A/ Renouveau de la pastorale de la santé

”Un nouveau rapport de la culture et de la nature” (Mgr Etchegaray)

Tel déplacement épistémologique s'opère progressivement. ”Le nouveau monde de la santé [est le] lieu privilégié pour l'homme où se reflète et se façonne l'aventure humaine”, déclare, en 1980, Mgr Etchegaray ¹³⁴³ . ”C'est un lieu où s'élabore un nouveau rapport de la culture et de la nature”, poursuit-il ¹³⁴⁴ . Il faut attendre l'assemblée plénière de 1982 pour que l'épiscopat se saisisse de ce dossier de la santé. A première vue, les décisions de cette assemblée apparaissent modeste. Elles ne reflètent, en fait, que très partiellement l'effort déployé par l'épiscopat. Le travail préparatoire du dossier apparaît conséquent. Pas moins de cinq numéros du bulletin Documents-Episcopat sont consacrés à la santé au cours de l'année 1982 ¹³⁴⁵ . Les deux ans qui précèdent l'assemblée voient la constitution de sept groupes de travail pour associer de nombreux mouvements et organismes d'Église à la réflexion que commande Mgr Kuehn ¹³⁴⁶ .

L'assemblée plénière entre dans le vif du sujet le 25 octobre. Douze carrefours sont constitués autour de diverses problématiques telles que la mise en place de centres éthiques, la fonction de délégué diocésain à la pastorale de la santé, les aumôneries de soin, la place des institutions chrétiennes, l'accueil des marginaux, la pastorale de la santé mentale, les tâches des religieux et religieuses, les malades et handicapés, la formation, la santé et le développement mondial, les modalités d'une présence d'Église, etc. Entre autres interventions, celle de l'abbé Christian de Montfalcon retient l'attention d'Henri Fesquet. ”On a trop dit, on a mal dit, que la souffrance est rédemptrice. On a laissé entendre que le seul fait de souffrir était méritoire : cette affirmation n'est pas concevable”, plaide le prêtre lyonnais ¹³⁴⁷ . Le chroniqueur du Monde salue la remise en cause de l'exclusive doloriste dans la théologie épiscopale.

Pour le reste, les débats se déroulent dans une relative atonie. Le rapport présenté par le père Kuehn suscite dix-sept interventions complémentaires seulement ¹³⁴⁸ . Il en ressort des dispositions relativement modestes. Le principe de rencontres pluridisciplinaires sur l'éthique est arrêté. Il n'est finalement pas question de mettre en place des centres d'éthique médico-sociale même si le conseil permanent n'en exclut pas la réalisation à terme. Moyens et lieux ”appropriés à la recherche nécessaire” doivent être mis en place sous sa responsabilité. Des délégués diocésains pour la pastorale de la santé doivent être désignés avec pour mission de suivre les évolutions de la recherche et de ses expérimentions. Il doit également veiller à la mise en relation de l'ensemble des catholiques et des groupes concernés par cette pastorale pour définir des priorités et des choix à l'échelle diocésaine ainsi qu'au renouvellement des initiatives et modes de présence de l'Église au monde de la santé ¹³⁴⁹ .

Pour les Cahiers, le bureau d'études doctrinales doit jouer un rôle de premier plan dans les réflexions à venir ¹³⁵⁰ . L'initiative reste cependant à la commission sociale. Sa section santé organise une rencontre nationale des délégués diocésains de la pastorale de la santé, les 6 et 7 décembre 1982. Mgr Rozier et Mgr Kuehn président cette rencontre parisienne. Entre autres intervenants, Michèle Fardeau pose les ”enjeux pour l'homme et la société, des projets sanitaires et sociaux en cours d'élaboration”. Le virage engagé est décisif. Les évêques n'hésitent pas à reconnaître leur incompétence dans le domaine. Mgr Kuehn reconnaît porter la parole d'un ”évêque lambda” en la matière ¹³⁵¹ . Le défi consiste à élaborer un discours informé sur un sujet traditionnellement confiné aux thèmes de l'avortement, de la sexualité juvénile ou de la contraception. Autant de domaines dans lesquels la parole prescriptive de l'épiscopat demeure inaudible.