Le mouvement de Cologne s'adresse directement au Pape et à la curie. Les autorités épiscopales sont court-circuitées. Le Vatican réagit promptement dans les colonnes de l’Osservatore Romano. Le 16 février 1989, un article signé de trois astérisques borne les limites du dialogue. Un article du moraliste Bernhard Haering sur Humanae vitae et la contestation de théologiens est particulièrement stigmatisé. ”On ne peut interpréter correctement le magistère de l'Église en recourant aux mêmes critères qui sont employés pour les sciences humaines et en recourant au seul critère socioculturel de l'adhésion plus ou moins forte à ce magistère” 1856 .
Le 1er mars 1989 Jean-Paul II met en place un ”serment de fidélité” comportant la promesse d'une parfaite ”obéissance de la volonté et de l'intelligence” aux enseignements du ”magistère”. La presse française a connaissance de la mesure au mois d'avril. Henri Guillemin s'émeut du procédé dans Le Monde diplomatique. ”Ce serment désormais exigé de tous ”curés, diacres, recteurs et professeurs de théologie et de philosophie dans les séminaires et les universités catholiques”. Ce ”serment” là, inédit, impérieux, rappelle douloureusement les temps sinistres de 1907-1910, du ”serment antimoderniste” et de la condamnation du Sillon” 1857 . Pour le canoniste Jean Passicos l’adoption d’un tel texte n’est pas une mesure conjoncturelle mais clôt une réflexion initié dès le concile Vatican II 1858 .
A Rome, le cardinal Ratzinger incarne la fermeté devant les 36 évêques américains venus discuter de ”l'évangélisation dans le contexte de la culture et de la société des Etats-Unis”. Le 9 mars, le préfet de la congrégation romaine pour la doctrine de la foi regrette que les évêques américains soient réduits au rôle ”d'administrateurs spirituels”. Sorties du contexte académique, les ”théories” des théologiens sont dénoncées comme ”instruments de pression sur les évêques”. Ces derniers sont accusés de s'être ”amplement adaptés à ce modèle, en défendant mal leur autorité face aux théologiens” 1859 . Les évêques sont fermement priés de se ”réapproprier leur rôle de maîtres de doctrine” 1860 .
Anonyme, ”La norme morale d'Humanae vitae et la tâche pastorale”, Osservatore Romano, 16 février 1989. DC, 1979, 5 mars 1989, p. 247
Henri Guillemin, ”Refus du dialogue et mises au pas. Le Vatican impose son ordre”, Le Monde Diplomatique, mai 1989
Louis de Courcy, ”Les raisons d'un serment”, La Croix, 15 avril 1989
Georges Mattia, ”Le cardinal Ratzinger met les théologiens en cause”, La Croix, 11 mars 1989
”Un peu partout dans le monde, les théologiens se sont substitués aux évêques en tant que maîtres de doctrine, engendrant insécurité croissante et confusion parmi les fidèles. [...] C'est la question la plus épineuse, a-t-il ajouté devant l'épiscopat américain. Les théologiens ont aujourd'hui une influence non seulement dans le domaine de la recherche scientifique et de l'enseignement universitaire, mais, grâce aux médias, ils mettent leurs débats sur la place publique. C'est un véritable concert souvent dissonant, au point que leurs voix étouffent celles des évêques”, poursuit le Préfet pour la doctrine de la foi. Anonyme, ”Répondant à des contestataires Le cardinal Ratzinger dénonce le "concert dissonant" des théologiens”, Le Monde, 11 mars 1989