2. Les élasticités obtenues

Le modèle Matisse et les modèles économétriques du SES fournissent des élasticités apparentes aux différentes variables explicatives ainsi que des valeurs d'effets respectifs des différentes variables sur certaines périodes (INRETS, 1997b ; Girault, 1997 ; Calzada, 1997).

Les effets de Matisse pour différentes variables et différentes périodes sont présentés dans (INRETS, 1997b). Nous reprenons ces valeurs en deux tableaux, le premier présentant les effets de Matisse sur la période 1980-1992 (Tableau 31) et le deuxième sur la période 1992-2015 (Tableau 32). Il est possible de déduire de ces tableaux des élasticités apparentes aux différentes variables sur les différentes périodes, sachant que ces élasticités ne sont pas constantes dans le temps et dépendent de la structure des variables autant que de leurs évolutions moyennes.

Tableau 31 : Effets des différents facteurs sur les taux d'évolution annuels moyens du nombre de voyageurs.kilomètres tous modes, fer et air et véhicules.kilomètres et véhicules.kilomètres route et autoroutes sur la période 1980-1992
  Ampleur de la modification Effet tous modes confondus (sur les voy.km) Effet sur la route (tous réseaux)
(sur les véh.km)
Effet sur le réseau autoroutier (sur les véh.km) Effet sur le ferroviaire (sur les voy.km) Effet sur l'aérien (sur les voy.km)
Evolution du contexte socio-économique (dont diffusion de la voiture) Augmentation de la CFM en volume : +2,4%/an +1,6 +1,7 +2,4 +0,3 +2,7
Diffusion du transport aérien - +0,0 -0,0 -0,1 -0,4 +2,8
Aménagement du réseau routier et autoroutier Mise en service d'autoroutes concédées : 195km/an +0,4 +0,6 +2,4 -0,2 -0,1
Variation du prix d'usage de la voiture Variation du prix du carburant :
-2,5%/an
+0,5 +1,0 +1,2 -0,2 -0,0
Aménagement des dessertes ferroviaires (TGV) Variation de la vitesse moyenne / voy.km :
+1,7%/an
+0,3 -0,1 -0,1 +1,5 -1,9
Modulation des tarifs ferroviaires de base Variation du produit moyen, selon MATISSE :
+0,1%/an
(mais baisse sur les plus longues distances)
+0,0 -0,0 -0,0 +0,4 -0,5
Augmentation des fréquences et modifications tarifaires aériennes Variation du nombre de vols intérieurs : +5%/an

Variation du produit moyen, selon MATISSE : -1,8%/an
+0,1 -0,0 -0,1 -0,4 +3,7
Ensemble des facteurs +2,9 +3,1 +5,7 +1,0 +6,7
Tableau 32 : Effets des différents facteurs sur les taux d'évolution annuels moyens du nombre de voyageurs.kilomètres tous modes, fer et air et véhicules.kilomètres et véhicules.kilomètres route et autoroutes sur la période 1992-2015
             
  Ampleur de la modification Effet tous modes confondus (sur les voy.km Effet sur la route (tous réseaux)
(sur les véh.km)
Effet sur le réseau autoroutier (sur les véh.km) Effet sur le ferroviaire (sur les voy.km) Effet sur l'aérien (sur les voy.km)
Evolution du contexte socio-économique (dont diffusion de la voiture) Augmentation de la CFM en volume : +2,3%/an 1,7 1,7 2,2 1,2 +2,9
Diffusion du transport aérien - 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Aménagement du réseau routier et autoroutier Mise en service d'autoroutes : 240km/an
de 2*2 voies : 40km/an
0,3 +0,5 +1,2 -0,2 -0,1
Variation du prix d'usage de la voiture Variation du prix du carburant :
+0,9%/an
-0,2 -0,3 -0,4 +0,1 +0,0
Aménagement des dessertes ferroviaires (TGV) Variation de la vitesse moyenne / voy.km :
+1,0%/an
+0,1 0,0 0,0 +1,1 -0,6
Modulation des tarifs ferroviaires de base Variation du produit moyen, 0,0%/an
0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Augmentation des fréquences et modifications tarifaires aériennes Variation du nombre de vols intérieurs : +2%/an

Variation du produit moyen, selon MATISSE : -0,5%/an
+0,1 0,0 -0,1 -0,4 2,1
Ensemble des facteurs 2,0 1,9 2,9 +1,7 4,3

Les élasticités des modèles du SES sont présentées dans (Girault, 1997) (Tableau 33). Il est à noter que les nouvelles offres d’infrastructures sont mesurées de façon différente (les élasticités ne sont donc pas directement comparables) : longueur du réseau autoroutier et vitesse moyenne des trains.

