Les seniors effectuent moins de déplacements à longue distance que la moyenne de la population (7,8 déplacements pour les 60-74 ans ; 3,2 pour les 75 ans et plus contre 11,2 pour la moyenne de la population). Le vieillissement annoncé de la population pourrait ainsi être perçu comme une source potentielle d'évolution à la baisse du niveau moyen de mobilité à longue distance. En réalité les conséquences du vieillissement de la population sont plus complexes à anticiper car, comme pour la motorisation (Gallez, Madre, 1992) et la mobilité urbaine (Pochet, 1995 ; Armoogum, Madre, Krakutovski, 2003), il faut distinguer impact de l'âge et impact de la génération.
Dans l’enquête transports 1993, le niveau de mobilité varie suivant l'âge (Graphique 87). Les 18-25 ans effectuent un peu plus de déplacements à longue distance que les personnes de la tranche d'âge de référence des 26-59 ans : 11,4 déplacements au lieu de 10,1. Cela s'explique en partie par les déplacements liés aux études et les allers-retours famille – lieux d'études des étudiants présents dans cette tranche d'âge. Les moins de 18 ans ont une mobilité un peu en retrait de celle des 26-59 ans. Toutefois à quintile de niveau de vie égal, la mobilité des moins de 18 ans est presque identique à celle des 26-59 ans (Graphique 88 et Graphique 90). Sur le créneau spécifique des vacances au sens INSEE, C. Rouquette constate de fait une étroite corrélation entre les taux de départ en vacances des enfants et les taux de départ en vacances de leurs parents (Rouquette, 2001) et la mobilité longue distance est souvent une mobilité familiale. Les plus de 60 ans ont une mobilité plus faible ; toutefois il faut distinguer les "jeunes" seniors des plus âgés. La mobilité des 60-74 ans est de 7,8 déplacements par an soit 20% inférieure à celle des 26-59 ans alors que les plus de 75 ans n'effectuent que 3,4 déplacements à longue distance par an (soit un tiers du nombre de déplacements moyen des 26-59 ans). Ces résultats restent globalement inchangés lorsqu'on décorrèle l'âge par rapport aux revenus et à la motorisation (Graphique 88 à Graphique 90). Tout se passe comme si le passage à la retraite n'entraînait pas de variation significative de la mobilité, la venue du quatrième âge et des problèmes de santé physique qui lui sont inhérents étant le frein essentiel à la mobilité des plus âgés. La légère chute de mobilité entre les 26-59 ans et les 60-74 ans est vraisemblablement due non pas à un effet d'âge pur, mais à un effet de génération, sans doute aussi une apparition de problèmes de santé surtout chez les plus âgés de la tranche d'âge : la limite des 75 ans est à prendre en ordre de grandeur, la diminution de la mobilité des seniors en fonction de l'âge est en réalité progressive et dépend des individus 17 . D'après le volet Vacances de l'Enquête Permanente sur les Conditions de Vie des Ménages de l'INSEE, en 1999, 43% des sexagénaires et 62% des septuagénaires ne sont pas partis en vacances contre 37% des 30-49 ans (Rouquette, 2001). Alors qu'avant 70 ans, les principales raisons de non départ invoquées sont des raisons financières, les raisons de santé constituent des obstacles forts aux départs en vacances chez les plus de 70 ans : 38% des raisons principales de non départ chez les plus de 70 ans sont des problèmes de santé contre 5% chez les moins de 40 ans, 10% pour les 60-64 ans et 18% pour les 65-69 ans (Pochet, Schéou, 2002).
Le taux de non départ des seniors s'est toutefois fortement rapproché de celui du reste de la population : le taux de non départ des plus de 60 ans a reculé de 5 points entre 1989 et 1999 alors que celui des 30 à 49 ans a augmenté de 3% (Rouquette, 2001). Alors que l'écart entre les 30-49 ans et les 60-69 ans était de près de 15 points en 1989 il n'est plus que de 6 points aujourd'hui. Cette réduction des écarts s'explique par "l'augmentation du niveau de vie des retraités, l'allongement de l'espérance de vie sans handicap, et les habitudes contractées au cours de la vie" (Rouquette, 2001). "Les générations qui ont pris l'habitude de partir en vacances continuent à le faire l'âge venant, si rien – notamment aucun problème de santé – ne vient les en dissuader" (Rouquette, 2001). Si les taux de départ des seniors se rapprochent des taux de départ du reste de la population, leurs habitudes de déplacements se rapprochent également. Les retraités sont davantage adeptes des voyages de longue durée que les plus jeunes (Pochet, Schéou, 2002). Toutefois une tendance au raccourcissement se manifeste, à travers les enquêtes SDT de 1994 et 1999 et surtout à travers les enquêtes Vacances de l'INSEE de 1989 et 1999 (Pochet, Schéou, 2002).
La part des plus de 60 ans au sein de la population totale ne devrait pas cesser de s'accroître pour passer de 20,6% en 2000 à 25,3% en 2015 (Pochet, Schéou, 2002). Toutefois ce vieillissement de la population ne va pas nécessairement entraîner une diminution du nombre moyen de déplacements à longue distance. Chez les retraités comme chez les plus jeunes, le revenu constitue le principal facteur explicatif de la mobilité à longue distance. Certes les problèmes de santé freinent la mobilité longue distance des plus âgés des seniors et le vieillissement de la population va probablement entraîner une hausse du nombre de personnes âgées souffrant de handicaps. Toutefois l'arrivée à l'âge de la retraite de générations ayant l'habitude des déplacements à longue distance tend à rapprocher les comportements des seniors de ceux des plus jeunes, tant en termes de taux de départ que de nombre de départs et ces tendances devraient se poursuivre.
Par ailleurs les résultats sont donnés ici par rapport à l'âge de l'individu, mais il faut tenir compte aussi de l'âge du conjoint, la mobilité à longue distance étant souvent une mobilité familiale.