2.1. Les modèles de génération

Il s'agit de modèles généralement modaux. Le nombre de voyages effectués par un individu est modélisé par une loi de Poisson en fonction des caractéristiques socio-économiques de l'individu. Une étude typique de ce type d'approche est l'analyse du niveau de mobilité ferroviaire à longue distance en Grande Bretagne effectuée par Rickard (Rickard, 1988). Après avoir segmenté la population selon des critères de PCS, âge, structure du ménage, lieu de résidence, Rickard cale deux modèles : un modèle pour déplacements professionnels (1) et un modèle pour déplacements de loisirs (2).

Modèle pour déplacements professionnels :

ln j= -6,995+ lnNj + 1,774 S2 + 2,412 S3 + 0,869 G2 + 0,555 R2

(-31,5) (9,6) (13,6) (4,1) (3,8)

Modèle pour déplacements de loisirs :

ln j= -4,525+ lnNj + 0,659 S2 + 0,200 G2 + 0,433 A2 + 0,354 T2 + 0,767 S2G2

(-49,7) (4,5) (3,0) (4,9) (4,5) (3,8)

j :  :nombre de déplacements du sous-groupe j,

Nj :  : nombre d'individus du sous-groupe j,

S2 : chefs d'entreprise et cadres dans de grands établissements, professions libérales, professions intermédiaires, militaires, étudiants,

S3 : chefs d'entreprise et cadres dans de petits établissements, employés,

G2 : tranche d'âge 18-54 ans,

R2 : district d'origine : Londres, grandes agglomérations,

A2 : résidents d'un district contenant une gare grandes lignes.

T2 : type de ménage : 1 adulte de moins de 65 ans, 2 adultes de plus de 65 ans, plus de 3 adultes.

S2G2 : membre à la fois des groupes S2 et G2

Ces modèles sont des modèles loglinéaires estimés de façon itérative par des techniques de maximum de vraisemblance.

La première limite de ces modèles réside dans l'absence fréquente de variables importantes dans l'explicitation du nombre de déplacements. Ainsi dans (Rickard, 1988), le niveau de l'accessibilité de la zone en termes de prix et de temps n'intervient pas, de même que les variables d'offre relatives aux modes concurrents. Cela interdit toute simulation de l'impact de l'offre sur la demande de trafic. Le revenu du ménage n'intervient pas de façon explicite (il n'apparaît qu'indirectement à travers la catégorie socio-professionnelle), ce qui empêche toute simulation de l'impact de l'évolution du contexte économique sur la mobilité. Certes le travail précédent aurait pu être mené sur d'autres bases afin d'utiliser comme variables segmentantes les variables de commande de notre modèle. Pour modéliser l'impact de la croissance économique sur la mobilité, on peut chercher à introduire le revenu dans les variables segmentantes. Pour pouvoir modéliser l'impact d'une variation d'offre sur la mobilité on pourrait chercher à introduire des indicateurs d'accessibilité dans le modèle. Néanmoins l'estimation de ces variables est fragile, le revenu étant souvent mal renseigné et le niveau d'offre concurrente délicat à estimer. Par ailleurs, même dans le cas où il est possible de modéliser les variations de mobilité à partir des variables explicatives de notre modélisation, il subsiste un doute sur la validité des coefficients obtenus. En effet, le principe de cette modélisation est de calibrer les paramètres du modèle à partir de la variance spatiale puis d'appliquer le modèle en temporel. Or les élasticités spatiales sont généralement différentes des élasticités temporelles. Ainsi les modèles de demande directe permettent sur un plan théorique d'estimer des élasticités relatives à l'âge. Mais les variations d'âge peuvent être en réalité soit de véritables effets d'âge, soit des effets de génération, soit des effets de revenu. En introduisant le revenu ou une variable corrélée au revenu (PCS) dans le modèle, il est possible de s'affranchir de l'effet revenu et conserver les seuls effets âge – génération. En revanche il ne paraît pas possible de distinguer effet d'âge et effet de génération, sauf à posséder plusieurs enquêtes successives et à mettre en œuvre des modèles plus élaborés calibrés sur ces séries d'enquêtes (modèles âge-cohortes par exemple). De façon générale, les élasticités spatiales par rapport à une variable peuvent être sous-estimées ou surestimées en raison d'effets sous-jacents de variables corrélées qui n'évoluent pas, en projection, de la même manière que la variable dont on mesure l'élasticité. Pour modéliser les évolutions de mobilité de manière adéquate, il faudrait mettre en œuvre des modèles de cohorte analogues à ceux développés par (Madre, Gallez, 1992) sur l'évolution de la motorisation. La mise en œuvre de tels modèles suppose néanmoins la possession de plusieurs enquêtes successives ainsi qu'un minimum de fiabilité dans ces enquêtes, ce qui est relativement délicat dans le cas de la longue distance. Dans le cas où on ne possède qu'une enquête, effectuer des projections de trafic à partir d'une telle modélisation est un exercice en partie périlleux. Dans le cas de (Rickard, 1988), la modélisation a été utilisée pour tester l'impact d'une déformation de la structure démographique sur la mobilité en faisant l'hypothèse que les effets d'âge étaient bien des effets d'âge et non de génération ... ce qui peut être discuté (cf. I.1.1.2.)