Intervenant comme expert théologien au synode de Nancy, le père Passicos rappelle que le synode est plus qu'un lieu de réflexion. Il est également une assemblée de décision et de gouvernement. Mgr Bernard n'élude cependant que le pouvoir de l'assemblée synodale reste encadré. Même si l'évêque prend cependant l'engagement de présenter au conseil permanent l'ensemble des points doctrinaux discutés par les délégués du synode, l'assemblée n'est pas souveraine pour décider de l'ordination de femmes ni de celle d'hommes mariés. Reste, pour Gaston Piétri, que les convocations de synodes diocésains sur des périodes quasi uniformes en France de deux à trois ans, ne sont pas sans risque. ”Je pense qu'il est bon que les synodes soient l'occasion d'une mobilisation diocésaine et cependant on risquerait une usure de l'institution synodale si les conclusions s'avéraient trop anodines par rapport à l'importance du parcours” 1576 . Le secrétaire général adjoint de l'épiscopat exprime alors son souci de voir les médiations entre les évêques et les diocésains assurées par les délégués synodaux élus.
Dans Le Monde, Henri Tincq estime que l'élargissement de la démarche synodale aux laïcs induit une mutation sensible dans la définition des contours de l'autorité épiscopale dans ce que ”les synodes diocésains (…) permettent à [l'Église] de repenser, voire de réinventer, sa pratique institutionnelle dans la société” 1577 . Sur ce point, l'épiscopat français a révélé une diversité d'appréciations. Pour Mgr Matagrin, ”On ne peut rendre compte de la science politique. Dans l'Église, on peut emprunter des éléments à ce qui se vit dans la société civile, ainsi l'organisation de l'Église a-t-elle été fortement influencée par le modèle monarchique, même on peut aussi introduire des éléments de la démocratie, sans nuire en rien à l'authenticité de l'Église” 1578 . Pour Mgr Coffy, la distinction entre Église et démocratie apparaît plus saillante 1579 :
‘L'Église n'est pas démocratique. En démocratie, c'est le peuple qui donne ses chefs et les récuse par vote. Une Église particulière reçoit son pasteur, et il est ordonné pour cela. En démocratie, la majorité fait la vérité. Dans l'Église, du père au petit enfant, nous sommes tous soumis à la vérité que nous accueillons. Il n'en demeure pas moins que le synode, dans son premier temps est la parole donnée aux chrétiens.’La première assemblée synodale du diocèse Sens-Auxerre organisée le 23 octobre 1988 donne lieu à des débats particulièrement serrés sur la dimension démocratique ou non à donner au processus synodal. La commission ”média” du synode organise alors un débat sur ”la démocratie dans l'Église”. Pour Louis de Courcy, le sujet est ”piégé, si l'on songe que l'Église n'a jamais fonctionné sur le mode démocratique, système concernant d'abord la société civile” 1580 . Reste qu'à défaut d'être institutionnalisée, la démocratie peut se vivre sur le mode de la liberté d'expression ainsi qu'en atteste l'âpreté des débats entre les vingt participants à la réunion auxerroise. La Croix rapporte ainsi les paroles d'une laïque instituée dans l'aumônerie de Joigny : ”Nous, l'obéissance, on s'en fout. Que vous jouiez à ça, c'est votre problème. Mais moi, je n'entre pas dans ce jeu. Nous, laïcs, on est là pour bosser dans vos structures. Et en plus, on doit trouver ça drôle ! Or, on le fait parce qu'on croit en Dieu. Je fais avec. Mais ce sont vos trucs à vous !”, rappelle l'intervenante 1581 .
Reste qu'à la veille du synode de Bayonne, Mgr Molères rappelle que ”liberté d'expression ne veut pas dire manipulation politicienne, encore moins rivalités de partis”. ”Il y aura toujours des tensions mais il nous faudra arriver à des plates-formes de consensus”, poursuit-il 1582 . Dans un article à La Vie Mgr Fihey, président de la commission épiscopale de l'opinion publique, identifie les synodes comme une ”consultation démocratique, une tentative de donner à chacun la possibilité de se faire entendre” 1583 . Invité à réagir au courrier des lecteurs de l'hebdomadaire chrétien, le père Fihey déplore pourtant la récurrence des thématiques agitant l'Église de France post conciliaire 1584 :
‘Les questions soulevées sont bien celles que me posent chaque jour jeunes ou adultes. Lorsque que je pars pour y répondre, je connais par avance au moins 80% des thèmes abordés : les divorcés remariés, les femmes dans l'Église, les prêtres et le mariage, l'attitude moralisante de l'Église, sa richesse, son point de vue sur la biologie, la morale familiale, la liturgie trop figée, les paroisses peu accueillantes, la place des laïcs, le coup de frein au Concile…Comme pour illustrer le propos du père Fihey, le collectif Droits et libertés dans les Églises organise un colloque les 20 et 21 janvier 1990. Marie-Jo Hazard y défend les synodes diocésains comme ”un élément d'une certaine démocratie dans l'Église” : ” il ne faut pas dire que grâce aux synodes, tout est gagné, mais il ne faut pas dire non plus que c'est de la poudre aux yeux” 1585 . L'analogie démocratique a cependant ses limites. Il n'est que de voir la relative confidentialité de l'assemblée devant laquelle de tels propos sont tenus. Pour la plupart membres de collectifs tels que Femmes et hommes dans l'Église, Collectif pour une Église du peuple, Comité des chrétiens pour une Église dégagée de l'école confessionnelle, David et Jonathan, les 200 participants au colloque appartiennent à la génération vieillissante de 1968. S'illustre alors la difficulté pour les évêques à opérer la jonction entre dynamique synodale et déclin du modèle militant.
Dominique Quinio & Louis de Courcy, ”Comment faire nôtres les décisions ?”, La Croix, 27 & 28 décembre 1987
Henri Tincq, ”Trois synodes diocésains au Mans, à Angoulême, à Perpignan L'Église catholique à l'épreuve de la démocratie”, Le Monde, 24 mai 1988
Marie-Jo Hazard, ”Voyage dans la France des synodes”, op. cit.
Ibid
Louis de Courcy, ”L'Église contre la longue de bois”, La Croix, 8 octobre 1988
Ibid
Florence Sturm, ”Synode pour un diocèse contrasté à Bayonne”, La Croix, 31 janvier 1990
Mgr Fihey, ”Tant de raisons d'espérer !”, La Vie, 31 mai 1990
Ibid
Anne Ponce, ”L'Église au risque de la démocratie”, La Croix, 23 janvier 1990