Finalement, le synode romain se prépare dans une relative indifférence en France avec une défection du laïcat et c'est laborieusement qu'est mise en place une consultation. Cette situation n'est cependant pas due au seul fait de l'Église de France. Ainsi les lineamenta de mai 1985 - document de base pour l'implication des laïcs dans la préparation du rendez-vous romain - sont qualifiées de médiocres par l'épiscopat allemand. Seule la publication d'Instrumentum laboris en mai 1987 attire quelque peu l'attention. Reste que le texte ne fait pas la moindre mention des réponses émanant des conférences épiscopales. Seules abondent les références aux textes conciliaires et à l'enseignement papal. Assistant ecclésiastique de la Jeunesse étudiante catholique internationale, Antoine Sondag s'inquiète alors du bon déroulement du synode à venir 675 :
‘Ce document de travail se présente comme un discours linéaire, synthétique, il ne soulève aucun problème, ne souligne pas les divergences d'opinions ou de pratiques. Par son style toujours affirmatif, il éteint la discussion plus qu'il ne la suscite. La pédagogie d'un tel document est désastreuse : il n'y a quasiment pas de questions (sauf pour les nouveaux ministères de laïcs fondés sur le baptême), il n'y a que des réponses, des appels à la vérité plénière, à la communion, à l'obéissance.’Dénonçant une ”obsession névrotique” dans la restriction du synode à sa définition comme assemblée d'évêques, Antoine Sondag s'insurge contre une ecclésiologie du ”mystère” synonyme de l'abandon de la ”théologie du laïcat” au profit d'un cléricalisme renaissant.
En septembre 1987, Golias critique le document préparatoire du synode. ”Intéressant quand il affirme la vocation et la mission intra-ecclésiales tout autant qu'extra-ecclésiale de tous les baptisés ; intéressant aussi par la compréhension plus positive qu'il a de la conscience sociale et politique des peuples et des individus. Inquiétant, tout de même quand il définit l'Église comme une communauté dont l'organisation s'articulerait autour du schéma bien connu clergé-laïcat” 676 . Le périodique lyonnais propose alors une réflexion articulée en cinq points : la crise du clergé, la division du travail religieux, la crise du célibat comme préalable ou non à un ministère ordonné, une nouvelle manière d'appeler au ministère. Concernant la pastorale à mettre en œuvre, Christian Terras se risque à quelques suggestions 677 :
‘- Pourquoi ne pas mettre en place des situations expérimentales suivies de démarches d'évaluations ?Pour sa part, Didier Niel, secrétaire général de l'action catholique ouvrière regrette que les trois laïcs choisis par Rome pour représenter la France ne proviennent pas du groupe des vingt personnes représentants mouvements, organismes et services d'Église depuis un an auprès de l'épiscopat dans le cadre de la préparation du synode 678 . Telle sélection n'entame cependant pas la détermination de certains groupes à participer à la dynamique synodale. Les organisations catholiques internationales organisent ainsi un débat autour du laïcat le 15 octobre 1987, chaque soir des jeunes de Taizé prient pour le synode dans une paroisse romaine et le groupe international Femmes et hommes dans l'Église tente d'occuper le terrain. Pour leur part, les évêques français tentent de ne pas perdre le contact avec les vingt laïcs qui ont participé activement à la préparation du synode. Ainsi cinq d'entre eux rejoignent-ils Rome au terme des travaux sur invitation de la conférence épiscopale. Au fil des débats, Mgr Lacrampe réunit le groupe des vingt pour les informer de l'avancée des travaux.
