'assemblée pour sa rédaction finale. Douze évêques sont en effet intervenus pour amender le texte qui comporte finalement dix-neuf paragraphes et cent cinquante lignes. Exceptionnellement long, il plaide pour une démarche attestataire des catholiques dans l'affirmation de leur foi.

Le choix d'une lettre marque une volonté des évêques d'engager le dialogue avec toutes les composantes de l'Église. Or l'organisation d'un synode national ayant été définitivement exclue par le conseil permanent de décembre 1980, l'adresse épiscopale risque de ne trouver écho qu'auprès des franges ”conscientisées” du catholicisme français - en d'autres termes, les mouvements. Les évêques pèsent alors le poids de l'histoire et prennent conscience que les réformes des structures et de la communication sont un préalable à la redéfinition de la mission. L'intervention du père Herbulot dans les débats est à ce titre significatif : ”depuis la naissance de la JOC, des témoins de Jésus-Christ ont surgi, c'est indiscutable. Comme évêques nous avons à prendre en compte le prix de ces labeurs apostoliques, en vies données au cœur du peuple” 259 . Il n'en demeure pas moins que l'ensemble de l'épiscopat constate l'épuisement du tissu missionnaire traditionnel. Se confiant aux Informations catholiques internationales, un évêque ”d'ouverture” de la région Est, dont le mensuel chrétien tait le nom, légitime l'interpellation aux catholiques de France sur un autre mode 260 :

‘Nous ne renions pas les engagements sociaux auxquels nous avons encouragé les militants. Mais la dimension mystique s'y est parfois perdue. Et si tel dirigeant de mouvement catholique ne pratique plus ou si tel autre n'a plus la foi, c'est une question tout de même pour l'annonce de l'Évangile !’

L'assemblée plénière s'achève par le vote d'un guide à l'usage des évêques afin que chacun d'eux puisse reprendre les questions soulevées lors de l'assemblée de Lourdes - ”Texte guide des perspectives missionnaires pour 1981-1985”. La présentation du texte par Mgr Panafieu suscite pas moins de vingt-deux interventions critiques. Tant et si bien qu'à la veille de clore l'assemblée, les évêques ne sont pas sûrs que le document voie le jour. Félix Lacambre ne dissimule guère son scepticisme face aux atermoiements épiscopaux 261 :

‘Les risques demeurent encore de dresser un catalogue, une rétrospective et non de définir des perspectives, de caricaturer le passé, sous prétexte de faire émerger la nouveauté, de s'éloigner des réalités humaines concrètes, d'ériger l'Église en tribunal de la transcendance. En oubliant que l'Esprit travaille dans ce monde, que des chrétiens y vivent déjà et qu'ils semblent très loin du discours abstrait qui sévit parfois à Lourdes.’
Notes
256.

Félix Lacambre & Jean Potin, ”Débat sur la mission en France”, La Croix, 29 octobre 1981

257.

Dans une chronique à La Croix, Pierre Pierrard accueille avec enthousiasme la lettre des évêques aux catholiques français. Le prêtre historien n'en demeure pas moins inquiet, sentant les évêques ”désemparés par cette double et contradictoire évidence : l'indéniable renouvellement qui s'opère, depuis Vatican II, dans les profondeurs de l'Église ; le net détachement de la masse”. Pierre Pierrard, ”Déchristianisation”, La Croix, 8 décembre 1981

258.

Brigitte André, ”L'effet Defois”, ICI, 569, décembre 1981

259.

André Vimeux, ”Un virage délicat à négocier”, Témoignage chrétien, 1948, 9 novembre 1981

260.

Ibid

261.

Félix Lacambre, ”Un guide pour les évêques”, La Croix, 31 octobre 1981