Points d'achoppement du débat autour de la fécondation in vitro

Le 20 mars 1985, est réunie une conférence interministérielle européenne des droits de l'homme. Les techniques de reproduction artificielle sont à l'ordre du jour. A cette occasion, le ministre Robert Badinter lance un pavé dans la mare : ”Les techniques de procréation artificielle ne doivent-elles pas être mises à la disposition de tout être humain, célibataire ou marié, vivant seul ou en couple, réputé libre de son corps et de ses choix ?”. Un mois après, le ministre de la Justice est l'invité de l'émission politique L'Heure de vérité, le 21 avril. Mgr Jullien saisit alors l'occasion de porter la contradiction au ministre en contestant point par point son argumentaire.

Il est ainsi abusif de considérer la fécondation artificielle comme un droit de l'homme. ”L'homme est ici réduit à l'individu, littéralement déconnecté du tissu de relations humaines qui le porte”, écrit l'évêque de Beauvais. La nature sociale de l'homme se noue dans un enchevêtrement de destinés d'individus qui entrent en interdépendance. L'homme se réalise au fil de ses rencontres dans ce qu'elles créent de nouvelles responsabilités. Être de devoirs, l'homme se définit, dès lors, à partir d'une éthique de la responsabilité. Une nouvelle fois, les réflexions d'Evelyne Sullerot sur ”l'éboulement du mariage” nourrisse l'argumentaire épiscopal 1416 . Elles crédibilisent même le magistère papal qui voit dans la famille ”la matrice de la personne et le berceau de la société”. Pour le président de la commission familiale, ”Vie et mort sur commande” a fait la preuve que fonder un jugement éthique sur d'exclusives aspirations techniciennes et logiques du désir conduit à des synergies perverses.

Mgr Derouet ne manque pas de réagir également aux propos du ministre dans son bulletin diocésain. L'évêque de Sées refuse le principe de la fécondation in vitro. Ce refus se fonde sur l'analyse psychologique qui a mis ”en évidence les liens profonds qui rattachent la mère à l'enfant qu'elle porte” 1417 . S'inspirant de diverses prises de positions par des experts du domaine scientifique, l'évêque de Sées conteste le fond de l'intervention ministérielle pour mieux en contester les modalités d'intervention 1418 .

Notes
1416.

Evelyne Sullerot, Pour le meilleur sans le pire, Paris, Fayard, 1984, 257 pages

1417.

Mgr Derouet, ”Questions à un ministre”, Église dans l'Orne, n°8, 19 avril 1985

1418.

Intervention du docteur Aldo Naouri dans le quotidien Le Monde du 2 avril 1985 et de son collègue Koupernik dans le même journal daté du 10 avril.