Réhabilitation de la commission familiale

Le gouvernement français lance une campagne de publicité sur les moyens de contraception à l'hiver 1981. Mgr Duval salue l'événement pour ses vertus préventives concernant l'avortement. ”Lutter contre les avortements est une entreprise qui demande l'engagement de tous. Aider à acquérir une meilleure connaissance de soi et de tout ce qui touche à la sexualité est une œuvre délicate mais nécessaire. L'ignorance en quelque domaine que ce soit, mais surtout lorsqu'elle porte sur des réalités si importantes, n'est pas tolérable” ¹³⁵⁸ . L'archevêque de Rouen n'en abandonne pas moins sa ligne défensive lorsqu'il évoque l'hypothèse de grossesses déclenchées comme conséquence de ”fringale” sexuelle satisfaite.

Du 4 au 7 février 1982, la commission épiscopale de la famille organise une session nationale des responsables de la pastorale familiale. L'événement se déroule à Lyon. Le thème en est : ”Amour humain et paroles d'Église”. Les enquêtes pastorales de 1980, menées dans le cadre du synode romain sur la famille, servent de base de travail et la rupture Humanae vitae reste le cœur du problème. A partir de ce constat, les évêques souhaitent initier un nouveau regard pastoral sur la vie des couples. ”Il ne s'agit pas de dire la doctrine”, insiste Yves de Gentil-Baichis dans La Croix, mais d'engager une réflexion pour ”trouver le vocabulaire, le langage et le ton qui peuvent être entendus par nos contemporains quand on leur parle de sexualité et d'amour” ¹³⁵⁹ .

Le débat sur la mise en place du remboursement de l'avortement fragilise cependant la démarche consensuelle de l'épiscopat. La publication d'enquêtes révélant que 500 à 800 000 avortements sont pratiqués annuellement, ne manque pas de le faire réagir. Pour sa part, Mgr Bouchex tente de faire valoir les difficultés psychologiques auxquelles s'expose une femme en avortant. L'archevêque d'Avignon n'hésite pas à dénoncer une inversion des valeurs de la société et refuse de voir le législateur consacrer de nouveaux tabous ¹³⁶⁰ :

‘A aucun moment, on ne perçoit qu'il pourrait entrer en jeu une grave question de conscience” s'insurge-t-il. ”Nous assistions en effet à une grande entreprise de déculpabilisation dans tous les domaines. Cette entreprise avance, non seulement quant à l'avortement et à la sexualité, mais quant aux massacres de l'Afghanistan, du Cambodge, du Salvador, aux Goulags russes et aux chambres de torture de l'Amérique latine, aux événements de Pologne, à la faim dans le monde et aux violences parfois criminelles qui ont lieu, à la prostitution des enfants, au trafic des fœtus humains et au ”système D”. Tout se passe comme si le summum de la liberté humaine devait être atteint avec la déculpabilisation totale de l'homme.’

En mars 1982, la ”commission familiale” succède à la ”commission épiscopale de la famille et des communautés chrétiennes”. Il s'agit de ”mieux répondre aux besoins actuels de la pastorale familiale”, selon La Croix ¹³⁶¹ . Avec cette nouvelle commission c'est une instance nationale de pastorale familiale qui se met en place. Cette mutation s'accompagne d'un renouvellement du personnel épiscopal avec le départ du président de la commission défunte, Mgr Duchêne. Mgr Jullien lui succède lors de l'assemblée lourdaise suivante. Le nouveau président opère une synthèse originale entre l'anthropologie épiscopale des années 1968 et les nouvelles problématiques éthiques. Le père Jullien offre à la commission familiale ses compétences de moraliste ¹³⁶² . Sous son influence, la structure familiale devient référence anthropologique et unité de base du discours pastoral de l'épiscopat français ¹³⁶³ .