Quelle intelligence catholique du bicentenaire de la Révolution française ?

L'événement commémoratif est l'occasion de faire retour sur une histoire conflictuelle autour de la liberté, de la laïcité et des droits de l'homme Où en sont les chrétiens par rapport à l'héritage de la Révolution française ? Défendent-ils aujourd'hui des idées que leurs pères ont combattues au siècle dernier ?”. Telles sont les questions adressées aux 80 participants de la session qu'organisent à Chevilly-Larue, dans le cadre du Ceras, les jésuites Jean Weydert et Christian Mellon 1955 entre le 26 janvier et le 4 février 1988 1956 . Paul Valadier, Olivier Mongin, René Rémond, Alain Touraine, Antoine Prost, Georges Lavau se succèdent à la tribune pour composer un tableau contrasté des rapports qu'entretient l'Église avec l'héritage révolutionnaire. Cheville ouvrière de la rencontre, le père Jean Weydert tente de dégager des points de rencontre entre mémoires laïque et cléricale.

L’Église de France doit repenser le mouvement de la sécularisation. Or, Pierre Pierrard est inquiet ”car un siècle et demi de lecture contre-révolutionnaire des années 1789-1799 ne prédispose pas [l’Église] naturellement à une approche objective” 1957 . Pour sa part, Gaston Piétri profite du débat initié par La nouvelle France d'Emmanuel Todd 1958 pour ressaisir la problématique : ”après avoir noté ”l'hostilité fondamentale de la Révolution française au phénomène religieux”, Emmanuel Todd en vient à ”se demander si la Révolution, elle-même, antireligieuse mais qui s'épanouit dans un espace antérieurement dominé par le catholicisme ne reprend pas à son compte une partie de l'héritage chrétien”. Cet héritage se résume dans ”l'idée de l'homme universel””, relève le directeur de l'institut pastoral d'études religieuses de Lyon 1959 . Après une année 1988 difficile, l’Église de Franc doit saisir l’occasion du bicentenaire de la Révolution pour que ”la foi et la raison puissent demain restaurer ensemble la valeur universelle de l'homme” 1960 .

Pour l'évêque de Rennes 1961 , il ne faut verser ”ni dans l'encensement candide de la période révolutionnaire ni dans l'exécration” 1962 . Et le père Jullien d'élargir la problématique à l'universel et au christianisme 1963 :

‘La liberté, l'égalité et la fraternité ont encore du chemin à faire chez nous pour se traduire en réalités économiques, sociales, culturelles et religieuses. Et, puisqu'il s'agit d'une déclaration universelle, que de chemin à faire pour que tous les hommes du monde la vivent ! La Révolution, cette révolution qui s'incarne dans des structures sociales et politiques vivifiées par un élan spirituel, elle est encore à faire.’

C’est dans ce contexte que l’assemblée plénière adopte un texte nuancé en octobre 1988 sur la commémoration. ”Ne pas canoniser la Révolution, ni la mépriser. Le texte y parvient assez bien”, juge Yves de Gentil-Baichis 1964 . Charge aux évêques à se positionner individuellement vis-à-vis des manifestations organisées dans leurs diocèses 1965 :

‘Par la prière, nous nous garderons de tout ressentiment, nous demanderons la grâce du pardon mutuel, confiant à Dieu tous les acteurs de cette histoire. Nous demanderons que leur soit accordé le meilleur de ce qu'ils recherchaient au milieu des tumultes de leurs temps et que, s'il y a lieu, leurs soient pardonnés défaillances, fautes, crimes. Nous sommes les disciples du Christ qui a prié pour ses apôtres et pour ses bourreaux ; nous ne pouvons devant Dieu faire mémoire de cette période en rejetant qui que ce soit.’

Président de la mission du bicentenaire, Jean-Noël Jeanneney regrette la ”grande prudence” de l'épiscopat. L’historien intervient au final d’un colloque de l'institut catholique de Paris sur le thème de l'héritage révolutionnaire dans l'Église les 9, 10 et 11 mars 1989 1966 . Quatre jours après, le conseil permanent de l'épiscopat annonce la tenue d'une messe le 20 juin 1967 pour marquer l'anniversaire de la Révolution. Reste le flou sur l’esprit dans lequel elle doit se tenir 1968 . Par la suite, le président de la conférence épiscopale multiplie les précautions oratoires pour évoquer le sujet : ”la vérité nous oblige à dire qu'au nom de la justice la Révolution a commis des injustices. Au nom de la liberté, elle a commis des crimes” 1969 . L'idolâtrie républicaine et rationaliste est alors pointée du doigt. Pour Mgr Decourtray, cette dérive révolutionnaire s'enracine dans la rupture que constitue la mise en place de la constitution civile du clergé 1970 .