Tandis que les pères synodaux se réunissent en groupes restreints, une semaine après l'ouverture des échanges, Gaston Piétri esquisse un bilan provisoire des travaux pour La Croix. Il s'agit alors pour lui de prévenir toute déception à l'endroit du synode lorsque que ”certains attendent de lui des consignes très concrètes” 679 . Reste que pour le secrétaire général adjoint de l'épiscopat, présent à Rome, le synode peut apporter des éléments décisifs pour mieux appréhender l'élan associatif de l'Église qu'il voit se déployer selon un double mouvement. Les associations ”qui ont plusieurs décennies d'existence et sur lesquelles en certains pays la pastorale s'est appuyée” se distinguent ainsi que ces ”éclosions nouvelles qui appellent un certain discernement”. La question est donc la suivante pour Gaston Piétri : ”comment ces deux types d'associations pourront cohabiter à l'avenir”. Il s'agit de concilier libre initiative des laïcs et ”liberté de l'Esprit-Saint en ses charismes”. Enfin, l'évêque doit être en mesure de coordonner ces actions associatives dans le cadre pastoral. L'enjeu est de taille ”car il pourrait y avoir une discrimination dangereuse, mais aussi une façon de tout bénir qui aboutirait à vider la pastorale d'un minimum de choix rigoureux” 680 .
A mi-parcours de l'assemblée synodale, La Croix ne cache pas sa déception. ”Rien n'a été dit sur le climat dans les carrefours de travail, rien non plus sur les débats, voire même sur les sujets de confrontation…” relève Gwendoline Jarczyk 681 . Au-delà de la faible communication vaticane, le quotidien catholique craint de voir triompher une théologie conservatrice de l'Église concernant son rapport au monde 682 . Au terme des débats, Mgr Decourtray en convient, ”ce synode a été formidable pour moi, mais il est d'abord fait pour le peuple de Dieu. Or tout s'est déroulé en vase clos par rapport à l'opinion publique” 683 . L'enjeu pour les évêques est alors pédagogique. ”Nous devrons en France faire percevoir ce qui s'est passé”, ajoute-t-il 684 .
Concernant les travaux du groupe francophone présidé par le cardinal Danneels, les pères synodaux déplorent le caractère ”technique” de la synthèse des travaux, laissant dans la marge des problématiques majeures du laïcat : la participation des laïcs aux décisions pastorales à tous les niveaux, les problèmes des communautés sans prêtre, l'ouverture de l'Église au monde. ”Les grandes questions posées à l'Église par le monde apparaissent-elles suffisamment ?” 685 . Des objections sont également formulées concernant une surévaluation du modèle militant. ”L'immense majorité des simples baptisés, appelés non à la militance, mais à l'humble témoignage de la foi dans leur humble vie quotidienne” 686 .
Confronté à la déception des laïcs, Mgr Maziers tente de faire valoir la qualité théologique du travail mené dans un approfondissement de la théologie conciliaire du laïcat. ”Mais une telle orientation répond-elle pleinement à la vocation d'un synode ?”, s'interroge Joseph Thomas dans les Etudes 687 . Pour le chroniqueur de la revue jésuite, il semble que seuls les synodes diocésains soient à même de rétablir le lien avec les laïcs. ”Là, les laïcs peuvent être numériquement majoritaires. Ils y sont délégués par les forces vives d'un diocèse. Dans les synodes diocésains, à la lumière des principes rappelés cette année à Rome, pourront être abordées les questions concrètes qui n'ont pu y être évoquées” 688 . Le mandat devient clair pour les évêques. A eux de susciter la réponse à la question posée : ”comment des hommes et des femmes non prêtres peuvent-ils vivre leur responsabilité dans la vie et la mission dans l'Église dans le monde ?” 689 .
Antoine Sondag, ”Peut-on encore sauver le synode ?”, La Croix, 2 & 3 août 1987
Christian Terras, ”Synode : mais où sont passés les laïcs ?”, Golias, 11, septembre 1987, pp. 57-63
Ibid
Yves de Gentil-Baichis, ”Que l'Église fasse confiance aux hommes”, La Croix, 1er octobre 1987
Gwendoline Jarczyk, ”Un bain de catholicité”, La Croix, 16 octobre 1987
Ibid
Gwendoline Jarczyk, ”La presse reste sur sa faim”, La Croix, 22 octobre 1987
Gwendoline Jarczyk, ”Deux conceptions de l'Église”, La Croix, 22 octobre 1987
Yves de Gentil-Baichis, ”Ce synode, une expérience très forte”, La Croix, 31 octobre 1987
Ibid
Georges Mattia, ”Les évêques aux urnes”, La Croix, 29 octobre 1987
Ibid
Joseph Thomas, ”Leçons d'un synode”, Etudes, 3676, décembre 1987, page 694
Ibid
Ibid