La famille, réceptacle de la morale

Les 21 et 22 janvier 1984, Mgr Jullien préside un colloque à l'Unesco autour du thème ”Famille, avenir de la personne, de l'Église et de la Cité”. La manifestation est à l’instigation des associations familiales catholiques, des équipes Notre-Dame, de l'association ”famille espérance” et de l'hebdomadaire Famille chrétienne. 400 personnes débattent de la famille sous trois angles différents : la famille, lieu d'épanouissement de la personne ; la famille, lieu d'évangélisation et communauté de vie évangélique ; la famille, modèle d'un type de vie sociale. Ce colloque intervient tandis que la famille surgit dans le débat extra ecclésial. La chercheuse Evelyne Sullerot adresse un rapport au conseil économique et social dans lequel elle propose une évaluation du statut matrimonial en France. Largement commenté dans les médias, le rapport n'échappe pas aux publications chrétiennes. Dès le mois de mars, la revue Présence et Dialogue se saisit du document 1397 . Le commentaire est catégorique : l'analyse de la législation consacre le mot de Gide ”famille, je vous hais”.

Le père Jullien présente le rapport d'activité de la commission familiale lors de la réunion du conseil permanent des 10, 11 et 12 décembre 1984. Le président de la commission évoque une pastorale prise en tension entre l'enseignement chrétien contenu dans l'exhortation apostolique de Jean-Paul II de novembre 1981 Familiaris Consortio et les réalités familiales vécues en France 1398 . Mgr Jullien se fonde notamment sur le rapport Sullerot faisant état d'une baisse de la natalité, de diminution des mariages et le développement des divorces 1399 . Ce recul du modèle traditionnel de la famille intervient cependant alors que la famille réapparaît comme valeur refuge chez les jeunes. L'évêque coadjuteur de Rennes insiste sur la nécessité de diffuser des publications à même de conforter les chrétiens dans leurs convictions en matière de sexualité.

L'ouvrage Sexualité et vie chrétienne 1400 et la brochure M. comme Amour 1401 constituent des références en la matière dans la mesure où elles traduisent une réflexion menée conjointement avec les mouvements Mariage et rencontre, Focolari, communautés charismatiques, ATD quart-monde, etc. ”L'évangélisation des familles n'est pas facultative : elle est une des routes privilégiées de la mission”, indique le rapport de la commission 1402 . ”C'est un difficile problème de communication : comment présenter ce message de bonheur et de liberté, alors que les interventions de l'Église sont perçues comme moralisatrices ?”, poursuit-il 1403 . La déclaration ”Vie et mort sur commande”, du 21 novembre 1984, ouvre des perspectives pour définir les contours d'un discours pastoral pertinent.

La commission souhaite, par ailleurs, mieux intégrer les acteurs de la pastorale familiale en France. ”Pour faciliter ce discernement, la commission est en train de constituer un conseil national de pastorale familiale. Il est composé de laïcs, de religieuses, diacres, prêtres, théologiens et évêques”, indique le père Boullet 1404 . Cette coopération doit s'organiser selon le principe d'une ”coresponsabilité différenciée”. Plus de cinquante équipes de délégués régionaux assurent, avec le secrétariat national de l'épiscopat, l'animation de la pastorale familiale au sein des mouvements et des paroisses. Leur tâche consiste, par ailleurs, à coordonner les actions des services et mouvements familiaux. Or, pour le conseil permanent, la résurgence de la problématique familiale appelle une vigilance accrue vis-à-vis des mouvements qui se revendiquent d'un discours d'Église en la matière.

Notes
1397.

Jean-Jacques Latour, ”L'éboulement de la famille, Présence et dialogue, n° 354, mars 1984

1398.

Evelyne Sullerot, Le statut matrimonial et ses conséquences juridiques, fiscales et sociales

1399.

DC, 1889, 3 février 1985, page 197

1400.

Sexualité et vie chrétienne, Paris, Le Centurion, 1981

1401.

Collectif, M. comme Amour, éditions Droguet Ardant, 1984

1402.

Ibid, page 197

1403.

Anonyme, ”10-12 décembre 1984 - Conseil permanent de l'épiscopat français”, Snop, n°567, 19 décembre 1984

1404.

Ibid, page 197