A cet instant, l'épiscopat reste indécis quant à l’attitude à adopter vis-à-vis de l’hommage que la République rend à l'abbé Grégoire 1971 . Dans La Croix Jean Toulat encourage l’épiscopat à adhérer à la position que Mgr Herbulot défend dans la revue Différences de mars 1989 1972 : ”on lui reproche d'être régicide (en fait, il n'a pas voté la mort du roi) et d'avoir été un prêtre constitutionnel. L'essentiel c'est qu'il ait été fidèle à la plus haute des constitutions : le sermon sur la montagne” 1973 .

Le 20 juin, la messe organisée à Notre-Dame de Paris est dédiée à ”la France, la justice et la paix”. Un peu moins de 2 000 personnes participent à cette célébration présidée par Mgr Decourtray et concélébrée par quarante-cinq autres évêques 1974 . ”Rien ne laissait alors prévoir la constitution civile du clergé, l'abolition violente de la monarchie, les persécutions, les exécutions, le culte de la déesse Raison et les horreurs qui devaient assombrir l'avenir”, indique le président de la conférence épiscopale au fil de son homélie qui n’utilise qu’à une seule reprise le terme ”Révolution”. L'archevêque de Lyon propose ”une longue méditation sur la place des chrétiens dans la vie publique, appelés à être de bons citoyens, aimant leur patrie, mais ”à ne jamais se laisser asservir par le pouvoir en place ou conduire par les idéologies en vogue””, relève Le Monde 1975 .

Tandis que le cardinal Decourtray tente de distinguer les débuts de la Révolution et ”toutes les horreurs qui devaient assombrir l'avenir”, le président de la République saisit la Révolution comme un tout dans son discours prononcé le même jour dans la salle du jeu de Paume : ”Nous n'avons pas à gommer les aspérités, à retrancher ce qui pourrait nous déplaire, à ne retenir que ce qui nous convient, nous n'aurions rien à y gagner”.

A Notre-Dame, le cardinal Lustiger précise, ”nous sommes ici non pour commémorer mais pour remémorer”. Le terme ”commémorer” initialement prévu dans l'homélie du père Decourtray a été remplacé in extremis par ”remémorer”. De telles précautions lexicales de l'épiscopat laissent La Croix dubitatif : ”Le président de la conférence épiscopale a aussi parlé de ”commémoraison”. Un mot que le Petit Robert définit comme la ”mention que l'Église catholique fait d'un saint le jour de sa fête lorsque celle-ci est mise en concurrence avec une fête plus importante” (?)” 1976 .

Dans le Monde, Paul Valadier reprend le document de l’assemblée plénière. Il insiste sur les motivations initiales de cette messe du 20 juin : ”commémorer ces journées où, par ses représentants, dont un grand nombre appartenant au clergé, un peuple exprimait son consentement à vivre ensemble en se donnant comme objectif particulier le respect de l'homme” 1977 . Entre temps, Mgr Lustiger a précisé dans Paris-Notre-Dame que cette messe serait dite ”aux intentions de la France” et ”pour la justice et la paix” 1978 . Il s’agit désormais de ”commémorer dans la prière les deux derniers siècles de notre histoire”. Pour Paul Valadier, l’écart avec la déclaration d’octobre 1988 est sensible 1979 :

‘Entre les deux perspectives, il y a plus que des nuances : dans un cas, on accepte de commémorer la naissance d'une société démocratique et de rendre hommage à ses principes fondamentaux ; dans l'autre, on écarte dans une prière pour la patrie et son histoire récente la référence à l'événement et à sa signification politique fondamentale.’

Relevant les ”tergiversations romaines” dans la gestion du schisme intégriste, ”on voit bien que la hiérarchie veut éviter de donner prise au martèlement de la dénonciation calomnieuse ou à l'objection d'un ralliement sans conditions aux idées modernes”, indique l'ancien directeur des Etudes 1980 . Or, le bicentenaire de la Révolution est une occasion pour l’Église de dépasser sa traditionnelle opposition à la modernité.

