Revalorisation des visites pastorales

Au lendemain de l'assemblée plénière, les évêques multiplient les ”visites pastorales” à la rencontre des mouvements afin de produire un document par région apostolique pour l'assemblée de Lourdes suivante. La revue des Etudes se félicite de voir l'ensemble de l'épiscopat ainsi se compromettre dans un dialogue trop souvent réservé aux seules commissions spécialisées 363 . Or l'enjeu de ces visites est de taille tant les évêques connaissent les plus grandes difficultés à appréhender les mutations culturelle et intellectuelle des mouvements d'action catholique. A cet égard, les rapports présentés au cours l'assemblée plénière de novembre 1977 par les évêques accompagnateurs de mouvements - Mgr Bourrat (JOC), Harlé (MRJC), Panafieu (JIC et JICF) et Bescond (JEC) -, marquent une prise de conscience collective contenue dans l'intervention de Mgr Bescond que rapporte les Informations catholiques internationales 364 :

‘Le père Bescond enfin, au travers des contacts qu'il a eus avec la JEC, évoque le décalage qu'il a ressenti encore lui-même, élevé ”dans le monde du livre, des lettres, de l'humanisme et de la certitude” et ces jeunes ”marqués par l'audiovisuel, l'analyse structurale, le politique… et le doute”. ”Il sont les laïcs, dit-il, je suis clerc… Ils sont gens de gauche, je suis, quoi qu'il en paraisse, homme de droite, porté à voir ce qui va bien”, alors qu'ils sont d'abord attentifs à ce qui va mal”.’

Les évêques n'abdiquent cependant pas dans leur mission pastorale et vont à la rencontre des acteurs de la mission tout au long de l'année 1982-1983. Parmi les points cruciaux qu'ils relèvent alors figurent la condition des ouvriers du monde rural ainsi que la question de la xénophobie et la détresse sociale des victimes de restructurations industrielles. Les enquêtes pastorales entérinent un affaiblissement sensible du maillage ecclésial et suggèrent de rouvrir le débat sur les ministères. Accordant une attention particulière à l'action catholique, les évêques s'affrontent une nouvelle fois au problème du marxisme comme le rapporte l'une des régions 365 :

‘Au plan de la foi, comment faire pour que celle-ci ne soit pas réduite à un épiphénomène par rapport à l'action qui est menée et pour qu'elle garde toute sa consistance ? Au plan de l'Église, comment faire pour que le mouvement ne soit pas un moyen qu'on utilise plus qu'un projet apostolique ancré dans la mission de l'Église ?’

Par leurs visites pastorales, les évêques éprouvent les hypothèses sociologiques contenues dans le rapport Defois. Soucieux de resserrer le tissu diocésain, les évêques réalisent les intuitions conciliaires pour une présence de l'Église au monde à frais nouveaux. ”Une évolution discrète, sans éclats, sans publicité, est en train de transformer radicalement le style et surtout, le sens de ce qu'on appelle ”les visites pastorales” ” 366 , relève Joseph Thomas pour les Etudes enthousiasmé par la définition qu'en donne Mgr Maziers dans son journal diocésain 367 :

‘La visite pastorale n'est pas d'ordre administratif, même en gardant à ce terme son sens le plus noble. Elle est d'ordre sacramentel. L'évêque doit la vivre comme un signe de la manifestation de l'amour du Christ pour son peuple et de l'appel qu'il lui adresse. Quant à la communauté, en recevant l'évêque, elle atteste son souci de vivre en communion avec l'unique Pasteur et de vérifier la manière dont elle répond à l'appel de la foi.’

Pour sa part, tandis que les évêques sondent leurs diocèses, Masse ouvrière s'interroge sur la redéfinition des catégories missionnaires. La revue salue une reviviscence de la figure missionnaire 368 :

‘C'est la première qui, à mon avis, est sortie du schéma de chrétienté […]. En prenant le risque d'exister différents, comme Église du Christ dans le monde, nous nous mettons en situation d'un authentique témoignage missionnaire aujourd'hui. L'Église consent à la différence que sa foi crée entre elle et le reste des hommes. Elle laisse au Christ ressuscité le soin de tout juger et récapituler.’

Notes
363.

Joseph Thomas, ”Lourdes 1983”, Etudes, page 106

364.

Brigitte André, ”Lourdes : les rapports difficiles entre la foi et l'engagement”, ICI, 521, décembre 1977

365.

Henri Tincq, ”Un travail d'équipe”, La Croix, 4 novembre 1983

366.

Joseph Thomas, Les fruits de Vatican II, vingt ans après Lumen gentium”, Etudes, septembre 1984, page 261

367.

Ibid, page 262

368.

”A propos de la mission”, Masses ouvrières, 386, juillet-août 1983