3. Une définition qui doit être opérationnelle

Définir notre objet d'étude suppose de définir trois éléments : la nature des déplacements sélectionnés, le périmètre retenu et le cas échéant les personnes dont on sélectionne les déplacements. Il est nécessaire de définir le type d'approche : approche par des critères métriques ou en termes de circulations sur réseau et quel ensemble de déplacements ou de niveau hiérarchique de réseau on sélectionne. Il est par ailleurs nécessaire de définir un périmètre d'étude. Nous nous intéressons à l'évolution des déplacements à longue distance en France, toutefois le périmètre d'étude "France" peut s'entendre de façon plus ou moins large. Nous pouvons en effet conserver les seuls déplacements dont à la fois l'origine et la destination sont intérieures au périmètre "France", ou y inclure en plus la partie française des déplacements transitant en France. Dans le cas d'une mobilité appréhendée par des enquêtes au domicile des ménages français, seuls les résidents français sont pris en compte ; dans le cas de circulations sur réseau, les étrangers transitant en France sont comptabilisés. Plusieurs définitions sont possibles, toutefois ces définitions doivent être opérationnelles.

Pour être opérationnelle, notre définition des déplacements doit répondre à plusieurs critères : pertinence, cohérence, mesurabilité et possibilité de mettre en œuvre une technique de modélisation opérationnelle sur cette définition. Le triple critère pertinence, cohérence, mesurabilité (Bonnafous, 1989) doit en effet être pris en compte dès le stade de la définition.

Le choix de la définition ne peut pas être pensé indépendamment de la nature de la modélisation que nous souhaitons mettre en œuvre. Une approche par les volumes de trafics circulant sur réseaux nous permet de bénéficier de séries chronologiques de volumes de trafics, d'indices de croissance de la circulation sur le réseau. Une approche en termes de champ de mobilité nous oblige à nous appuyer sur seulement deux enquêtes transports : celle de 1981 et celle de 1993.

La définition de notre objet d'étude doit avoir une cohérence externe, autrement dit être cohérente avec les objectifs de notre simulation. Comme nous souhaitons observer l'impact des politiques de transport nationales sur les trafics des réseaux à grande vitesse, notre définition doit cerner du mieux possible les déplacements empruntant ou étant susceptibles d’emprunter le réseau à grande vitesse. Par ailleurs il serait souhaitable de cibler de préférence des déplacements suffisamment longs pour être sensibles aux modifications du système de transport mais pas trop longs pour qu'ils ne dépassent pas les enjeux des politiques de transport nationales. La définition peut inclure du trafic local, du trafic international en transit pour lesquels le choix modal dépasse l'échelle des réseaux de transport français, mais il faut veiller à ce que le trafic interrégional n'y soit pas noyé. Par ailleurs nous souhaitons mesurer une évolution de l'usage des différents modes de transport. Définir notre objet d'étude comme ensemble des trafics circulant sur les réseaux à grande vitesse présente l'avantage de cibler au mieux les dynamiques des réseaux auxquels nous nous intéressons. Cette définition présente toutefois un inconvénient : le réseau autoroutier s'est considérablement étendu au cours des 20 dernières années. L'évolution du volume de déplacements de voyageurs à longue distance traduit au moins autant l'extension du réseau autoroutier que l'augmentation de l'usage des autoroutes par les individus. L'évolution du volume de trafic sur autoroutes est intéressante en soi, toutefois il est souhaitable d'avoir, à côté de cette évolution en volume, une mesure de l'évolution de l'usage hors variation du réseau.

Outre la nécessité de cohérence externe, la définition doit avoir une cohérence interne. La cohérence interne d'une définition en termes de champ de mobilité comme ensemble de déplacements vérifiant un certain nombre de critères se vérifie aisément. C'est moins le cas lorsqu'on adopte une définition en termes de logiques de réseau. En effet si on cherche à expliquer la mobilité en termes de génération – partage modal, il est souhaitable qu'un déplacement autrefois effectué en train mais que l'individu effectue par la suite en voiture suite à une modification de l'offre de transport reste inclus dans la définition du volume total de mobilité considérée. Par ailleurs si un déplacement est exclu du champ de la définition à l'année n, il est souhaitable qu'il en reste exclu à l'année n+1. Bien sûr on peut avoir une définition à "système ouvert", toutefois notre objet d'étude sera plus délicat à modéliser, car moins cohérent entre modes.

De fait la logique de la modélisation est sous-tendue par des logiques socio-économiques. Plus la définition forme un tout cohérent et pertinent sur un plan socio-économique, plus elle est facilement modélisable.

La définition obtenue doit être mesurable : la définition théorique ne peut pas être pensée indépendamment des sources de données à disposition et aussi de leur qualité. C'est ce que nous étudions dans la section suivante. Nous devons nous pencher sur les différentes sources de données permettant d'appréhender les déplacements à longue distance et sur leur fiabilité.