Paul Valadier invite les évêques à reconnaître leur dette démocratique vis-à-vis de la Révolution et souhaite que ”l'autorité dans l'Église joue un rôle éducateur de réhabilitation positive de tous les fils de l'Église emportés par la tourmente révolutionnaire” 1981  :

‘Ce serait hauteur de vues que d'affirmer nettement que des hommes comme Mgr Grégoire, cohérent jusqu'au bout avec ses engagements politiques comme avec sa mission d'évêque et sa foi catholique, n'ont pas été infidèles à l'Église. Lui – mais ce n'est que le témoin connu d'une foule d'autres catholiques anonymes – a voulu inventer une autre relation de l'Église à la société. Lui, comme beaucoup d'autres, souhaitait une Église plus pauvre, plus libre envers les despotismes, et par-là il ouvrait à une réforme que beaucoup, dans le cours du dix-huitième siècle, considéraient comme nécessaire et urgente.’

L'évêque de Poitiers profite de sa chronique régulière à La Croix pour proposer une approche critique de la commémoration. Et d’évoquer les déclarations de Margaret Thatcher concernant la ”tradition judéo-chrétienne” des droits de l'homme proclamant ”l'importance de l'individu et le caractère sacré de la personne humaine et de certains droits de l'individu qu'aucun gouvernement ne peut retirer”. Pour Mgr Rozier, ”le pragmatisme anglo-saxon est peut-être plus apte à faire ce discernement que notre esprit cartésien” selon lequel ”les valeurs de 1789 viennent de pus loin que de 1789. Et (qui) vont bien plus loin que 1989”. Ainsi, insiste-t-il sur la préexistence des principes par rapport à la rédaction de la déclaration des droits de l'homme qui a le statut pour lui de ”mythe fondateur”. Le père Rozier n'en récuse pas moins l'idée d'une ”année zéro” de l'histoire de France 1982 :

‘Considérer la Révolution française comme un commencement absolu, un symbole unique des valeurs qui s'y attachent, c'est prendre le risque d'un point de vue réducteur et d'un esprit nationaliste qui fait mentir la prétention à l'universalité qu'on veut reconnaître à cet événement.’

L’évêque de Poitiers anticipe sur les débats du colloque international que la fédération internationale des universités catholiques et l'université catholique de Lyon consacre à ”la culture chrétienne devant les droits humains” en septembre 1983 . Le document final de cette manifestation indique que ”la foi chrétienne est une source première pour la reconnaissance des droits humains parce que tous les hommes et les femmes ont été créés, rachetés et sanctifiés par Dieu le Père, Fils et Saint Esprit” 1984 .

Tandis que l’épiscopat s’applique à une position d’équilibre précaire, l'association L'Anti-89 et son journal éponyme annonce 500 000 participants pour sa manifestation contre-révolutionnaire du 15 août 1989. La Croix traite l’événement dans sa rubrique ”politique”. François Ernenwein ironise sur les divisions des contre-révolutionnaires et dénonce sans ambiguïté les accointances politiques entre le mouvement intégriste et l'extrême droite française 1985 . La chroniqueuse d’actualité religieuse, Anne Ponce croque l'abbé Coache, rédacteur en chef de L'Anti-89 et rappelle les sanctions romaines qui le frappent depuis 1975 à la suite d’attaques répétées contre le Pape, les évêques et le concile Vatican II 1986 .

Le débat qui agite l’Église de France est bien celui d’un hypothétique dépassement du processus de sécularisation. En septembre 1989, l'ouvrage collectif Le Rêve de Compostelle apporte une contribution au débat croisé de la laïcité, de la mémoire révolutionnaire, de l'Europe en recomposition 1987 . Prenant pour pierre d'angle le discours sur l'Europe prononcé par Jean-Paul II à Compostelle en 1982, cet ouvrage collectif réunit les analyses critiques de chercheurs, historiens, sociologues, juristes, démographes sur le discours contemporain de l'Église 1988 . Le discours du cardinal Lustiger sur la modernité y est particulièrement discuté 1989 .

