Le 23 février 1983, le comité consultatif national d'éthique est créé par décret présidentiel. La nouvelle institution est alors placée auprès des ministères chargés de la recherche et de la santé. Sa mission consiste à émettre des avis sur les problèmes moraux soulevés par la recherche biologique, médicale et sanitaire. Consultatif, le comité ne dispose pas de moyen contraignant. Les principales familles philosophiques et spirituelles se voient octroyer cinq des 36 sièges. Pour le reste, quinze membres du comité sont choisis en raison de leur intérêt pour l'éthique, quinze autres développent une activité de recherche dans un domaine intéressant la réflexion éthique.
Pris au surgissement de l'éthique, l'Église trouve en Mgr Jullien le meilleur avocat pour porter son discours dans l'espace public tandis que la repousse toujours plus loin les frontières de la biologie. Ainsi, au mois de mai 1983, des chercheurs de l'université australienne de Monash annoncent être parvenus à réimplanter un embryon humain fécondé in vitro puis congelé chez une femme. La Croix sollicite le président de la commission épiscopale de la famille pour réagir dans ses pages ”société” 1386 . Interrogé sur l'avis de l'Église concernant ce genre d'expérimentation, le père Jullien refuse un discours catégorique 1387 :
‘[L'Église] n'a pas de réponse toute faite dans ces domaines très nouveaux. Elle cherche, en éclairant une conception du sens global de l'homme à la lumière de la révélation.A ce stade de la réflexion éthique, l'épiscopat français ne semble pourtant pas en mesure de produire une pensée propre. Le détour par Rome est encore régulier ainsi que semblent le suggérer les propos du père Jullien 1388 :
‘L'homme est un être humain à la naissance. Or il y a continuité sans seuil depuis la fécondation de l'œuf. Et l'Église considère que l'embryon est humain dès le départ. Il doit donc être traité comme tel et ne pas être manipulé pour servir de cobaye lors d'expériences. Le Pape a été formel sur ce point en octobre dernier en recevant des biologistes à Rome.’Reste à l'Église de France à définir des lieux et des instances pour faire émerger un discours original. C'est ainsi que le diocèse de Corbeil s'associe au journal La Croix pour l'organisation d'un colloque sur le thème ”science et foi”. Le 23 avril 1983, celui-ci réunit près de 500 personnes autour de chercheurs du centre scientifique d'Orsay et de Saclay, de l'institut catholique de Paris et de l'Académie des sciences 1389 . Parmi les intervenants, le père Xavier Thévenot convient des déficiences anthropologiques du magistère en matière d'éthique sexuelle. Le moraliste n'en demeure pas moins convaincu que l'Église a vocation a exercer une ”fonction sapientielle” dans la société. Celle-ci ne sera, cependant, crédible que si elle ”est humblement consciente des différents degrés de relativité de ses propos éthiques” 1390 .
Or, confrontée à une diversité de productions éthiques, l'Église doit également vérifier que ses enseignements, discours et prises de positions éthiques demeurent fidèles à l'Évangile. Les évêques doivent, à cet effet, provoquer le dialogue avec les théologiens. ”Nouveauté évangélique et mission de l'Ecclesia sur l'éthique”, tel est le thème de la rencontre de cinquante évêques et théologiens des régions Rhône-Alpes et Provence-Méditerranée réunis, entre le 23 et le 26 janvier 1984, à la Castille 1391 . L'essentiel du travail se déroule en plusieurs tables-rondes ou en assemblée générale. Aucun exposé magistral n'est prévu, ni même de publication. Les thèmes abordés sont ”la spécificité de la morale évangélique”, ”les fondements de la morale chrétienne”, ”morale chrétienne et universalité”, ”le rôle de l'autorité de l'Église en matière morale” et ”le langage et l'expression de l'Église en matière éthique”.
Le choix de la rubrique reste cependant à nuancer comme indicateur dans la mesure où la charge de l'interview revient au journaliste de l'actualité religieuse, Yves de Gentil-Baichis.
Yves de Gentil-Baichis, ”A quel prix ? A quels risques ?”, La Croix, 12 & 13 mai 1983
Ibid
Jean-Marie Brunot & Olivier Fournaris, ”La science et la foi : deux raisons de vivre ?”, La Croix, 14 mai 1983
Xavier Thévenot, ”Les interventions de l'Église en matière sexuelle”, op. cit., page 102
Cette manifestation s'inscrit dans une suite de colloques ”Rapports de la théologie et du magistère dans la question du pêché originel (1978) ; ”La conjugalité en crise et l'interrogation de la Foi (1980) ; ”Communion, institution, organisation” (1982).