La mobilité croît avec le revenu. Le nombre moyen de déplacements varie ainsi du simple au triple entre le premier et le dernier quintile de revenu par unité de consommation 14 : de 5,8 déplacements annuels moyens pour les individus appartenant au premier quintile à 18,6 déplacements annuels moyens pour ceux du dernier décile (Graphique 76). Pour la seule mobilité à motif personnel, le nombre moyen de déplacements passe de 5,0 à 14,3 déplacements entre le 1er et le 5ème décile, la mobilité professionnelle passant de 0,7 à 3,3.
Source : d'après Enquêtes Transports
Pour mieux appréhender la croissance de la mobilité, nous pouvons tracer les indices de croissance du nombre annuel moyen de déplacements par individu et de kilométrage annuel moyen parcouru, en fonction du revenu moyen par unité de consommation (Graphique 77). Il existe une relation très nette entre hausse du revenu et hausse de la mobilité. Il est d'ailleurs possible de quantifier cette relation par une équation du type : Mob = K Reva avec Mob la mobilité en termes de déplacements ou en termes de voyageurs.kilomètres et Rev le revenu du ménage par unité de consommation (Équation 1 et Équation 2), (Graphique 78 et Graphique 79). "L'anomalie" de la courbe au niveau des deux premiers déciles de revenus entre lesquels la mobilité chute avant de remonter à partir du 3ème décile de revenu est due aux étudiants fortement présents dans le 1er quintile de revenus et dont la mobilité élevée gonfle la mobilité des ménages modestes. Ces deux premiers déciles de revenus n'ont d'ailleurs pas été pris en compte pour le calibrage.
L'élasticité de la mobilité à longue distance par rapport au revenu est importante : une hausse du revenu moyen par UC de 10% entraîne une hausse du nombre moyen de déplacements par individu de 6,2% et une hausse du kilométrage parcouru de 7,4%. La mobilité en voyageurs.kilomètres croît plus rapidement que le nombre de déplacements. La distance moyenne parcourue par déplacement augmente avec le niveau de revenu.
Au sein de la mobilité globale, il est toutefois utile de distinguer mobilité pour motif personnel et professionnel (Graphique 80 et Graphique 81). Si le revenu moyen du ménage est une variable explicative raisonnable pour la mobilité personnelle, la mobilité professionnelle est certainement davantage liée à la PCS des individus. Expurger la mobilité professionnelle permet d'améliorer la régularité de la courbe de croissance de la mobilité pour motif personnel en fonction du revenu. La mobilité professionnelle augmente elle aussi de façon apparente en fonction du revenu mais les véritables facteurs explicatifs résident davantage au niveau des profils d'emplois occupés : les cadres supérieurs effectuent en moyenne 9,8 déplacements pour motifs professionnels alors que les employés n'en effectuent que 0,7 (d'après Enquête – Transports 1993). Evidemment les cadres supérieurs ont des salaires plus importants que la moyenne et sont par conséquent davantage présents dans le dernier décile. La mobilité professionnelle reste inférieure à 1 déplacement moyen par individu pour les 5 premiers quintiles puis augmente jusqu'à 2,3 déplacements pour le neuvième avant de doubler jusqu'à 4,4 déplacements pour le dernier.
A une date donnée, le revenu apparaît comme une variable explicative déterminante du niveau de mobilité longue distance. Cette constatation effectuée grâce à l'Enquête Transports 1993 sur l'ensemble de la mobilité longue distance est confirmée par d'autres enquêtes réalisées sur certains segments plus spécifiques de la mobilité, en particulier les enquêtes vacances de l'INSEE réalisées dans le cadre de l'Enquête Permanente sur les Conditions de Vie des ménages (Rouquette, 2001). Ces enquêtes ciblent les voyages d'agrément d'au moins 4 nuits hors du domicile ; 26% des déplacements train – avion – voiture à plus de 100km correspondent à des déplacements "vacances" selon la typologie INSEE 15 . D'après cette enquête Vacances, quatre Français sur dix ne partent pas en vacances et les principales raisons de non départ sont des raisons financières (40% des motifs de non départ). 58% des personnes appartenant au premier décile 16 de niveau de vie ne sont pas parties en vacances contre 15% des personnes appartenant au dixième décile. (Rouquette, 2001). A ces inégalités de taux de départ en vacances s'ajoutent des inégalités de fréquences de départ : les ménages les plus aisés fractionnent davantage leurs congés. Le nombre moyen de séjours par personne partie varie ainsi d’environ 1,6 pour le premier décile de niveau de vie à près de 3 pour le dixième décile alors que la durée du séjour diminue (de 17 à 18 nuitées pour le décile le plus modeste à un peu moins de 13 nuitées pour le décile des personnes les plus aisées). (Rouquette, 2001).
Une hausse des revenus constitue un facteur fort de croissance de la mobilité pour motif personnel. Nous connaissons les élasticités en coupe instantanée de la mobilité par rapport aux revenus. Ces élasticités en coupe instantanée n'ont aucune raison d'être tout-à-fait identiques à l'élasticité temporelle de la mobilité par rapport au revenu (les courbes liant mobilité et revenu ne sont pas linéaires). Toutefois ces élasticités en coupe instantanée nous donnent un ordre de grandeur de l'élasticité temporelle et montrent l'importance de la croissance du niveau de vie sur la mobilité. On peut s'interroger sur les conséquences futures d'une poursuite de la hausse des revenus sur la mobilité pour motif personnel. Au vu de l'allure de la courbe liant mobilité et revenu avec une élasticité inférieure à 1, et en faisant l'hypothèse qu'à revenu égal (hors inflation) la mobilité reste égale, il devrait y avoir un tassement de la croissance de la mobilité pour les ménages les plus aisés. Toutefois, il faut aussi tenir compte des évolutions en matière de mode de vie. Les vacances sont de plus en plus fractionnées (Rouquette, 2001), phénomène que favorisent les 35 heures.
Pour comparer les niveaux de vie de ménages aux tailles de ménage différentes, il est usuel d'évaluer un nombre d'unités de consommation du ménage sur la base d'échelles d'équivalence. La nouvelle échelle d'équivalence de l'INSEE est la suivante : 1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,5 UC pour chaque individu du ménage ayant 14 ans ou plus et 0,3 UC pour les individus de moins de 14 ans. Le revenu moyen par unité de consommation est le revenu annuel moyen du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation. Les revenus moyens par unités de consommation ainsi calculés sont ensuite groupés en quintiles et en déciles de revenus moyens par unité de consommation, représentatifs des niveaux de vie des individus. Pour les étudiants, le niveau de revenu moyen par unité de consommation est à prendre avec prudence, certains étudiants classés dans le premier quintile de revenus bénéficiant en réalité d'apports financiers supplémentaires de la part de leur famille.
Inversement il se peut que des "vacances" au sens de l'INSEE soient prises dans des lieux de séjours à moins de 100km du domicile. C'est facilement le cas pour des personnes vivant dans des agglomérations proches des côtes et désirant partir en vacances au bord de la mer non loin de chez eux.
La définition des déciles de niveau de vie utilisée dans les Enquêtes Vacances de Rouquette est la même que celle utilisée pour le traitement de l'Enquête Transports Communication de 1993.