Mgr Lehmann, président de la conférence épiscopale allemande, invite son homologue français à intervenir à Bonn sur le thème ”Les évêques de France et le bicentenaire de la Révolution française”. Le cardinal Decourtray rappelle l'inscription de l'épiscopat français dans l'histoire française dans la mesure où ”il n'est pas d'identité personnelle ou collective sans mémoire” 1990 . L’archevêque de Lyon précise la lecture que propose la conférence épiscopale française de la Révolution 1991  :

‘Ce que proposent les évêques, c'est de rendre à la Déclaration des droits de l'homme son inspiration chrétienne, inséparable d'ailleurs de l'inspiration juive. Il ne s'agit pas de récupérer à l'avantage de l'Église des valeurs auxquelles elle s'est longtemps opposée, mais de découvrir une vérité historique occultée par la philosophie rationaliste des Lumières et sa postérité.’

De là à faire de la Déclaration des droit de l’homme une émanation de la Bible, le pas est vite franchi. Le modèle classique de la sécularisation est battu en brèche par le succès des thèses de Marcel Gauchet. Religion de la sortie du religieux, le catholicisme n’a rien à attendre de la Révolution française et son héritage pour l’informer sur la modernité 1992 . Reste à gérer la rencontre des mémoires catholique et française. Ainsi, l'appel des 25 000 salue-t-il le transfert simultané de l'abbé Grégoire, de Monge et de Condorcet au Panthéon, comme ”le point d'orgue du Bicentenaire. Trois hommes différents - le chrétien, le savant et l'humaniste - mais rassemblés pour une commune volonté de promouvoir l'homme et ses droits” 1993 . A Lyon, le conseil du presbyterium et sa cinquantaine de prêtres, jugent la panthéonisation de l'abbé Grégoire ”positive” 1994 .

Le 7 décembre, le père di Falco révèle que ”l'Église sera représentée par son excellence Mgr Antonetti, nonce apostolique en France, doyen du corps diplomatique. L'Église accompagnera de sa prière liturgique l'exhumation de l'abbé Grégoire”. Le lendemain, La Croix explicite alors le communiqué en titrant, ”Pas d'évêque pour l'abbé Grégoire”. A la veille de la cérémonie, Mgr Lustiger n’en salue pas moins ”le courage chrétien” de l'abbé Grégoire ”resté fidèle au sacerdoce, parfois au péril de sa vie. Il est essentiel de lui accorder la prière à laquelle il a droit en dépit des ruptures qu'il a pu avoir avec l'Église” 1995 .

L'archevêque de Paris justifie son refus de se rendre au Panthéon par la nature exclusivement civile de la manifestation. ”Il n'y aura pas de croix sur la tombe de l'abbé Grégoire au Panthéon, je le regrette. Cela aurait pu être un geste de concorde qui aurait honoré la République”, poursuit-il. Pour sa part, Mgr Goupy déclare à La Nouvelle République du Centre-Ouest qu'il n'a ”pas d'honneur particulier” à tirer de la manifestation ”car je considère que [l'abbé Grégoire] ne fait pas partie des évêques de Blois, Rome n'ayant jamais donné son accord”. Reconnaissant des valeurs patriotiques, l'évêque de Blois refuse à son lointain prédécesseur (1791-1801) de n'avoir été que ”en moyenne un jour sur dix dans son diocèse” 1996 .

Dans la revue Le Débat, Dominique Julia critique vivement l'épiscopat français 1997 . ”Pour qu’une ”anamnèse commune” 1998 , appelée de ses vœux par le cardinal Lustiger, puisse avoir lieu, il faudrait qu’il y ait analyse au sens historique comme au sens freudien du terme : alors l’histoire, comme science humaine, pourrait peut-être jouer ce rôle de dénouer des antagonismes anciens. Mais l’on a vu toutes les raisons qui s’opposaient, du côté de la hiérarchie catholique, à une véritable remémoration qui prenne en compte toutes les dimensions de l’événement révolutionnaire” 1999 . A l’inverse, Etienne Borne défend dans La Croix la position de l’épiscopat 2000 :

‘Il y eut trop de non-dits, dans les discours et les festivités du Bicentenaire. On a eu peur de tirer les conséquences des maximes démocratiques qu'on avait raison de célébrer. On a fait silence sur les victimes d'une révolution devenue démente. On comprend que l'Église ait été embarrassée lorsqu'elle a été sollicitée de se joindre aux festivités du Bicentenaire. Au moins, a-t-elle avoué publiquement son embarras en prenant le risque de susciter les criailleries mineures et dérisoires. Le pouvoir avait toutes les raisons d'éprouver un sentiment analogue, mais il a mieux su les camoufler et a su dire avec un certain accent de demi-vérités, incomplètes et boiteuses. La meilleure pédagogie a été du côté de l'Église.’

