Du père Decourtray au père Duval, l’épiscopat tire sa révérence

Dès le début de l'assemblée 1990, le président crée la surprise. Il ne sollicitera pas de nouveau mandat de l'assemblée plénière 1798 . Le binôme Decourtray-Duval n'aura finalement été qu'éphémère. Tandis que la présidence se noie dans les affres médiatiques, le père Duval fournit un travail de dossier déterminant pour la bonne marche de l'Église de France. Ainsi parvient-il, en dépit de la crise, à obtenir de larges majorités pour l'adoption de documents comme celui de la solidarité présenté à Lourdes en 1988 (100 oui contre 6 non). Le forfait du père Decourtray acquis, l'assemblée désigne sans état d'âme son successeur en la personne du père Duval. La rigueur et l'opiniâtreté sont consacrées. ”Je pense que ces raisons ont joué en faveur de mon élection. Comme elles avaient d'ailleurs pesé dans mon élection à la vice-présidence”, confie à La Croix le nouveau président 1799 .

”De son passage à la tête de l'Église de France, Mgr Decourtray, grand amateur de médias, laissera l'image du prélat ”des petites phrases”. Son successeur depuis hier, Mgr Joseph Duval, archevêque de Rouen, homme de dossier autant connu pour sa compétence que pour sa froideur, si l'on en croit l'expérience de sa muette vice-présidence de la conférence épiscopale, inaugurera sans doute la ”politique des longs silences” ”, commente Libération 1800 . Pour le quotidien de Serge July, il ne fait aucun doute que ”les évêques se retirent à pas feutrés” 1801  :

‘”Le temps des grands textes est bien fini, soupire sotto voce, un évêque, maintenant on se préoccupe des problèmes de boutique” Il fut une époque, effectivement, au début des années 1980, où de la conférence (sic) épiscopale annuelle de Lourdes sortaient toujours quelques interpellations musclées au monde. […] La démission de l'archevêque de Lyon et l'élection au début de cette assemblée du très peu disert Mgr Duval viennent définitivement ouvrir les années de la discrétion.’

Après trois ans passés à la vice-présidence, le nouveau président n'a, en effet, pas à faire la preuve de sa discrétion. Son vice-président, Mgr Marcus, est un sulpicien. Evêque de Nantes depuis 1982, le père Marcus a été auxiliaire de Mgr Marty à Paris. Ancien professeur aux séminaires de la Mission de France, d'Issy-les-Moulineaux ou des Carmes, il offre le profil d'un ”homme rompu à la réflexion théologique et à la formation des jeunes” 1802 . Auteur du rapport sur les mouvements charismatiques présenté à Lourdes en 1982, il participait jusqu'alors aux travaux de la commission épiscopale du clergé et des séminaires. Membre de la congrégation romaine pour la doctrine de la foi, Mgr Marcus offre des garanties pour mener un dialogue serein avec Rome. De fait, le duo qui succède à Mgr Decourtray à la tête de l'épiscopat marque un vote de prudence de l'épiscopat.

Ainsi, le nouveau président ne manque-t-il pas de se démarquer de son prédécesseur. ”L'expérience de ces dernières années m'invite à une certaine prudence. Prudence pour éviter les petites phrases qui peuvent être mal interprétées” 1803 . Dans La Croix, Bruno Chenu dissimule mal son soulagement de voir l'archevêque de Rouen remplacer le père Decourtray . Reste que le président sortant laisse une conférence épiscopale exsangue. Le quotidien catholique refuse de s'engager explicitement dans la controverse sur le statut théologique et juridique des conférences épiscopales, reste que l'avenir de la structure française n'est pas sans inquiéter 1804 .

Notes
1798.

Tandis que le père Decourtray renonce à un second mandat de président, l'ironie du sort veut que ce soit son prédécesseur qui introduise les travaux de l'assemblée aux côtés de Mgr Honoré, sur ”l'Église communion missionnaire”. Yves de Gentil-Baichis, ”Comment vivre le concile ?”, La Croix, 9 novembre 1990

1799.

Yves de Gentil-Baichis & Bertrand Révillion, ”Pour une Église qui aime le monde”, La Croix, 10 novembre 1990

1800.

François Reynaert, ”Mgr Duval succède à Mgr Decourtray”, Libération, 9 novembre 1990

1801.

François Reynaert, ”Lourdes : les évêques se retirent à pas feutrés”, Libération, 12 novembre 1990

1802.

Christine Jaulmes & Michel Kubler, ”Mgr Marcus, un théologien à la vice-présidence”, La Croix, 9 novembre 1990

1803.

Yves de Gentil-Baichis & Bertrand Révillion, ”Pour une Église qui aime le monde”, La Croix, 10 novembre 1990

1804.

Bruno Chenu stigmatise la trop grande importance accordée aux régions apostoliques. ”Que reste-t-il alors comme mission à la conférence épiscopale ? Est-elle aujourd'hui condamnée à la portion congrue ?” s'interroge-t-il. L'éditorialiste esquisse alors trois pistes de réflexion pour parer à l'étiolement de la structure nationale de l'Église. Celle-ci pourrait prendre en charge un rôle de coordination, une autre qui consisterait en l'approfondissement de la recherche théologique ”mobilisant au-delà des évêques toutes les institutions théologiques du pays”. Enfin, la conférence épiscopale ne doit pas renoncer à s'exprimer sur les problèmes internationaux. Bruno Chenu, ”Tâches d'une conférence épiscopale”, La Croix, 15 novembre 1990