Ralliement épiscopal à un exposé complet de la foi

Vue de France, la décision synodale semble mettre définitivement en péril l'aventure catéchétique Pierres vivantes. ”Ce patient et calme ouvrage sera-t-il remis en cause ou encouragé ?”, s'interroge Gilbert Adler après avoir rappelé les précédents historiques que furent les catéchismes de 1937 et 1947 et leurs échecs. Aux prises avec le pluralisme ambiant, l'Église trouvera-t-elle l'outil décisif dans une telle somme d'orthodoxie, s'interroge encore l'auteur 589 :

‘Une dernière remarque pour attirer l'attention du lecteur sur la conception catéchétique sous-jacente aux interventions synodales. Elles assimilent catéchèse et enseignement, comme si celui-ci était le mode quasi unique de celle-là. On a trop parlé au synode de 1985 d'enseigner, de prêcher, d'expliquer, de dire. Est-ce bien cela la catéchèse ? Par son étymologie grecque, le mot nous rappelle que la catéchèse est une parole qui résonne à l'oreille d'un auditeur qui est aussi un interlocuteur. Sa propre parole est partie intégrante de l'acte catéchétique, qui est relation, dialogue.’

Si Gilbert Adler s'interroge sur la pertinence d'un catéchisme universel, sa réflexion s'insère dans une problématique plus large de ce numéro des Etudes de l'été 1987 qui tente de saisir les évolutions du catholicisme français. Henri Bourgeois propose ainsi une contribution sur ”les catholiques en quête de cohérence”. Yves de Gentil-Baichis reprend alors cette communication dans La Croix en titrant : ”retour à l'identité”. Il ne fait alors pas de doute que le catholicisme français est plus que réticent à la mise en place d'un exposé complet et organique de la foi. ”Aujourd'hui, pour retrouver leur identité, les catholiques ont peut-être moins besoin de produire des catéchismes absolument complets que de suivre l'inspiration de l'Esprit en participant activement à la vie de la communauté ecclésiale” 590 . Or très vite, Mgr Plateau, président de la commission de l'enseignement religieux, concède que la définition d'une catéchèse française ”est une opération beaucoup plus complexe que prévue, car nous avons affaire à un public pluriculturel” 591 .

Au terme de l'assemblée plénière de 1988, le cardinal Decourtray consacre la moitié de son discours de clôture à l'évolution de l'Église de France. Entre autres mutations, la mise en œuvre d'un exposé organique de la foi catholique marque un tournant selon Bruno Chenu. Le 15 décembre 1988, celui-ci évoque l'avènement de ”l'âge du quoi” - ”Quoi croire ? De quoi est tissée la foi de l'Église ? Quelles en sont les nervures essentielles ? – à la suite de ”l'âge du comment” – ”tout était commandé par le témoignage à rendre dans le monde” 592 .

En choisissant d'investir dans la formation, les évêques répondent entre autres à une demande identitaire. Telle ”mise à niveau” du savoir religieux ne doit cependant pas être synonyme de renoncement à la mission prévient Bruno Chenu 593 :

‘Si le mouvement de l'histoire va de la mission à la formation, il serait dramatique que les propositions de formation n'intègrent pas la requête culturelle et missionnaire, c'est à dire ne prennent pas en compte les questionnements d'aujourd'hui, ne permettent pas d'habiter ce monde en croyant.’

Réunie le 24 octobre 1989 à huis clos à Lourdes, l'assemblée plénière examine le projet d'un exposé complet et organique de la foi. La Croix y voit un signe d'apaisement à l'adresse de ”milieux qui, mélangeant sans nuance Vatican II et Mai 68, craignaient de voir brader les vérités catholiques” 594 . Président de la commission de l'enseignement religieux, Mgr Plateau tente de situer le texte français vis-à-vis de celui des épiscopats belge et allemand 595 :

‘Le livre allemand tient compte de la formation des catholiques de ce pays, qui ont souvent étudié la théologie à l'université. Le niveau est donc assez élevé. Les Belges ont plutôt fait le choix d'un texte plus pastoral dans le cadre de la seconde évangélisation. Nous nous situons entre les deux : nous nous adressons à un public non spécialisé, mais nous voulons avoir cependant un ouvrage solide pour les adultes engagés, en particulier dans la catéchèse, et désireux de faire un effort.’
Notes
589.

Etudes, juillet-août 1987

590.

Yves de Gentil-Baichis, ”Retour à l'identité”, La Croix, 14 & 15 juillet 1987

591.

Anne Ponce, ”Mgr Plateau souhaite un temps réservé”, La Croix, 24 septembre 1987

592.

Bruno Chenu, ”De la mission à la formation”, La Croix, 15 décembre 1988

593.

Ibid

594.

Yves de Gentil-Baichis, ”Un pari audacieux”, La Croix, 26 octobre 1989

595.

Yves de Gentil-Baichis, ”Bientôt un livre de la foi”, La Croix, 26 octobre 1989