Tandis que se clôt l'année du bicentenaire de la Révolution, le doyen de la faculté des lettres de l'institut catholique de Paris, Yves Ledure, déplore la prudence de l'épiscopat français dans les débats noués au cours de l'année écoulée. ”Cette absence pose question en ce qu'elle me paraît être révélatrice d'un retrait de l'Église de France de l'espace culturel moderne”, indique l'universitaire 2001 . Et de déplorer un repli de l'institution sur un discours exclusivement spirituel pour mieux éviter le pluralisme de la société française 2002 :

‘Mais qui ne voit pas qu'un spirituel sans culturel, sans infrastructure philosophique pour l'articuler, risque de faire le jeu de l'intégrisme religieux ou politique, c'est à dire, finalement d'une vision unilatérale de l'homme ? Ce sont ces médiations culturelles qui interdisent au spirituel de s'imposer comme unique norme et seul espace de réalisation humaine. La liberté trouve son champ d'application au croisement du spirituel et du culturel.’

Consacrée comme ”instance culturelle” par la modernité, l'Église doit dépasser le seul discours spirituel afin de ne pas faire aveu d'impuissance culturelle selon le doyen. ”Si l'Église de France ne veut pas subir cette logique implacable de la sécularité, elle se doit d'avoir une stratégie culturelle adaptée aux réalités de ce temps” 2003 . C'est précisément cette problématique qui prévaut dans la réflexion de l'archevêque de Toulouse lorsque celui-ci invite le 3 février les représentants des laïcs de son diocèse à se prononcer pour une démarche synodale 2004 :

‘La voix de l'Église peut-elle se faire entendre dans un monde qui évolue très vite, bouleverse nos existences, soulève des problèmes moraux inédits et nous oblige à considérer le sens que nous donnons à notre destinée ? La présence de l'Église ne risque-t-elle pas de devenir insignifiante, surtout au moment où on la dit en crise, touchée par la baisse de la pratique, la diminution des vocations et un affadissement de la foi ?’

Au terme de la décennie 1980, l’épiscopat français doit à nouveau s’affronter au débat de la modernité. Les commémorations du Bicentenaire de la Révolution auront été le révélateur d’une posture ambiguë de l’Eglise de France dans le cadre laïc négocié depuis 1905. Tandis que le père Decourtray abandonne la tête de la conférence épiscopale dans un état de délitement avancé, l’épiscopat français voit son magistère passablement écorné.

Notes
1955.

Yves de Gentil-Baichis, ”Les chrétiens et leurs infidélités aux droits de l'homme”, La Croix, 25 & 26 décembre 1987

1956.

Yves de Gentil-Baichis, ”Les chrétiens héritiers et dissidents de 1789”, La Croix, 4 février 1988

1957.

Et l'historien de citer François Furet évoquant le préjugé contre-révolutionnaire comme ”néfaste à l'intelligence du phénomène révolutionnaire”. Pierre Pierrard, ”Bicentenaire de la Révolution”, La Croix, 13 septembre 1988

1958.

Emmanuel Todd, La nouvelle France, Paris, Seuil, 1988, 285 pages

1959.

Gaston Piétri, ”Sauver la raison”, La Croix, 19 octobre 1988

1960.

Ibid

1961.

Mgr Jacques Jullien initie plusieurs manifestations dans le diocèse de Rennes pour marquer l'événement. Cinq conférences sont ainsi confiées aux historiens de l'université de Rennes avec pour thèmes ”le clergé breton”, ”la constitution civile du clergé”, ”la chouannerie”, ”la Vendée sous la Révolution” et ”la vie religieuse durant la Révolution”. Ce programme de réflexion doit s'achever le 4 mars 1989 par une journée de réflexions menée par l'abbé Bernard Heudré, historien et curé de la cathédrale de Saint-Malo, sur le thème générique ”les catholiques français à l'épreuve de la Révolution”.

