III. Conclusion

Ce deuxième chapitre nous a permis de mettre en évidence les principaux facteurs explicatifs de la mobilité à longue distance. La croissance économique apparaît comme un facteur socio-économique primordial. A l'échelle macroéconomique, les fluctuations des trafics sont fortement liées à celles de la croissance économique. A l'échelle des individus, il existe une corrélation très nette entre niveau de revenus et nombre de déplacements, avec un triplement de la mobilité entre premier et dernier quintile de revenus. Le niveau de richesse influence par ailleurs le choix modal à travers la valeur du temps des voyageurs. Bien sûr le niveau de richesse n’est pas le seul déterminant socio-économique : motorisation et âge influencent tant la génération de la mobilité que le partage modal. D'après les enquêtes transports, la non motorisation du ménage entraîne une baisse de 30% de la mobilité totale et favorise, fort logiquement, l'usage des transports collectifs au sein du choix modal. Age et effets de génération modifient aussi les comportements, dans des sens antagonistes. Les plus de 75 ans se démarquent du reste de la population avec une mobilité près de deux fois inférieure à la mobilité globale à revenu équivalent (le vieillissement de la population devrait de ce point de vue entraîner mécaniquement une baisse de la mobilité). Dans le même temps, le taux de mobilité des seniors tend à se rapprocher de celui des plus jeunes, au fil des générations. L’évolution des modes de vie contribue aussi à modifier les comportements, sans qu’il soit possible de quantifier ce facteur. En termes de hiérarchie des déterminants, la croissance économique apparaît néanmoins comme étant le principal déterminant au sein des facteurs socio-économiques.

L’offre de transport constitue un second facteur explicatif incontournable. L’offre comprend plusieurs dimensions : vitesse, prix, fréquence, qualité de service (ponctualité, fiabilité, confort). La réduction des temps de parcours constitue l’évolution de l’offre la plus facilement mesurable et l’impact des mises en service de TGV est largement documenté. L’importance du développement des infrastructures de transport à grande vitesse est avéré, tant en termes d’évolution du partage modal qu’en termes d’induction de trafic. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer l’impact des prix, des fréquences et de la qualité de service. Ainsi, des baisses tarifaires et la mise en placement d’un cadencement sur certaines liaisons TGV coïncident avec des augmentations de trafic supérieures de plusieurs pour cents sur ces liaisons par rapport aux autres relations. De même pour l’aérien, des augmentations de trafic ont été observées sur des liaisons ayant bénéficié spécifiquement à la même période de baisses tarifaires et d’augmentations de fréquences.

Ce second chapitre nous a aussi permis de mettre en relief l’existence de marchés contrastés, avec une grande hétérogénéité spatiale du partage modal. La répartition modale nationale moyenne recouvre des disparités considérables d’une origine-destination à l’autre, selon les caractéristiques de l’offre de transport. L’impact de l’offre de transport sur le partage modal dépend par ailleurs de la nature des déplacements : voyage personnel ou professionnel, durée du voyage, besoin de disposer d’une voiture à destination. L’évolution de la répartition modale ne dépend pas seulement d’évolutions moyennes des facteurs explicatifs mais aussi d’effets de structure.

Au cours des 20 dernières années, l’offre de transport s’est considérablement développée : doublement du réseau autoroutier, création du réseau TGV, augmentation du nombre de fréquences dans le secteur aérien. La réduction des temps de parcours a toutefois affecté le territoire de façon inégale. Les réductions de temps de parcours liées aux mises en service de TGV ont ainsi surtout profité aux liaisons entre métropoles et aux liaisons radiales (même si depuis le milieu des années 1990 la SNCF a développé les TGV Jonction). Les rapports de force entre les différents modes de transport sont très variables d’une origine-destination à l’autre. Sur la période 1979-1999, le prix du transport à longue distance a chuté, du moins en ce qui concerne l’avion et la route. Cette baisse des prix est à relier en partie à la chute conjoncturelle du prix des carburants au milieu des années 1980. Au-delà des évolutions moyennes, les années 1990 ont été marquées par le développement du yield management. La diversification des tarifs au sein d’une même desserte est désormais la règle. Toutefois la politique tarifaire et les niveaux de prix pratiqués relèvent du secret commercial des compagnies aériennes et de la SNCF. L’hétérogénéité spatiale de l’évolution des vitesses et des prix constitue une dimension importante de l’évolution de l’offre.