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Commission des migrations : ”Vivre ensemble dans la différence” (1983)

Prise mouvement de la réflexion, la conférence épiscopale consulte les acteurs de la pastorale des migrations durant le mois de novembre. La commission veut proposer un texte au conseil permanent de décembre. Le 15 décembre, la commission adresse un message aux immigrés résidant en France, ”Vivre ensemble dans la différence”. Le texte est diffusé en plusieurs langues 1176 .

La démarche attire l'attention du Vatican. Le 20 décembre 1983, Mgr Delaporte reçoit les encouragements de la commission pontificale pour la pastorale des migrations et du tourisme. Pro-président de la commission, l'archevêque titulaire de Anzio, Emmanuel Clarizio salue le texte sur le fond comme sur la forme. ”Nous avons aussi bien apprécié que vous vous adressiez directement aux immigrés, en leur écrivant dans leurs langues, et nous souhaitons une large diffusion au près d'eux de votre texte” 1177 . Reste que dans l'Église, ”cette lettre a suscité des réactions très vives de la part des courants extrémistes (”un véritable attentat contre notre identité nationale”, s'exclame Roland Gaucher, du Front National), mais aussi de la part des catholiques de ”bonne volonté”, relève les Etudes 1178 .

Le mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) organise les assises nationales contre le racisme en mars 1984. Une nouvelle déclaration conjointe est rendue publique par les représentants des Églises chrétiennes, juives et musulmanes sur ”le racisme et le pluralisme dans la société” 1179 . La question identitaire posée par l'immigration et l'émergence de l'extrême droite devient lancinante dans la France du milieu des années 1980. Or au lendemain des rassemblements diocésains organisés dans le droit fil de l'assemblée plénière, Gaston Piétri, souligne l’importance de la question identitaire dans la démarche missionnaire de l'Église de France dans les Etudes de mai 1984 1180 .

Dans un autre style, alors qu'il s'apprête à présider le 13 août 1984 les grandes fêtes du pèlerinage à Lisbonne, Mgr Lustiger propose à Radio Notre-Dame une réflexion sur la ”citoyenneté chrétienne”. Un tantinet provocateur, l'archevêque de Paris avance que le terme ”immigré” devrait être rayé du vocabulaire chrétien dans la mesure où le nouveau code de droit canon définit la paroisse non seulement à partir d'un territoire, mais aussi d'une langue, d'une appartenance nationale 1181 . Les thèmes de l'immigration et du racisme alimentent alors le débat chez les intellectuels catholiques. Le service national de la pastorale des migrants et le centre Sèvres organisent un colloque les 20 et 21 octobre 1984 sur le thème ”Politique de l'immigration et communauté nationale”.

Notes
1176.

Mgr Delaporte, président de la commission épiscopale des migrations ; Mgr Despierre, évêque de Carcassonne, Mgr Hermil, évêque de Viviers, Mgr Kervennic, évêque de Saint-Brieuc, Mgr Lecrosnier, évêque de Belfort-Monbéliard, Mgr Rol, évêque d'Angoulême, P. Claude Frikart, délégué pour Paris, P. Dominique Froissart, délégué pour l’Île-de-France, P. Gérard Hartmann, délégué pour le Centre, P. André Costes et Manuel Pimentel, secrétaires de la commission épiscopale des migrations. Snop, n°524, 14 décembre 1983

1177.

”Lettre de la Commission pontificale pour la pastorale des migrations et du tourisme adressée à Mgr Delaporte, président de la commission épiscopale française des migrations”, Snop, n°528, 18 janvier 1984

1178.

André Costes, ”L'Église catholique devant l'immigration”, Etudes, 364, janvier 1986, page 98

1179.

En 1985, le sociologue Adil Jazouli évoque la fièvre associative des jeunes Maghrébins du début des années 1980 dans son ouvrage Action collective des jeunes Maghrébins en France. Près d'une centaine d'associations se créent ainsi entre 1981 et la fin de l'année 1984. Bon nombre d'entre elles ont pour objet la défense contre le racisme tandis que d'autres intéressent la culture (théâtre, radios locales, etc.). Toutes naissent au creux de la loi du 9 octobre 1981 qui abroge un décret de 1939 à la loi de 1901 qui y ajoutait un ”titre IV” restrictif pour les associations étrangères - il suffit que plus du quart des membres d'une association soient des ressortissants étrangers ou qu'un conseil d'administration compte un étranger parmi plusieurs membres. Adil Jazouli, Action collective des jeunes maghrébins de France, Paris, Ciemi-l'Harmattan, 1986, 217 pages

1180.

”Pour qu'il y ait signe, il faut qu'il y ait différence : le rapport de 1971 le disait déjà. Par ailleurs, il faut noter que la revendication identitaire s'est fait jour avec force dans l'ensemble de la société française. Elle s'est affirmée précisément sous la forme du droit à la différence : c'est le cas pour les minorités ethniques, les cultures régionales. (…) Notre société sort lentement d'un modèle d'égalité-uniformité pour donner à l'égalité un autre contenu : celui du droit à l'autodétermination des individus et des groupes en ce qu'ils ont de spécifique”. Gaston Piétri, ”L'Église de France tentée de repli sur soi ?”, Etudes, mai 1984, page 665

1181.

Mgr Lustiger, ”La citoyenneté chrétienne”, Paris Notre-Dame, n°35, 13 juillet 1984