Quels relais pour le discours épiscopal ?

La prétention épiscopale semble d'autant plus fondée qu'elle bénéficie, notamment avec les jésuites, de réflexions ecclésiales régulières sur le sujet 1411 . Ainsi, la revue Etudes convie-t-elle, deux fois pas an, les responsables de l'épiscopat rue du bac, afin de définir les débats prioritaires à traiter. Indépendante de la tutelle épiscopale, la compagnie offre alors ses services à la conférence épiscopale. Les réflexions menées au cours des séminaires, journées de travail, articles et autres publications sont autant de matières premières pour nourrir la réflexion épiscopale.

Le 11 janvier 1985, le centre Sèvres et la revue Etudes organisent un débat sur le thème des ”nouvelles paternités”. Xavier Vespieren, Jean-Marie Moretti, professeur honoraire à la faculté des sciences de Paris, Gérard Cornu, professeur à l'Université de Paris II et le psychanalyste Philippe Julien composent le panel d'intervenants. L'avenir de la paternité et de la maternité à l'aune des défis nouveaux de la biologie est à l'ordre du jour. La place du droit dans le nouveau débat éthique et le jugement moral à porter sur ces défis culturels complètent la réflexion 1412 . Dans la même veine, le Ceras organise une session ”Génétique et société. L'intervention biomédicale dans la procréation et la reproduction humaine”, entre le 28 janvier et le 7 février 1985.

La définition d'une voix catholique dans le débat éthique en France s'appuie nécessairement sur La Croix. La ligne éditoriale du quotidien catholique est largement déterminée par le débat éthique. Le colloque que convoque le gouvernement, en janvier 1985, sur ”Génétique, procréation et droit” provoque La Croix à se positionner. ”Les débats ont manifesté la résolution profonde que peut avoir aujourd'hui une réflexion sur la remise en cause des normes du comportement individuel et social (l'éthique) en face du mouvement des idées lié au progrès scientifique et à la montée des aspirations individuelles (la modernité)”, indique la rédaction le 31 janvier 1413 . Celle-ci prend alors collectivement position dans un long texte en quatrième de couverture. Se référant à Etienne Borne comme à Jean-Marie Domenach, La Croix revendique une voix catholique au chapitre éthique : ”Que parmi d'autres, nos convictions puissent s'exprimer librement, être défendues et, si elles ne sont pas retenues, autoriser le recours à la clause de conscience” 1414 .

Engagé sur la brèche médiatique, l'épiscopat français tente d'initier des espaces de discussions à même d'accueillir des débats autour du magistère moral de l'Église. La prégnance toujours plus aiguë des problématiques bioéthiques rend nécessaire une spécialisation des argumentaires 1415 . Le conseil permanent arrête le principe d'une désignation d'un ”délégué pour les questions morales concernant la vie humaine”. Celui-ci est désigné au mois de mai 1985 pour trois ans. Il s'agit d'un jésuite. Le père Olivier de Dinechin est alors rédacteur en chef des Cahiers d'action religieuse et sociale. Rattaché au secrétariat général de l'épiscopat, il a désormais pour mission de susciter les collaborations appropriées avec l'épiscopat suivant les problèmes posés dans le champ éthique. Son mandat débute, à proprement parler, en janvier 1986.

Notes
1411.

Patrick Vespieren, Face à celui qui meurt. Euthanasie, acharnement thérapeutique, accompagnement, Desclée de Brouwer, Bruxelles, 1984, 205 pages

1412.

Anonyme, ”Nouvelles paternités”, Snop, n°569, 9 janvier 1985

1413.

La Croix, ”L'éthique et la modernité”, La Croix, 31 janvier 1985

1414.

Ibid

1415.

La fécondation in vitro suscite également le débat dans l'Église outre-Rhin. Réunis en assemblée plénière entre le 23 et le 26 septembre 1985, les évêques allemands auditionnent des experts en théologie, en droit de la médecine sur le sujet. La question est cependant si ardue que l'assemblée ne parvient pas à arrêter une position sur le sujet. Gwendoline Jarczyk, ”Un ”oui” difficile à la biologie”, La Croix, 4 octobre 1985