Traditionnelles consultations diocésaines et action catholique

Dès le mois de février 1982, Mgr Cadilhac définit un programme diocésain pour la mise en œuvre des nouvelles perspectives missionnaires dégagées à Lourdes. L'évêque de Nîmes propose alors à ses diocésains une ”révision apostolique” au grè de trois temps forts que seront le Carême 1982, l'Avent 1982 et le Carême 1983. Un rassemblement diocésain est même prévu pour la Pentecôte 1983. Au préalable, l'ensemble des diocésains reçoit un questionnaire afin de susciter le débat 286 . Pour sa part, Mgr Rozier, évêque de Poitiers, profite du début du carême pour diffuser lui aussi un questionnaire destiné à lancer concrètement un débat sur la mission 287 .

A l'expression ”révision apostolique”, Mgr Panafieu préfère celle de ”vérification apostolique” lorsqu'il engage une enquête dans son diocèse d'Aix-en-Provence. Cette consultation est l'occasion pour les diocésains de définir les arêtes de la mission. Parmi les questions nouvelles émerge explicitement celle concernant la pertinence ou non de la paroisse comme unité de base de la mission 288 :

‘On s'interroge sur la présence de l'Église au milieu des hommes, inévitablement aujourd'hui encore la paroisse apparaît comme un élément important du visage de l'Église. ”La paroisse est une réalité visible à laquelle s'adressent les gens”. ”La plupart des démarches de type ”religieux” passent par les mailles de l'institution paroissiale”. Mais un regard d'ensemble pose une question fondamentale : l'institution paroissiale ne passe-t-elle pas à côté de la vie ?” s'interrogent les diocésains. ’

D'autres points d'attention suscitent les commentaires de l'archevêque d'Aix-en-Provence. Concernant le cléricalisme, ”des prêtres s'interrogent et voudraient manifester un autre visage du prêtre et de sa responsabilité”, note Mgr Panafieu 289 . Or, si la responsabilité de la mission incombe autant aux laïcs qu'aux prêtres dans les milieux, ”la recherche apparaît beaucoup plus tâtonnante quant à la mise en œuvre des responsabilités apostoliques des laïcs dans le domaine des activités paroissiales”, concède-t-il par ailleurs. Concernant les questions relatives à la mise en œuvre de la communion ecclésiale, de nombreux prêtres diocésains suggèrent une remise à plat de la répartition des responsabilités au sein de l'Église 290 :

‘Nous estimons essentiel à la vie de l'Église le ministère épiscopal d'unité et de communion, mis en lumière par Vatican II… mais nous pensons que les structures actuelles de bon nombre de diocèses français, dont le nôtre, rendent très difficiles l'exercice de ce ministère… La diminution du nombre de prêtres, les responsabilités prises par des laïcs, le développement des diacres nous apparaissent appeler cette présence proche et disponible de l'évêque.’

Au lendemain d'une session du service interdiocésain d'études théologiques consacrée aux nouvelles perspectives missionnaires, Mgr Gouyon précise dans son bulletin diocésain du 1er mars la visée des travaux de l'assemblée plénière de 1981. Mettant par ailleurs l'accent sur la régulation culturelle qu'opèrent les médias et l'éclatement des oppositions qu'ils entraînent, l'archevêque de Rennes réitère l'appel contenu dans les rapports Defois et Coffy à dépasser la dialectique qui structure traditionnellement l'Église de France 291 .

‘L'assemblée craint qu'ici et là on ait versé peu à peu dans des faces à faces intransigeants que les rapports Defois et Coffy ont dénoncés. Église déjà rassemblée, Église à naître ; pastorale ordinaire, pastorale missionnaire ; pratiquants, militants ; foi, incroyance, sont devenus des binômes qui figent en opposition ce qui devrait être poursuivi tout en même temps dans une recherche permanente de communion.’

A l'occasion de la réunion du conseil permanent des 8-11 mars 1982, Mgr Herbulot propose une photographie de l'Église en monde ouvrier. Il s'agit alors pour lui de donner des angles d'attaques à l'ensemble des évêques de France qui doivent procéder à des enquêtes diocésaines auprès des milieux ouvriers en vue l'assemblée plénière 1982. ”La question permanente que pose la commission épiscopale, en coopération avec la Mission ouvrière et les mouvements est, tout en tenant compte de la réalité ouvrière : comment l'évangile peut-il être annoncé sans exclusive ni préalable idéologique”, indique le président de la commission épiscopale du monde ouvrier 292 .

