D/ Synode 1985, l'épiscopat français plaide la collégialité

Le 26 novembre, Mgr Vilnet intervient devant l'assemblée synodale pour sept minutes et trente secondes. Celui-ci s'inscrit alors en faux quant au caractère exclusivement pastoral du concile Vatican II. Il lui apparaît urgent de ”connaître les richesses doctrinales des grands textes insuffisamment connus” 543 . Par ailleurs, le président de la conférence épiscopale française ne manque pas de souligner que la communion de l'Église universelle plaide pour un plein respect de la collégialité en souhaitant que ”les procédés habituels entre la curie romaine et les évêques, les méthodes et les effets du synode lui-même reflètent de façon toujours plus authentique et tangible cette volonté de communion” 544 . Or pour Bernard Le Léannec, ”ce synode, qui a pour visée fondamentale d'amplifier le concile, après vingt ans, ne respire guère l'ambiance de ”restauration” que certains pouvaient craindre”, assure-t-il en Une de La Croix le 27 novembre 545 .

Le soir de son exposé, le président de la conférence épiscopale accorde une discussion à bâton rompu avec des journalistes au séminaire français. Conformément au message délivré devant l'assemblée, le père Vilnet s'applique à dépeindre une Église conciliaire en rupture avec la structure ecclésiale traditionnellement de type pyramidal. ”Le concile a incité les allées et venues entre le centre et la périphérie, favorisées par le développement des moyens de communication et de transport ; il faut donc accroître l'universalité dans la coresponsabilité relative des uns et des autres”, insiste-t-il 546 . L'évêque de Lille ne sait alors pas encore si l'assemblée synodale partage ses priorités. ”L'assemblée ne réagit pas aux exposés. C'est une sorte de convention ; on écoute, on prend des notes, on n'applaudit pas. Les sentiments se manifesteront dans les groupes de travail” 547 . Or le lendemain, de nombreuses voix plaident pour le respect du processus d'inculturation dans la mission évangélisatrice de l'Église 548 .

Invité comme témoin du concile, l’ancien archevêque de Paris, le cardinal Marty apporte un soutien inconditionnel à son successeur à la tête de l'Église de France. Les conférences épiscopales ont ”un rôle irremplaçable pour travailler ensemble les grandes questions qui se posent aujourd'hui”, indique-t-il 549 . Le cardinal revient alors sur les dernières péripéties qui ont eu tendance à tendre les relations entre Rome et l'Église de France 550 :

‘Nous, Français, nous n'avons pas eu de difficulté avec le Pape. Je n'en ai pas eu avec Paul VI, et mes successeurs à la tête des conférences épiscopales non plus. Mais il y a eu parfois des problèmes avec les congrégations romaines. Je n'ai pas besoin de rappeler la question de la catéchèse. Mais il ne faut pas dramatiser, ce sont des problèmes de relations entre personnes. Sans doute ne prend-on pas assez le temps de dialoguer, car on règle ces sujets par écrit, trop vite. Il faudrait qu'il y ait davantage d'humanité dans nos relations avec les congrégations romaines.’

Au lendemain du synode, le président de la conférence épiscopale canadienne, Mgr Bernard Hubert, se montre circonspect quand ”certains sont hantés par le pluralisme de la théologie et pensent retrouver le cœur de la foi, à travers, par exemple, un catéchisme universel” 551 . Accordant une longue interview à La Croix au lendemain du synode, le cardinal Lustiger concède que ”les conflits d'interprétation sur le concile étaient évidents”, mais préfère retenir ”l'espèce de ”condensation des esprits (je ne trouve pas d'autre formule) (sic) qui s'est opérée au cours de ce synode où l'esprit partisan a été comme mis de côté” 552 . Yves de Gentil-Baichis semble à peine dissimuler son agacement lorsqu'il adresse ”un coup de chapeau au cardinal Ratzinger” 553 :

‘Quelle que soit l'appréciation portée sur son livre, ses prises de position ont eu le mérite de sensibiliser les chrétiens et les médias sur les enjeux du synode. Elles ont permis aux évêques de lire noir sur blanc ce que l'on murmurait sur la crise de l'Église. ’

Confronté à un irénisme marqué de l'épiscopat français, La Croix va quérir les impressions de Mgr Teissier, archevêque coadjuteur d'Alger. Après avoir ”eu peur que les réflexes de crainte ne l'emportent”, celui-ci salue le travail de synthèse du cardinal Danneels au terme des débats. ”Je me demande si tous les problèmes ont été résolus, car ceux qui sont venus avec le désir de remettre de l'ordre dans l'Église ont toujours cette conviction. Et ceux qui étaient préoccupés par les nouvelles initiatives susceptibles de faire grandir leurs Églises sont un peu restés sur leur faim”, s'interroge-t-il cependant 554 . La césure au cœur du corps épiscopal universel intervient, selon le père Teissier, entre les épiscopats de langues anglaise, espagnole et les Français pour ”continuer à avancer dans la dynamique de Vatican II” et les autres carrefours qui insistent davantage ”sur les mesures à prendre pour remettre les communautés dans la vérité et dans l'ordre” 555 .

Notes
543.

Gwendoline Jarczyk & Georges Mattia, ”Plaidoyer pour une Église de communion”, La Croix, 28 novembre 1985

544.

Ibid

545.

Bernard Le Léannec, ”Synode : l'impact du tiers monde”, La Croix, 27 novembre 1985

546.

Georges Mattia, ”Le stress de la presse”, La Croix, 28 novembre 1985

547.

Ibid

548.

Gwendoline Jarczyk, ”Comment enraciner l'évangile dans les cultures ?”, La Croix, 29 novembre 1985

549.

Yves de Gentil-Baichis & Jean Potin, ”Un plongeon… pas une trempette dans l'humanité”, La Croix, 4 décembre 1985

550.

Ibid

551.

Yves de Gentil-Baichis, Georges Mattia & Jean Potin, ”Prière oui, engagement aussi”, La Croix, 7 décembre 1985

552.

Yves de Gentil-Baichis, ”Revenir en arrière n'avait aucun sens”, La Croix, 10 décembre 1985

553.

Yves de Gentil-Baichis, ”Des accents différents”, La Croix, 10 décembre 1985

554.

Yves de Gentil-Baichis & Jean Potin, ”J'ai eu peur des réflexes de crainte”, La Croix, 10 décembre 1985

555.

Ibid