1962.

François Richard, ”Ni encensement, ni exécration”, La Croix, 20 octobre 1988

1963.

Ibid

1964.

Yves de Gentil-Baichis, ”Ni mépriser, ni canoniser”, La Croix, 29 octobre 1988

1965.

DC, 1973, 4 décembre 1988, p. 1143

1966.

Sur l’initiative du père Pierre Colin et de son département de recherche, cette manifestation réunit théologiens, historiens et sociologues.

1967.

Date anniversaire du serment du Jeu de paume au lendemain duquel le clergé avait rejoint les rangs du Tiers-Etat pour former l'assemblée nationale.

1968.

Henri Tincq, ”L'héritage de 1789 dans l'Église La conversion tardive des catholiques aux droits de l'homme”, Le Monde, 22 mars 1989

1969.

Henri Tincq, ”Un entretien avec le cardinal Decourtray : La Terreur a défiguré la Révolution”, Le Monde, 21 juin 1989

1970.

”En imposant une constitution civile au clergé, en contraignant celui-ci au serment, la Révolution a forcé des prêtres à se renier, à faire allégeance à un pouvoir civil et à rompre leur engagement de fidélité au Pape. La suite est connue. Le triomphe d'un certain rationalisme, l'idolâtrie, la Terreur ont défiguré le message révolutionnaire initial”. Henri Tincq, ”Un entretien avec le cardinal Decourtray : La Terreur a défiguré la Révolution”, Le Monde, 21 juin 1989

1971.

Dans son édition du 10 mai, Le Canard enchaîné révèle que le cardinal Lustiger ne s'associera pas au transfert des cendres du prélat au Panthéon. L'intéressé dément rapidement l'information faisant valoir qu'il n'a pas été encore saisi de la question. Henri Tincq, ”Mgr Lustiger et le transfert des cendres de l'abbé Grégoire”, Le Monde, 12 mai 1989

1972.

Mgr Herbulot, ”L'abbé Grégoire, prêtre républicain”, Différences, mars 1989

1973.

Jean Toulat, ”Frère des juifs et des noirs”, La Croix, 10 juin 1989

1974.

”La cathédrale était pleine, sans plus. D'ailleurs les portes furent fermées, les touristes écartés, et même les fidèles eurent du mal à entrer”, narre La Croix. Anne Ponce, ”Mgr Decourtray prône la clairvoyance”, La Croix, 22 juin 1989

1975.

Henri Tincq, ”A Notre-Dame de Paris : Une célébration en demi-teinte”, Le Monde, 22 juin 1989

1976.

Anne Ponce, ”Mgr Decourtray prône la clairvoyance”, La Croix, 22 juin 1989

1977.

DC, 1973, 4 décembre 1988, col. 1 143

1978.

”Il ne s'agit pas de célébrer des événements”, écrit l’archevêque de Paris.

1979.

Paul Valadier, ”Pour une commémoration sans arrière-pensée”, Le Monde, 21 juin 1989

1980.

Ibid

1981.

Les évêques de France sont invités à honorer, d’autres mémoires, celles ”de ceux et de celles qui, malgré l'échec immédiat de leur action, ont posé les bases d'une démocratie pour laquelle nous œuvrons et les fondements d'un rapport de l'Église à la société et à l'Etat dont nous apprécions les vertus”. Écrivant cela, Paul Valadier continue le débat lancé par Mgr Vilnet à Lourdes en 1987. Il prend le un contre-pied de l'archevêque de Paris. Paul Valadier, ”Pour une commémoration sans arrière-pensée”, Le Monde, 21 juin 1989

1982.

Joseph Rozier, ”Au-delà du bicentenaire”, La Croix, 1er août 1989

1983.

Le cardinal Etchegaray, Dom Helder Câmara, Henri Lopez, directeur adjoint de l'Unesco font partie des intervenants.

1984.

Jean Périlhon, ”La foi source des droits humains”, La Croix, 26 septembre 1989

1985.

François Ernenwein, ”La contre-révolution saisie par la compétition”, La Croix, 11 août 1989

1986.

Anne Ponce, ”L'obsession de la subversion”, La Croix, 11 août 1989

1987.

