Impossible parole collégiale de l'épiscopat français

La remarque intervient judicieusement alors que vient de s'achever à Salamanque un colloque sous le patronage des universités catholiques d'Eichstätt, de Paris, de Saint-Paul-Ottawa, de Salamanque, de Washington et de la Grégorienne sur le statut des conférences épiscopales. L'initiative solitaire père Vilnet en direction de Rome révèle effectivement la difficulté de l'épiscopat français à porter une parole collégiale. De fait, seuls les présidents du conseil permanent ou de la commission épiscopale de la famille semblent être en mesure d'incarner une position de l'épiscopat français. Pourtant, même la tribune du père Jullien dans le Monde du 13 janvier 1988 écarte une telle hypothèse. Celui-ci y concède alors que l'argumentation développée dans Donum vitae n'est ”pas fulgurante”. L'archevêque de Rennes plaide pour un magistère pastoral dans le dialogue avec les chercheurs catholiques 1526 :

‘Avant Donum Vitae, nombre de catholiques, y compris des pasteurs et des théologiens, ne récusaient pas l'IAC. L'Église ayant toujours associé union conjugale et fécondité, le détour médical qui rétablit cette connexion ne paraissait pas condamnable. L'IAC était pratiquée dans quelques cliniques dépendant d'institutions catholiques.
Après la parution de Donum Vitae, on ne pouvait pas faire l'impasse sur les interrogations antérieures. Il fallait bien laisser aux cliniques et aux équipes le temps de mener à terme les grossesses en cours, et de reprendre leurs réflexions à frais nouveaux. Mais des institutions catholiques doivent tendre à la cohérence entre la théorie et la pratique, ou alors, que signifieraient-elles ?
Ce rappel, heurtant des convictions et des pratiques établies, soulève une vive agressivité contre la hiérarchie et on oublie les questions qui se posaient déjà avant Donum Vitae : la logique fabricatrice ne menace-t-elle pas la procréation humaine, même dans l'IAC ? L'irruption d'un laboratoire dans l'intimité conjugale est-elle aussi innocente qu'on prétend ? Dans le domaine du génie nucléaire ou chimique, mieux vaut prévenir que guérir. Pourquoi en serait-il autrement en matière de génie génétique ?’

Alors que paraît l'article de Mgr Jullien, les expériences de procréation médicalement assistée engagées avant Donum vitae arrivent à leur terme. Des bébés éprouvettes ont continué de naître à l'hôpital Saint-Philibert de Lille ainsi qu'à la maternité Notre-Dame-de-Bon-Secours. Précédemment, la clinique catholique d'Angers a obtenu sa première naissance consécutive à une fécondation in vitro le 7 décembre 1987. Mgr Orchampt tente alors de définir une voie moyenne pour tenter de concilier vocations de recherche de l'institut catholique angevin et respect du magistère 1527 . Une naissance du même type intervient à l'hôpital Sainte-Croix de Metz le 29 décembre suivant. Dans ces deux derniers cas, les médecins expriment leur intention de continuer à faire naître des bébés éprouvettes. Les évêques diocésains expriment alors leurs réserves. ”Tout en convenant que l'autorité gestionnaire des établissements a un droit de regard à l'intérieur de ses murs, des médecins contestent son droit à lui imposer, comme on l'a vu à Bon-Secours, des normes, dans la limite bien entendu des règles du droit et de la déontologie qui s'imposent à tous”, relève Le Monde 1528 .

Le bulletin diocésain de Marseille du 15 janvier 1988 propose un entretien avec le père de Dinechin. L'expert reconnaît à Donum vitae des vertus normatives par lesquelles l'Église pose des repères nets au fil d’une claire articulation de principes. Telle présentation ”oblige d'autres qui ne pensent pas comme nous à s'interroger sur leurs raisons profondes” 1529 . L'intransigeantisme des autorités ecclésiales permet alors d'insérer l'Église dans les débats tout en sachant que ”dire quelque chose dans un débat qui se situe au plan des idées, des grandes orientations que peut prendre une culture est une autre chose que le dialogue personnel avec des couples concernés” insiste-t-il en dernière instance 1530 .

Notes
1526.

Mgr Jullien, ”Cohérence et incohérence”, Le Monde, 13 janvier 1988

1527.

Yves de Gentil-Baichis, ”Mes questions de Mgr Orchampt”, La Croix, 23 décembre 1987

1528.

Henri Tincq & Nouchi Franck, ”Le divorce des médecins catholiques”, Le Monde, 13 janvier 1988

1529.

Mgr Herriot, ” Respect de la dignité humaine”, Bulletin diocésain de Verdun, 15 janvier 1988.

1530.

Ibid