Mgr Delaporte : penser le droit des immigrés

Un groupe de travail formé par les secrétaires de la commission épiscopale des migrations, de la commission sociale, de la commission française Justice et Paix, de la commission épiscopale du monde ouvrier, de la commission épiscopale des missions à l'extérieur ainsi que du comité pour les relations avec le judaïsme se réunit sous l'autorité de Mgr Delaporte, président de la commission épiscopale des migrations. La réflexion porte sur la responsabilité des chrétiens devant les questions que posent à l'opinion et dans la vie de tous les jours la présence des populations immigrées ou issues de l'immigration. Quatre fiches sur divers thèmes comme ”Droit et nationalité”, ”L'histoire des jeunes se vit ici”, ”Progrès juridiques et discriminations pratiques” et ”Immigrés musulmans en France” sont bientôt publiées 1227 . Dans le sillage de son épiscopat, l’Église catholique occupe les avant-postes de la défense des immigrés 1228 .

Le 28 mai 1986, la commission épiscopale des migrations prend connaissance de l'avant-projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France. Les évêques s'inquiètent de voir les autorités judiciaires dépossédées de leurs prérogatives en matière de protection des droits de la personne 1229 . Il est urgent pour l'épiscopat de produire une réflexion ad hoc sur le sujet. Pour se faire, du 1er au 4 juillet, le Ceras et le comité de la pastorale des migrants organisent au centre les Fontaines un colloque intitulé : ”immigration, choc à subir, chance à saisir ?”. Le volontarisme du père Delaporte est tel qu'il s'impose comme référence du discours épiscopal en matière d'intégration 1230 .

Tandis que le 11 juin 1986, les principaux responsables des institutions de la Communauté européenne signent une déclaration commune contre le racisme, le conseil des ministres adopte le projet de loi présenté par le ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua. Tandis que SOS Racisme organise une manifestation le 14 juin, Mgr Delaporte, président de la commission épiscopale des migrations, n'est pas en reste. Dès le 28 mai, la commission épiscopale des migrations exprime ”son inquiétude devant tout projet qui supprimerait des garanties nécessaires à un statut des étrangers en France”. Le père Delaporte insiste sur la nécessité de ”respecter les compétences respectives de la police, de l'administration et de la justice” 1231 . Pour l'évêque de Cambrai, le projet de loi risque d'enrayer les mécanismes républicains de l'intégration pour les populations immigrées 1232 .

Notes
1227.

Anonyme, ”Présentation des 'fiches' de réflexion sur l'immigration aujourd'hui - groupe inter-commissions épiscopales Racisme”, Snop, n°628, 14 mai 1985

1228.

Le 15 avril 1986, le père Bernard Dupuy, secrétaire du comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme reçoit au Sénat le prix d'honneur de l'association du ”Courage quotidien” des mains d'Alain Poher.

1229.

Commission épiscopale des Migrations, ”Entrée et séjour des étrangers en France”, Snop, n°630, 4 juin 1985

1230.

Le bulletin diocésain de la Réunion le sollicite à titre d'expert : ”Aujourd'hui, pour les jeunes français déjà, à plus forte raison pour les immigrés, tous les réseaux intégrateurs d'hier fonctionnent moins bien. L'identité française elle-même est moins assurée… Les Français ont à reconnaître leur propre avenir. Ils sont eux-mêmes, à travers la modernité, en train de changer de culture”. Mgr Delaporte , ”De l'insécurité à la bonne nouvelle - L'Église présente aux migrations”, Bulletin diocésain de la Réunion, n°80, septembre 1986

1231.

Dominique Quinio, ”Gare aux effets secondaires”, La Croix, 12 juin 1986

1232.

La Croix rapporte les propos du président de la conférence épiscopale des migrations : ”Si les immigrés prennent peur, leur insertion dans le pays n'en devient que plus difficile. Or, c'est un processus lent qu'il faudrait au contraire faciliter par un environnement juridique positif. Ces gens, précisément, sont en train de changer de projet, de se dire ”on est ici, on y reste”, ce n'est pas facile pour eux sur le plan culturel et socio-économique”. Dominique Quinio, ”Gare aux effets secondaires”, La Croix, 12 juin 1986