Tableau 33. Analyse des trafics selon les différents effets 1970-1995
SNCF réseau principal   1970-76 76-85 1985-92 92-95 1970-95
Les effets élasticité          
croissance économique 0,44 1,8% 1,0% 1,2% 0,5% 1,2%
effet prix du fer -0,7 1,0% 0,1% -0,9% 0,5% 0,1%
prix moyen des carburants 0,2 0,0% 0,4% -0,9% 0,1% -0,1%
effet d’offre 1,06 1,3% 0,9% 0,8% 1,7% 1,1%
Total = Trafic estimé   4,1% 2,4% 0,2% 2,9% 2,3%
Trafic réalisé   4,1% 2,2% 0,0% -3,8% 1,3%
Ecart trafic réalisé - estimé   0,0% -0,2% -0,2% -6,7% ns
Trafic réseau routier national   1970-76 76-85 1985-92 92-95 1970-95
Les effets élasticité          
croissance économique 0,8 2,5% 1,0% 1,6% 0,7% 1,5%
effet prix du fer 0,7 3,2% 2,3% 1,4% 1,1% 2,1%
prix moyen des carburants -0,3 0,0% -0,6% 1,3% -0,2% 0,1%
effet d’offre 0,12 1,8% 0,8% 0,4% 0,5% 0,9%
Total = Trafic estimé   7,5% 3,5% 4,7% 2,1% 4,6%
Trafic réalisé   7,4% 2,7% 4,6% 3,3% 4,4%
Ecart trafic réalisé - estimé   -0,1% -0,8% -0,1% 1,2% -0,2%

(Girault, 1997)

Les élasticités comparées des modèles du CREDOC et du SES sont également présentées dans (Girault, 1997) (Tableau 34).

Tableau 34 : Analyse des trafics autoroutiers, élasticités apparentes et effets à prix de carburant invariant
  Elasticités apparentes
1970-92
Effets
1970-92
Effets
1992-2015
  Modèle CREDOC* SES Modèle CREDOC* SES Matisse*** SES
revenu 0,75** 1,63** 1,8 3,9 2,3 2,3
parc 0,91 0,80 3,0 2,6   1,1
longueur du réseau 0,56 0,40 5,1 3,6 1,2 0,8
total     9,9 10,2 3,5 4,2
* Modèle CREDOC appliqué à la période 1970-92 avec les élasticités mesurées sur 1972-87
** Elasticité du revenu par ménage pour le CREDOC, élasticité du revenu/tête pour le SES
*** La description adéquate des réseaux pour l’année 1970 n’ayant pas été effectuée, on ne dispose pas de résultats d’application de MATISSE sur la période 1970-1992.

Source : Girault, 1997

En comparant les résultats des différents modèles, il s'avère que les élasticités du trafic autoroutier à la croissance économique, au prix du carburant et des péages ainsi qu'à l'extension du réseau autoroutier sont très élevées. L'élasticité du trafic autoroutier par rapport à la croissance économique est ainsi de 1,2 selon le SES (Girault, 1997) et de 1,0 selon Matisse (INRETS, 1997b). L'élasticité de long terme du trafic autoroutier au prix du carburant est de -0,44 selon Matisse (INRETS, 1997b), de -0,63 selon le SES (Girault, 1997) et de -0,70 selon (Madre, Pirotte, 1992). Ces élasticités au prix du carburant sont compatibles avec les fourchettes d'élasticités du trafic routier par rapport au prix du carburant [-0,3 à -0,5] recensées par Goodwin (Goodwin, 1996) à travers différentes études effectuées dans divers pays. L'élasticité du trafic autoroutier par rapport à la longueur autoroutière (à réseau variable) est de 0,9 selon le SES (Girault, 1997), de 0,8 environ sur 1980-1992 à 0,50 environ sur 1992-2005 selon Matisse (INRETS, 1997b). Les élasticités croisées par rapport aux variables des autres modes sont faibles. Pour le trafic fer l'élasticité à la croissance économique est de 0,44 selon le SES (Girault, 1997), de 0,13 sur 1980-1992 à 0,50 sur 1992-2015 selon Matisse (INRETS, 1997b). L'élasticité du trafic ferroviaire par rapport au produit moyen du fer est délicate à estimer ; elle est de 0,2 selon le SES (Girault, 1997) ; selon Matisse l'élasticité apparente est positive, mais cela est dû à l'évolution des structures des prix destinée à améliorer la compétitivité de la SNCF sur les longues distances (INRETS, 1997b). La vitesse du fer est non significative dans (Sauvant, 2002a) ; d'après Matisse elle serait d'environ 1,0 (INRETS, 1997b). L'élasticité du trafic aérien à la CFM est de 1,13 sur [1980-1992] et de 1,26 sur [1992-2015] selon Matisse (INRETS, 1997b), de 0,75 selon (Blain, NGuyen, 1994a, b), de 1,5 selon (Sauvant, 2002a). L'élasticité du trafic aérien par rapport au prix de l'air serait de -0,5 selon (Blain, NGuyen, 1994a, b).

Il est délicat de comparer les valeurs de ces élasticités par rapport à des modèles calibrés sur des contextes étrangers. Les élasticités croisées dépendent des parts modales des différents modes de transport. Quant aux élasticités propres, elles dépendent de la nature du marché considéré et donc sans doute de la taille du pays (il paraît délicat de comparer les élasticités françaises avec des élasticités américaines et canadiennes ou à l'opposé avec des élasticités néerlandaises). Dans son étude comparative portant sur l'évolution du trafic ferroviaire dans quatorze pays européens les élasticités obtenues par (Fitzroy, Smith, 1998) sont ainsi très variables. Même en ne conservant que les cinq plus grands pays d'Europe par la taille (France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne), les élasticités de long terme varient entre 0,14 (Allemagne) et 0,82 (Italie) pour l'élasticité à la croissance économique, entre 0 (France) et -0,44 (Espagne) pour l'élasticité au prix du fer, entre 0 (Italie) et 0,18 (Espagne) pour l'élasticité au prix de l'air ; les élasticités de court terme varient de 0 (France) à 0,64 (Italie) pour le PIB, de -0,08 (Italie) à -0,45 pour le prix du fer et de 0 (Italie, Grande-Bretagne) à 0,15 (Allemagne) pour le prix de l'air.