Lourdes 1986 : racisme et Islam en France

évêques, mouvements, groupes chrétiens ou non s'élèvent contre le racisme et les idéologies. Mais l'épiscopat français veut aussi une réflexion sur les nouveaux contours de la communauté nationale. En mai 1986, les présidents des commissions des migrations, Mgr Delaporte, Justice et Paix, Mgr Fauchet, sociale, Mgr Rozier, du comité pour les relations avec le judaïsme, Mg Matagrin, et le responsable du secrétariat pour les relations avec l'Islam, le père Michel Serain signent la déclaration ”Au-delà des différences, les chances d'un avenir commun”. Le droit - notamment le droit des gens - apparaît, aux yeux des évêques, la meilleure garantie pour le respect de l'homme dans ce qu'il organise les relations entre l'homme et l'Etat qui doit en assurer la protection 1193 :

‘Dans notre société, des hommes, des femmes et des jeunes se retrouvent dans le travail, dans l'habitat, à l'école, avec des droits sociaux souvent équivalents. Les différences fondées sur l'origine, la religion, ne peuvent constituer un obstacle majeur à l'intégration dans un même ensemble national. Nous avons à proposer sans relâche des modes de ”convivance” qui traduisent les valeurs de fraternité et de justice à la base de notre société.’

Le 15 novembre 1985, le conseil permanent de l'épiscopat s'associe à ”l'appel commun contre la montée du racisme” lancé par les associations Droits de l'homme et solidarité, Droit Humain, la Grande Loge de France, la Grande Loge traditionnelle et symbolique, le Grand Orient de France, la Grande Loge féminine de France, la Ligue des Droits de l'homme, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, le mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples 1194 . Pour Jean Potin, ”le texte rappelle les catastrophes suscitées par le nazisme qui avait planifié l'anéantissement du peuple juif” 1195 .

En novembre 1986, l'assemblée plénière ne peut éluder la question de l'Islam. Les évêques plaident alors pour sa meilleure connaissance. ”Si le dialogue Islam-christianisme est difficile, le dialogue chrétiens-musulmans est un devoir, sinon des îlots explosifs germeront dans la société française. Des problèmes humains et religieux concrets se posent. Ceci demande de la part de tous beaucoup de cœur, de sainteté, de reconnaissance réciproque de l'identité de chacun sans syncrétisme, de lucidité”, indique Michel Boullet en conclusion des travaux de l'assemblée 1196 . Sollicité par Mgrs Delaporte, président de la commission des migrations, et Dufaux, président du secrétariat des relations avec l'Islam, le père Maurice Borrmans, professeur de langue arabe et de droit musulman à l'institut pontifical d'études Islamiques de Rome, intervient sur l'Islam contemporain dans le monde tandis que Rémy Leveau, professeur à l'institut d'études politiques de Paris, propose une analyse de l'Islam français à partir d'une enquête de 1985. Les travaux de l'assemblée plénière enthousiasment Jean Potin 1197 :

‘Alors que l'opinion publique française, entraînée par des mouvements à tendance raciste, pourrait se laisser aller parfois à des réactions de rejet, l'Église prône l'intégration de la communauté musulmane au sein de la nation française, dans le respect de ses caractères propres et notamment religieux, l'assimilation étant laissée au libre choix de ses membres.’
Notes
1193.

Collectif, ”Au-delà des différences, les chances d'un avenir commun”, Snop, n°586, 16 mai 1985

1194.

Le conseil permanent est accompagné du conseil de la fédération protestante, le comité interépiscopal orthodoxe, le conseil supérieur rabbinique et la grande mosquée de Paris

1195.

Jean Potin, ”Plus qu'un enjeu électoral”, La Croix, 15 novembre 1985

1196.

DC, 1929,7 décembre 1986, p. 1099

1197.

Jean Potin, ”L'Église de France et l'Islam”, La Croix, 2 & 3 novembre 1986