Au lendemain d'une première journée à huis-clos, Mgr Herbulot introduit le dossier de la mission en monde ouvrier dont il a la charge. ”Nous savons qu'il existe en France entre le monde ouvrier et l'Église un vieux contentieux. Celui-ci n'est pas seulement dû au marxisme. Il lui est antérieur. Le mouvement ouvrier s'est développé à l'écart de l'Église”, relève le président de la commission du monde ouvrier 390 . Le père Herbulot pressent cependant un débat plus apaisé que l'année précédente. La réunion marseillaise de l'ACO n'a-t-elle pas fait la démonstration d'une Église capable de se montrer présente au monde ouvrier. Or très vite, les débats s'avèrent serrés et l'assemblée plénière se fait le réceptacle de toutes les controverses autour de la réforme des structures de la conférence épiscopale.
Prise dans un ”large et bouleversant débat”, selon Mgr Herbulot, l'assemblée s'avère très divisée. Pas moins de quarante amendements viennent améliorer le texte de Mgr Herbulot. Mgr Streiff et Jullien insistent sur la nécessaire ”réciprocité des exigences et interpellations”, tandis que Mgr Frétellière et Barbier soulignent le rôle ”d'acteur privilégié” de la mission ouvrière. ”La commission épiscopale du monde ouvrier et ceux qui collaborent avec elle ont beaucoup travaillé, mais il est vrai que, timides au départ, les propositions ont été progressivement enrichies par la réflexion commune”, appuie le cardinal Marty 391 . Mgr Herbulot doit alors revoir sa copie tant sur le fond que sur la méthode.
Initialement, la commission épiscopale du monde ouvrier prévoit d'adresser des messages distincts aux divers acteurs de la mission : églises diocésaines, partenaires de la mission en monde ouvrier (mission ouvrière, mouvements, prêtres-ouvriers) et évêques. La proposition est rejetée. L'assemblée craint une mauvaise identification des acteurs missionnaires et de leur rôle. ”Nous devons remplacer des rapports d'extériorité par des rapports d'inclusion” 392 . Cette formule de Mgr Kuehn traduit la volonté de chaque évêque de renforcer le tissu ecclésial autour du siège épiscopal. L'Église locale en est renforcée. Elle devient, à la fois, pôle d'impulsion missionnaire et articulation de l'action des mouvements ou tout autre acteur missionnaire. Ces derniers deviennent alors partenaires organiques de l'évêque dans sa pastorale missionnaire 393 :
‘Les propositions faites à Lourdes rejoignent aussi la demande des évêques. Elles semblent, en effet, redonner l'initiative aux Églises diocésaines dans la mission d'évangélisation. Par rapport à des partenaires qui considéraient hier que l'évangélisation du monde ouvrier passait par un certain nombre de ruptures sociales, politiques, voire ecclésiales, le texte de Lourdes souligne le primat de l'Église locale comme lieu de communion et d'initiative.’C'est précisément la délicate question des mouvements qui alimente les débats, ceux-ci se voyant contester leur exclusivisme traditionnel par une partie de l'assemblée. Or, prise au mouvement de la décentralisation, la conférence épiscopale connaît des tensions relativement exacerbées. Le 7 novembre, la fragmentation de l'assemblée est telle que la commission épiscopale du monde ouvrier doit renoncer une seconde fois à soumettre des orientations au vote. Après deux heures et demi de vains échanges, Mgr Lustiger propose que la rédaction finale du document soit confiée au conseil permanent qui doit se réunir en décembre. L'assemblée s'apprête à rallier l'archevêque de Paris.
C'est sans compter sur la réaction négative des partenaires du monde ouvrier invités aux débats : le président et la présidente de la JOC-JOCF, le secrétaire général de l'ACO, des dirigeants de l'ACE monde ouvrier et monde rural, du CMR, des représentants de l'aumônerie en monde ouvrier, des prêtres ouvriers, des religieuses en mission ouvrière et de la Mission de France. A l'interruption des débats, le père Vilnet improvise une conférence de presse sur l'esplanade du rosaire. Il n'est pas question que l'assemblée rejette un texte fruit d'une aussi longue maturation. Le président de la conférence enjoint alors la commission du monde ouvrier de travailler à l'incorporation des quarante modi adoptés par l'assemblée. Après une nuit de travail, Mgr Herbulot obtient un vote favorable sur un troisième texte lors d'un huis-clos dans l'après-midi du 8 novembre : 93 voix pour, 11 contre et un bulletin blanc sur 105 votants.
Anonyme, ”Lourdes : l'enjeu du monde ouvrier”, Témoignage chrétien, 2053, 7 novembre 1983
Mgr Marty, ”La route de la mission”, La Croix, 1à novembre 1983
Gwendoline Jarczyk & Henri Tincq, ”Le temps du dialogue”, La Croix, 8 novembre 1983
Henri Tincq, ”Mission ouvrière : tous concernés”, La Croix, 9 novembre 1983