Il s'agit alors pour la commission enfance-jeunesse d'impliquer les mouvements dans l'évangélisation. En début de réunion, Mgr Lacrampe, évêque auxiliaire de Reims suggère un diagnostic : ”de plus en plus de jeunes vivent sans passé chrétien. Pour eux, Jésus-Christ est un inconnu. L'Église leur est lointaine et sa morale paraît ”ringarde”. Les choses de la foi leur sont étrangères. Quant aux jeunes croyants qui se rassemblent, ils le font rarement dans le cadre de la paroisse qui n'est plus un lieu stratégique d'évangélisation” 622 . Le père Guy Régnier, secrétaire général adjoint de l'épiscopat, coordonne les débats. Ceux-ci révèlent des divergences de méthodes et de philosophie pour la mise en œuvre de la mission, notamment dans l'articulation entre le collectif et l’individu. Tandis que les Focorali s'adressent à des personnes, le MRJC, à l'inverse, insiste sur la dimension collective, sociale et même politique de l'évangélisation. ”Mais le souci d'évangélisation l'a emporté sur l'esprit de boutique”, se réjouit Yves de Gentil-Baichis. ”Est-ce à dire que l'épiscopat veut créer une superstructure qui coifferait tous ces mouvements et organismes et leur imposerait peu à peu une doctrine commune ?”, feint-il encore de s'interroger 623 .
Pour le troisième jour du colloque national, le 22 janvier 1986, les participants sont répartis en collèges selon diverses thématiques telles que ”la pratique de la relecture de vie”, ”l'épanouissement personnel permet-il une attention au collectif ?”, ”la place de l'Évangile dans la démarche d'évangélisation”, ”les chances pour un jeune d'être évangélisé”. Or, au terme des échanges, la commission épiscopale convient des limites d'un tel rassemblement. Les mouvements manifestent leur méfiance à l'égard de l'épiscopat. ”Un reproche souriant a été signifié aux évêques pour leur relatif silence. Et, dans les couloirs, ce sont les jeunes qui ont cru percevoir, chez les évêques, une certaine ”inquiétude”!”, relève ainsi Mgr Cornet 624 . Autre limite de l'entreprise relevée par le président de la commission : la faiblesse de l'investigation entreprise sur le terrain de la culture nouvelle chez les jeunes. ”Si parfois, au cours du colloque, certains propos d'évêques ou de participants plus adultes, revêtaient une coloration dubitative, voire pessimiste, très vite la note de confiance et d'espérance était lancée par les mouvements : ”Les jeunes sont capables de foi”” 625 .
‘Les divergences les plus profondes ne sont pas l'objet de débats théoriques. Elles ont, cependant, été approchées par l'examen de questions comme celles de la ”relecture” ou de la ”révision de vie”. La même approche a été tentée sur ”le rôle de l'Évangile” dans la vie des militants et dans la responsabilité d'évangéliser. La tension entre vie personnelle et collective n'a pas échappé à la sagacité des participants. ’Comme Mgr Cornet, Mgr Taverdet se félicite que le colloque national des mouvements catholiques de jeunes ait permis de solder les querelles idéologiques de la décennie 1970. Comme pour être sûr d'avoir définitivement clos l'ère du tout politique, l'évêque de Langres récuse toute démarche idéologique dans l'Église. Désigné comme consubstantielle au totalitarisme, stade ultime des idéologies, le moindre débat idéologique est discrédité au sein de l’église. Il ne s'agit d'entretenir une nostalgie de l'ère du conflit attribué aux années post-1968. Prière et célébrations sont par ailleurs convoquées par le père Taverdet comme attributs indispensables à toute pastorale, même fondée sur l'action 626 .
Yves de Gentil-Baichis, ”Comment évangéliser les jeunes”, La Croix, 24 décembre 1985
Yves de Gentil-Baichis, ”Déchiffrer les attentes”, La Croix, 24 décembre 1985
Mgr Cornet, ”Colloque des mouvements catholiques de jeunes ; 19-20 décembre 1985”, Snop, n°619, 5 mars 1986
Mgr Cornet, ”Colloque des mouvements catholiques de jeunes ; 19-20 décembre 1985”, Snop, n°619, 5 mars 1986
Mgr Taverdet, ”Des jeunes aujourd'hui”, Bulletin diocésain de Langres, n°4, 21 février 1986