Au cours du pèlerinage diocésain de Lourdes, Mgr Matagrin prononce une conférence le 4 août 1982 où il met en exergue les lignes pour une pastorale conforme aux ”perspectives missionnaires pour l'Église de France” votée lors de l'assemblée plénière de 1981. De l'accueil des groupes charismatiques, Mgr Matagrin tire l'enseignement d'un nécessaire retour à la prière qui doit se vivre dans la cellule de base qu'est la famille. La mise en relation des mouvements d'action catholique avec des groupes tels que les équipes Notre-Dame, les Focorali ou le Renouveau charismatique devient impérieuse dans un contexte de mutation de la mission. L'urbanisation croissante sécrète l'anonymat, et la solitude offre un terreau favorable à l'épanouissement de la tentation sectaire. ”La difficulté d'être toujours à contre-courant des mentalités, des comportements et parfois de la législation, dans les débats qui touchent par exemple à la sexualité, ou au désarmement et à la paix” justifie également, selon Mgr Matagrin, cette démarche identitaire 293 .

Au plan institutionnel, le conseil permanent prend une décision décisive dans pour l'accompagnement des nouvelles perspectives missionnaires. Le père Gaston Piétri est nommé secrétaire général adjoint de la conférence épiscopale française, chargé des questions pastorales. Ce poste n'était pas pourvu depuis cinq ans. Avec pour vocation la coordination et l'évaluation des initiatives pastorales dans toute la France, cette fonction concerne la paroisse et son avenir, les ministères, la pastorale des grandes villes, l'accompagnement des secrétaires régionaux de la pastorale, etc. Par-delà le caractère significatif de la renaissance d'une telle structure, l'événement consacre une personnalité de la scène catholique française. Gaston Piétri est né en 1929 à Sisco (Haute-Corse). Ordonné prêtre en 1954, il devient vicaire de la cathédrale d'Ajaccio l'année suivante (1955-1957). Aumônier du lycée Fesch d'Ajaccio de 1956 à 1967, il est finalement nommé vicaire épiscopal chargé de la pastorale du monde scolaire, de l'apostolat des laïcs et de la formation permanente des clergés. Cette fonction en fait alors un candidat désigné pour prendre la direction du centre national de l'enseignement religieux - poste qu'il occupe de 1978 à 1982 294 . Nommé au secrétariat général de l'épiscopat, le père Piétri accompagne et oriente toutes les mutations intellectuelles de l'Église de France de la décennie 1980.

En visite ad limina à Rome, les évêques du Nord de la France reçoivent le plein soutien de Jean-Paul II. Le 9 octobre 1982, celui-ci rappelle la mission irremplaçable des mouvements d'apostolat de laïcs. Le pape insiste sur l'effort de formation doctrinale, spirituelle et missionnaire que les évêques déploient à l'adresse de ces mouvements. La mission épiscopale consiste alors à organiser la concertation, et la collaboration de ces mouvements au sein des conseils pastoraux et pour chacune des initiatives missionnaires de l'Église de France. ”Je sais que les mouvements qui pratiquent cela ont besoin d'être fortement encouragés ; il ne s'agit pas de renoncer à ce qui a fait ses preuves pour courir après ce qui n'existe pas encore. Cela n'empêche pas d'être souple et accueillant à de nouvelles formes de regroupements, voire à de nouveaux mouvements qui peuvent naître dans l'Église, surtout chez les jeunes”, indique-t-il 295 .

Notes
286.

Snop, n°451, 17 février 1982

287.

Mgr Rozier, ”En Église, tous en mission”, Église en Poitou, 30 janvier 1982

288.

Snop, n°453, 3 mars 1982

289.

Ibid

290.

Ibid

291.

Mgr Gouyon, ”Après une session sur les perspectives missionnaires”, Bulletin religieux de Rennes, n°5, 6 mars 1982

292.

Anonyme, ”Église et monde ouvrier : deux ans pour une relance”, La Croix, 13 mars 1982

293.

Mgr Matagrin, ”Être l'Église aujourd'hui”. Archives Matagrin

294.

Anonyme, ”Le père Piétri est chargé des questions pastorale auprès de l'épiscopat”, Le Monde, 6 octobre 1982

295.

Anonyme, ”La visite ”ad limina” des évêques du nord de la France”, La Croix, 12 octobre 1982