Nécessaire déconcentration des mouvements

Du 14 au 16 avril 1984, 1 800 militants du mouvement Chrétiens en monde rural (CMR) se réunissent pour leur congrès sur le thème : ”Quelle Église faisons-nous en mouvement, en rural”. La réorientation de la pastorale missionnaire n'est pas sans impact sur le mouvement. Responsable de la branche agricole du CMR, Jean Théron livre à l'assemblée un tableau pessimiste de l'institution ecclésiale en France ⁴²² :

‘L'impression d'un repli sur nous-mêmes ; d'un manque d'audace et d'un esprit peu prophétique ; l'impression que le concile s'éloigne et qu'on revient à des situations plus sécurisantes ; la paroisse, considérée comme seul lieu authentique d'Église, une suspicion plus ou moins déclarée sur l'action catholique…’

Il n'en demeure pas moins enthousiaste au document ”Pour de nouveaux modes de vie”. Les évêques ne font pas l'objet de la moindre polémique sur ”Gagner la paix”. Il s'agit alors pour Jean Théron de développer une critique équilibrée de l'épiscopat pour mieux l'engager dans une logique de coresponsabilité engageant autant les évêques que les mouvements. Dans ce contexte, la prière eucharistique dialoguée entre Mgrs Barbier et Duchêne avec des prêtres et des laïcs lors de la messe de clôture du rassemblement fait figure d'illustration.

Pour Mgr Vilnet, il n'est pas dans l'intérêt de l'épiscopat de remettre en cause l'héritage de l'action catholique. Pour lui, l'intuition qui prélude à l'action de ces mouvements offre une matrice originale pour appréhender de manière positive la sécularisation. Le président de l'épiscopat français n'en appelle pas moins les mouvements d'action catholique à réformer leur discours. ”J'entends dire parfois : où sont la grande période d'expansion de l'action catholique, etc. ? Et c'est vrai que les intuitions ont tendance à se figer en institutions et que les institutions elles-mêmes peuvent se scléroser. Il faut, je crois, que tout le monde s'examine” ⁴²³ .

Telle recomposition du tissu missionnaire ne se fait pas sans heurt. Au mois de juillet 1984, la revue Echanges consacre un numéro au thème : ”De la mission au témoignage”. François Biot propose alors une lecture relativement pessimiste des perspectives missionnaires définies par l'assemblée plénière de l'épiscopat français pour décrire une Église saisie par une crise d'identité : ”N'est-ce pas l'angoisse de sa propre identité qui a pris la place du grand vent du large ?”, s'interroge le dominicain. Outre les contributions de Pierre Pierrard et Albert Longchamp, la revue ouvre ses pages à Mgr Rémond. Témoignage chrétien retient alors de son article une formule lapidaire : ”ce sont les païens qui vont créer la nouvelle Église” ⁴²⁴ pour mieux l'opposer aux attaques de l'archevêque de Paris contre une ”pseudo-modernité” qu'il dénonce dans Le Monde comme ayant ”conduit les agents de l'Église - prêtres et laïcs engagés - à nier la vocation et l'identité de celle-ci” ⁴²⁵ . Reste que pour François Biot, à l’heure de la mise en œuvre du rapport Defois, l'essentiel n'est pas là :

‘La frontière ne passe pas entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, mais bien plutôt entre ceux dont les pratiques enferment les hommes dans leur égoïsme, leurs biens et leurs jouissances et ceux dont les pratiques sont ouverture et libération.’