L’action catholique n’est pas morte

Les 28 et 29 mars 1988, l'action catholique spécialisée et le secrétariat de l'épiscopat organisent un colloque à l'institut catholique de Paris sur le thème ”l'action catholique aujourd'hui ?”. Près de soixante-dix théologiens sont associés à la réflexion de représentants de dix mouvements d'action catholique spécialisée tels que ACE, ACI, ACO, CMR, JIC, JICF, JOC, JOCF, MRJC et le Nid. ”Il leur faudra sans doute répondre sur la pertinence de leur spécialisation” en milieux relève Dominique Quinio. Par ailleurs, la journaliste de La Croix suggère une piste de réflexion pour les débats à venir : ” Peut-être auront-ils aussi à se montrer davantage présents, eux qui disent prendre en compte la totalité de l'homme, sur les questions de la famille et de la morale personnelle” 1603 .

Ancien militant puis aumônier de la JEC, le théologien Joseph Doré, directeur de l'UER de théologie et de sciences religieuses de l'institut catholique de Paris, voit dans le colloque l'opportunité de rappeler deux intuitions cardinales de l'action catholique. ”Les mouvements d'action catholique insistent sur le fait que la foi doit être vécue, qu'elle doit s'incarner dans des milieux de vie”. Par ailleurs, ils conçoivent ”la mission comme un dialogue”. Cette double intuition constitue la meilleure chance pour l'Église de rejoindre des lieux qui lui sont inconnus. Il n'en demeure pas moins que ces vertus d'action catholique ne peuvent ignorer ”la mentalité actuelle des catholiques” selon les propres mots du père Doré 1604 . :

‘Aussi me semble-t-il important, et là je rejoins certains projets actuels, que l'action catholique soit plus attentive à l'étude de la parole de Dieu, à la formation doctrinale et à la pratique religieuse. Peut-être a-t-on considéré que ces points allaient de soi.’

Tandis que 150 personnes participent au colloque, Monique Hébrard veut croire dans La Croix que ”l'action catholique n'est pas morte contrairement à ce que certains semblent souhaiter” 1605 . Il n'en demeure pas moins que ”les sacro-saints ”milieux”, même s'ils existent, ont du flou dans leurs contours et tous sont traversés par les mêmes grands problèmes : individualisme, crise du couple, précarité” 1606 . Face à ces défis, l'action catholique demeure une instance de réflexion, de médiation humaine et de solidarité. Yves de Gentil-Baichis insiste sur la place faite à l'intelligence dans les mouvements. ”Ce recours aux théologiens est méritoire. Il veut dire que les mouvements d'action catholique acceptent les médiations intellectuelles. Pour exprimer leurs intuitions, ils ne prennent pas ces raccourcis fréquents aujourd'hui chez certains chrétiens pour qui tout est simple à ceux qui ont la foi et qui répondent par des citations pieuses à des situations complexes posées par la société contemporaine” 1607 . Reste aux mouvements à affiner leur outillage intellectuel pour ne pas gâcher cette propension à porter la foi dans le domaine de l'intelligence. ”Les théologiens présents auraient pu aborder moins timidement certaines questions : abus d'un discours militant trop abstrait ; le maintien d'une division de l'action catholique en milieux spécialisés ; sa place exacte dans l'Église; ses rapports avec l'épiscopat et sa ”visibilité” dans la société”, regrette pour sa part Le Monde au bilan du colloque 1608 .

Dans la foulée du colloque parisien et après la tenue de 19 réunions régionales, l'ACO se réunit les 16 et 17 avril 1988 à la Mutualité pour une session nationale de ”recherche et de confrontation” sur la question du partage de la foi. Dans La Croix, Louis de Courcy résume la problématique du mouvement en trois questions : ”Est-ce un risque de perte d'identité ou une chance que d'évoluer avec la classe ouvrière et la vie militante ? Développer l'ACO, est-ce limiter les initiatives ou, au contraire, est-ce inviter à manifester la gratuité de l'amour de Dieu ? Quelles sont les conditions du dialogue dans ce qu'on appelle à l'ACO ”les partages de foi ?” ” 1609 . Intervenant à la tribune, Mgr Deroubaix n'élude pas la question concernant la place du mouvement dans l'Église. ”Il est important de ne pas être fidèle à l'Église telle qu'elle est, mais il faut être fidèle à l'Église telle que Jésus-Christ veut qu'elle soit. Donc, faites la avancer”, indique-t-il à l'adresse de Marie-Jo Terra, nouvelle secrétaire générale du mouvement 1610 .

Notes
1603.

Dominique Quinio, ”Action catholique - théologiens : le jeu des questions réponses”, La Croix¸26 mars 1988

1604.

Yves de Gentil-Baichis, ”Certaines intuitions de l'action catholique ont de l'avenir”, La Croix, 26 mars 1988. Après dix ans d'existence, la revue Prier est un succès. Celle-ci tire à 84 200 exemplaires. La Croix, 30 mars 1988

1605.

Monique Hébrard, ”L'action catholique cherche son second souffle”, La Croix, 30 mars 1988

1606.

Ibid

1607.

Yves de Gentil-Baichis, ”Il fallait oser”, La Croix, 31 mars 1988

1608.

Henri Tincq, ”Neuf mouvements affrontés à la crise du militantisme. Des théologiens au chevet de l'Action catholique”, Le Monde, 31 mars 1988

1609.

Louis de Courcy, ”Osons partager notre foi au milieu du monde ouvrier”, La Croix, 16 avril 1988

1610.

Louis de Courcy, ”Un mouvement en mouvement”, La Croix, 19 avril 1988