Le code de droit canon pour loi-cadre

”Le juriste attend un texte dont il devrait tirer le meilleur parti, car le code actuel ne donne pas de définition” 1541 . Ces mots sont ceux du père Valdrini, doyen de la faculté de droit canonique à l'institut catholique de Paris. Celui-ci s'interroge sur la place des laïcs dans les lois de l'Église cinq mois avant que ne se tienne le synode romain sur les laïcs. La réflexion est révélatrice d'une tendance lourde qui s'installe dans le gouvernement de l'Église au long des années 1980. La promulgation du code de droit canon en novembre 1983 tend en effet à rendre de plus en plus prégnante la problématique juridique. Au fil des années et tandis que se multiplient les synodes diocésains, l'épiscopat découvre diverses vertus au nouveau code de droit canon.

A la veille de sa promulgation, La Croix interrogeait les doyens des facultés de droit canonique de Paris et Toulouse. Ces derniers y voyaient une réponse claire à la ”nécessité de références claires et valables pour tous”. Le code intervenait comme le ”dernier document conciliaire”. Il aurait la vertu de satisfaire au ” besoin d'y voir plus clair dans l'identité de l'Église” dans une meilleure connaissance du fonctionnement de l'Église. Les risques de dérives n'étaient cependant pas exclus. ”Une certaine conception du droit dans l'Église, une certaine façon d'y faire appel ou de l'appliquer risquent d'accentuer la coupure de l'Église d'avec le monde. Le mépriser ou le sous-estimer la conduirait sur des chemins où elle perdrait vite sa propre réalité” 1542 . La controverse devait rebondir dans le débat entre les revues Concilium et Communio 1543 . Il n'en demeure pas moins que les évêques français trouvent dans les canons 460-467 du code de droit canon un outil de pastorale déterminant pour encadrer et asseoir l'exercice de leur magistère.

Il est ainsi révélateur que l'institut catholique de Paris accueille, les 30 novembre et 1er décembre 1988, une session consacrée à l'échange des expériences synodales qui touchent alors un diocèse français sur quatre. A cette occasion, le père Jean Passicos insiste sur le caractère solennel du rassemblement de la communauté diocésaine que constitue un synode. Les 250 participants à la session trouvent alors auprès du père Patrick Valdrini, doyen de la faculté de droit canonique des éléments de réflexion sur les latitudes législatives dont ils disposent avec le code de droit canonique qui ne donne qu'une loi-cadre en matière synodale 1544 .

Reste que la teneur de certains rassemblements diocésains doivent nous laisser prudents sur une interprétation trop juridique du phénomène synodal 1545 . Ainsi le père Pierre Tinot, chargé d'information dans le diocèse d'Angers présente-t-il la réunion des 80 mouvements et groupes du diocèse les 5 et 6 novembre 1988 en ces termes : ”Il est bon que les gens découvrent de façon paisible la manière dont les uns et les autres s'accrochent à leur mission, sans qu'il faille à tout prix légiférer” 1546 . Le thème de la rencontre n'en est pas moins décisif en termes institutionnels : ”Vocation et mission des laïcs dans l'Église”.

Notes
1541.

Bernard Le Léannec, ”Les droits et les devoirs acquis par le baptême”, La Croix, 22 mai 1987

1542.

Jean Passicos & Antonin Therme, ”Une chance pour l'Église”, La Croix, 24 novembre 1983

1543.

Olivier Boulnois & Christophe Boureux, ”Les débats ne sont pas clos !”, Croire aujourd'hui, 145-146, décembre 2002

1544.

Bernard Le Léannec, ”Les synodes font école”, La Croix, 10 décembre 1988

1545.

”Un diocèse, ce ne sont pas seulement des limites géographiques ou même canoniques, mais un esprit commun : une foi partagée, un dynamisme missionnaire encouragé, des lieux multiples entre chrétiens, qu'ils soient engagés dans des services d'Église, dans la prière commune ou qu'ils restent encore sur le seuil de leur paroisse”, écrit Mgr Favreau dans son ”petit livre violet” adressé en février à ses diocésains en bilan de trois ans de visites pastorales. Dominique Quinio, ”Le ”petit livre violet” de Mgr Favreau”, La Croix, 12 février 1988

1546.

Louis de Courcy, ”Bientôt la fête du dialogue”, La Croix, 3 novembre 1988