Succès mitigé de la nouvelle évangélisation au sein de l'épiscopat

Cette option ne fait cependant pas l'unanimité au sein de l'épiscopat ainsi que le révèle la préparation de la visite de Jean-Paul II à Strasbourg en 1988. Dès le mois de février 1988, Mgr Brandt précise à ses diocésains dans quelles conditions le diocèse s'apprête à accueillir Jean-Paul II. L'archevêque de Strasbourg semble vouloir rompre avec le style des précédentes visites du Pape en France. ”Nous devons savoir refuser que le Pape soit pour nous ce que certains médias veulent quelquefois faire de lui et nous imposer”, écrit-il dans Église en Alsace 631 .

‘Cette visite, nous la voulons, à tous les égards, digne de l'hôte qui nous fait l'honneur de venir vers nous. Mais nous choisissons délibérément de la réaliser dans une grande économie de moyens en engageant les seules dépenses indispensables, en évitant toute action triomphaliste. Nous ne devons pas oublier toutes les pauvretés, celles de près et de loin qui nous entourent et nous interpellent. Au demeurant, il convient aussi de ne pas perdre de vue que beaucoup ne partagent ni nos convictions chrétiennes ni certaines expressions de notre sensibilité propre.’

Toujours partagé quant à la pertinence de la nouvelle évangélisation, l’épiscopat français tente de sortir du tête à tête avec Rome en explorant de nouvelles pistes d’évangélisation. Du 9 au 12 avril 1987, Mgrs Cornet et Lacrampe accompagnent la délégation française aux journées mondiales de la jeunesse de Buenos-Aires 632 . La délégation officielle des mouvements de jeunesse catholique français est constituée de représentants des mouvements présents au ”colloque 1986” des mouvements catholiques de jeunesse : Focorali, les guides de France, le MEJ, les scouts de France, la JEC, la JICF et la mission étudiante. Outre deux délégués français d'instances européennes (CICS et FSCF), cette délégation est complétée par trois représentants des équipes Notre-Dame jeunes, six de la communauté de l'Emmanuel, quatre scouts unitaires de France et un représentant pour les guides et scouts d'Europe par souci épiscopal de provoquer un ”désenclavement des mouvements”. Mgr Cornet et Lacrampe n'en demeurent pas moins attentifs à distinguer la situation des mouvements participants à Colloque 1986 et de celle des mouvements invités 633 .

Cette expérience argentine révèle aux deux évêques français une méthodologie spécifique pour l'évangélisation. De retour en France, Mgr Lacrampe et Cornet rapportent le contenu d'une conférence doctrinale du cardinal Pironio sur ”une évangélisation pour la construction d'une société nouvelle”. Les deux évêques français ne cachent pas leur admiration quant à la capacité du cardinal à stimuler la réflexion chez les participants du forum. Et de suggérer à la conférence épiscopale française de s'inspirer de cette méthode comme substitut aux traditionnels questionnaires pastoraux. En sous-représentation, les délégations espagnole, italienne, portugaise, allemande et française assistent plus en spectateurs qu'en acteurs à cette manifestation aussi populaire que massive. A cette occasion, les pères Lacrampe et Cornet voient se nouer des échanges particulièrement riches autour des problématiques du sous-continent américain. ”Nos Églises d'Europe (…) n'ont sans doute pas encore d'axe aussi précis que l'option prioritaire pour les pauvres et l'option prioritaire pour la jeunesse, comme c'est le cas en Amérique latine”, relèvent-ils 634 .

Mis en possession de plusieurs plans de pastorale en direction d'une nouvelle évangélisation des jeunes en Amérique du Sud, les deux évêques s'inquiètent de la faiblesse du projet de nouvelle évangélisation proposé à l'Europe et redécouvrent à cette occasion la pertinence du modèle militant alliant dans un même mouvement action et réflexion. La vigueur et la jeunesse de l'Église sud-américaine sont déterminantes pour l'appréhension du synode romain sur les laïcs de 1987. Il devient impératif d'enregistrer ”le souhait vigoureusement exprimé [….] qu'au synode, les laïcs ne soient pas considérés comme un modèle unique et, que de ce fait, les jeunes des générations montantes soient entendus”, suggèrent les deux évêques 635 .

Le 8 octobre 1987, Mgr Lacrampe intervient à la rencontre des organisations internationales catholiques (O.I.C.) et revient alors sur l'articulation liant conférences épiscopales et mouvements d'Église. Son analyse met alors en valeur le caractère incitateur du droit canon en matière de pluralisme dans la définition large qu'il donne des associations. Il s'agit alors de dissiper les malentendus nourris selon lesquels l'épiscopat pencherait pour une uniformisation des mouvements. Pour le père Lacrampe, l'ultime étape de sa réflexion vise à réhabiliter les structures nationales de l'épiscopat pour une collaboration plus étroite avec les O.I.C. ”Ne faut-il donc pas aller plus loin dans notre implication ou compromission d'évêques ? Il s'agit de respecter la libre initiative mais de ne pas perdre de vue nos priorités missionnaires de présence évangélique au monde qui donne sens à notre pastorale”, indique l'évêque auxiliaire de Reims 636 .

Notes
631.

Brigitte d'Aranda, ”Grande économie de moyens pour la visite du pape à Strasbourg”, La Croix, 4 février 1988

632.

Anonyme, ”La délégation française de retour de Buenos-Aires”, Snop, n°668, 29 avril 1987

633.

Mgrs Cornet & Lacrampe, ”Forum des jeunes et journées mondiales de la jeunesse - Buenos-Aires - 9 et 12 avril 1987”, Snop, n°669, 6 mai 1987

634.

Ibid

635.

Ibid

636.

Mgr Lacrampe, ”Intervention à la rencontre des Organisations internationales catholiques”, Snop, n°686, 21 octobre 1987