René Luneau (dir.), Le rêve de Compostelle. Vers la restauration d'une Europe chrétienne ?, Paris, Le Centurion, 1989, 366 pages

1988.

”Nous devons être plus réservés à l'égard des lectures unilatérales qui font de l'Europe contemporaine une terre chrétienne jusqu'en ses racines, comme si le christianisme donnait à notre continent sa véritable identité. Le livre rappelle que l'Europe n'est peut-être pas née de la chrétienté mais bien de son éclatement, ainsi que le note Edgard Morin”, indique René Luneau à La Croix. Yves de Gentil-Baichis, ”Une vision du monde contestée”, La Croix, 24 novembre 1989

1989.

Philippe Denis, ”Les séminaristes du cardinal Lustiger” in Le rêve de Compostelle, Paris, Le Centurion, 1989, pp. 90-108

1990.

Mgr Decourtray, ”Résumé d'une conférence donnée à Bonn sur le thème 'les évêques de France et le Bicentenaire de la Révolution française' ”, Snop, n°767, 20 octobre 1989

1991.

Ibid

1992.

Les commémorations du bicentenaire provoquent Rome à réagir également. Pour la fête du Christ-Roi, l'église Saint-Louis-des-Français accueille Jean-Paul II le 25 novembre. En présence des deux ambassadeurs et le consul de France, le Pape s'invite au double débat français sur la Révolution française et la laïcité. ”Voici deux siècles, c'est en opposition au christianisme qu'a été proclamé l'idéal humaniste qui devait fonder une société renouvelée. Cependant, avec le recul du temps, ne peut-on reconnaître en quelque sorte, dans les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité affirmées avec tant d'éclat, le fruit d'une culture aux racines chrétiennes ?”, s'interroge Jean-Paul II. Outre l'aspect mémoriel des valeurs de la révolution française, le souverain pontife attire l'attention de la France sur le fait que ”la liberté [religieuse] ne veut pas dire indifférence à la présence de Dieu”. Georges Mattia, ”Les racines religieuses de l'idéal révolutionnaire”, La Croix, 28 novembre 1989

1993.

Anne Ponce, ”Pas d'évêque pour l'abbé Grégoire”, La Croix, 8 décembre 1989

1994.

Le 30 novembre, ces prêtres adressent une lettre au Président Mitterrand affirmant que cet événement ”est reçu comme une démarche honorant le clergé français en général”. Anne Ponce, ”Pas d'évêque pour l'abbé Grégoire”, op. cit.

1995.

Anonyme, ”Mgr Lustiger : ”le courage chrétien” de l'abbé Grégoire”, La Croix, 13 décembre 1989

1996.

Anonyme, ”Mgr Lustiger : ”le courage chrétien” de l'abbé Grégoire”, op. cit.

1997.

L'intellectuelle a eu l'occasion de croiser la figure révolutionnaire du père Grégoire entre 1970 et 1975. Cinq ans durant, celle-ci compose aux côtés de Michel de Certeau et Jacques Revel une étude consacrée au rapport de l'abbé Grégoire sur les patois et la langue française (Michel de Certeau, Dominique Julia, Jacques Revel, Une politique de la langue, La Révolution française et les patois : l'enquête de Grégoire, Paris,Gallimard, 1975).Dans la biographie qu'il consacre à Michel de Certeau, François Dosse nous donne à voir les lignes forces de cette collaboration intellectuelle. François Dosse, Michel de Certeau, le marcheur blessé, Paris, La découverte, 2002, pp. 304-316

1998.

Mgr Lustiger & François Furet, ”L’Église, la Révolution et les droits de l’homme”, Le Débat, 55, mai-août 1989, page 7

1999.

Dominique Julia, ”Les évêques et le Bicentenaire”, Le Débat, …, pp. 207-208

2000.

Etienne Borne, ”Le bouquet spirituel”, La Croix, 23 décembre 1990

2001.

Yves Ledure, ”Déficit culturel de l'Église de France”, La Croix, 6 janvier 1990

2002.

Ibid

2003.

Yves Ledure, ”Déficit culturel de l'Église de France”, La Croix, 6 janvier 1990

2004.

Yves de Gentil-Baichis, ”L'Église toulousaine veut recoller à la modernité”, La Croix, 24 janvier 1990