Donum vitae suscite le débat jusqu'au sein de l'épiscopat. Le point d'achoppement réside dans la condamnation de la fécondation in vitro dans le mariage. Pour sa part, Noël Copin laisse paraître son inquiétude concernant la survie du consensus tissé entre l'Église et les comités d'éthique en place 1466 . Invité de la chaîne d'Antenne 2, le professeur Frydman évoque ”une nouvelle affaire Galilée” à propos d'un texte ”sans concession vis-à-vis des biologistes”, comme le relève Yves de Gentil-Baichis 1467 . Le père Jullien convient de l'écart que produit dans les débats Donum vitae : ”Quand il parle du respect dû à l'embryon, considéré comme être humain déjà, le document est globalement en interférence profonde avec les conclusions déposées par le comité national d'éthique français” 1468 . Pour sa part, le père de Dinechin concède que ”le document romain aborde ce problème non pas sur le plan psychologique mais sur celui des principes” 1469 .
Parmi les premières réactions épiscopales, la Documentation catholique distingue celle de l'évêque de Nantes dans son bulletin diocésain du 28 mars 1470 . Conscient de ces réminiscences traumatiques, Mgr Marcus, président du bureau d'études doctrinales, concède à demi-mot : ”on peut requérir une présentation améliorée des documents du magistère” 1471 . Outre les questions suscitées par la méthode, l'évêque de Nantes tente de réconcilier options pastorale et doctrinale du magistère dans une logique de complémentarité 1472 :
‘L'Église catholique, dans son enseignement n'a qu'une parole mais recourt à plusieurs registres d'expression. Une chose est l'exposé de points de repères adressés aux diocèses du monde entier, une autre la conversation du prêtre avec un couple qui ne parvient pas à avoir d'enfants et qui prend conseil auprès de lui pour éclairer sa recherche.’Mgr Jullien s'applique à disséquer les différents niveaux d'autorité de l'instruction. ”Pour les catholiques, l'instruction a l'autorité de son auteur, modulée différemment selon les problèmes abordés. Ceux-ci, en effet, ne sont pas tous à mettre sur le même pied” 1473 . Reprenant sa démarche systématique d'anthropologie morale, le président de la commission familiale légitime l'interpellation du cardinal Ratzinger en la mettant en système avec les discours du cardinal Lustiger et les interrogations éthiques du professeur Testart.
Les efforts de l'épiscopat français pour développer une véritable pastorale de la santé semblent anéantis. Le dialogue engagé avec les chercheurs et les praticiens faisait des professionnels de la santé, les meilleurs interlocuteurs pour renouer avec le monde intellectuel. Las, Donum vitae réduit à néant les efforts déployés par l'épiscopat français au long de la décennie 1980. A la veille du congrès de la fédération européenne des associations de médecins catholiques (FEAMC), à l'Ascension 1988, les Cahiers tentent d'évaluer les fractures nées dans le monde de la santé 1474 :
‘Sans doute sa démarche principielle, le secret autour de sa préparation, et le manque de dialogue, ont heurté bien des médecins, même catholiques, peu habitués à ces méthodes. On s'est interrogé sur les personnes consultées et sur leur caractère représentatif. La mise en œuvre de mesures disciplinaires dans les maternités catholiques n'a pas arrangé le dialogue.’Noël Copin, ”A la recherche de la sagesse”, La Croix, 11 mars 1987
Yves de Gentil-Baichis, ”Ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain”, La Croix, 11 mars 1987
Yves de Gentil-Baichis, ”Ne pas réduire l'enfant à un objet fabriqué”, La Croix, 11 mars 1987
Albert Longchamp & Roger Tréfeu, ”Des non majuscules et des non minuscules”, Témoignage chrétien, 2228, 23 mars 1987
Mgr Marcus, ”La signification d'un choc”, Église de Nantes, 6, 28 mars 1987
DC, 1936, 19 avril 1987, p. 426
Ibid, p. 426
Mgr Jullien, ”Bioéthique : paradis perdu ?”, La vie diocésaine de Rennes, 25 mars 1987. DC, 1936, 19 avril 1987, p. 430
Pierre de Charentenay, ”L'Église et le monde de la santé”, Cahiers pour croire aujourd'hui, p. 6