3.1. Construction d'un indicateur d'utilité autoroutière

L'utilité des réseaux routiers et autoroutiers est souvent modélisée par des longueurs de réseau (Gabella-Latreille, 1997). Les longueurs de réseaux sont souvent intégrées dans les modèles à l’aide de formulations du type Lc b. L'hypothèse implicite est que les kilomètres de réseau sont construits du plus utile au moins utile et que l'utilité d’un kilomètre d’autoroute supplémentaire est fonction de la longueur Lc d’autoroutes déjà construites selon une formulation du type :

rr(Lc) = K*Lc a

où rr(Lc) est l'utilité du Lc ème kilomètre de réseau autoroutier,

Lc est la longueur de réseau sur autoroutes concédées,

K et a sont des constantes avec a<0.

L'hypothèse que les tronçons autoroutiers sont construits par ordre d'utilité décroissante semble être une hypothèse plus que raisonnable. En revanche rien ne garantit la continuité de la décroissance de la fonction. En effet il se peut que les premiers tronçons construits soient des axes de circulation majeurs "très utiles" et d'utilités voisines (ou faiblement décroissantes) mais qu'une fois le réseau structurant établi, il existe un décrochage d'utilité entre ces premiers kilomètres et les kilomètres supplémentaires. S'il y a rupture dans la décroissance de l'utilité, la modélisation risque de se trouver prise en défaut.

Pour voir si un tel effet de palier se produit, nous regardons les variations du trafic d'un tronçon à l'autre à une année de référence donnée, en l'occurrence 1999, en fonction de l'ancienneté du réseau. Nous considérons en effet que les utilités des différents tronçons autoroutiers sont proportionnelles aux trafics circulant sur ces tronçons. Nous possédons pour l'année 1999 les TMJA (Trafics Moyens Journaliers Annuels) pour les différents tronçons autoroutiers. Nous pouvons analyser les variations du TMJA1999 des tronçons autoroutiers en fonction du kilométrage d'autoroutes déjà construites au moment de la mise en service des tronçons (courbe « observée » du Graphique 141).

Nous constatons effectivement une décroissance du TMJA1999 en fonction du kilométrage autoroutier déjà construit lors de l'ouverture du tronçon supportant ce TMJA. Les tronçons les plus récents sont moins chargés en trafic que les premiers construits, ce qui traduit une moindre utilité. Par ailleurs nous ne constatons pas de palier de TMJA entre une première partie du réseau et une deuxième partie, mais plutôt une décroissance continue. Bien sûr il existe des irrégularités dans cette décroissance : les tronçons sont construits a priori par ordre d'utilité décroissant mais il peut exister des entorses à la marge à cette règle. Au vu de l'allure de la courbe reliant TMJA1999 et kilométrage d'autoroutes construites au moment de la date de mise en service, il paraît possible de modéliser la variation de TMJA1999 en fonction de la longueur Lc des autoroutes concédées déjà construites par une fonction de la forme TMJA1999(Lc) = K*Lc a (où K et a sont des constantes). En partant du principe que l'utilité d'un kilomètre d'autoroutes est proportionnelle au TMJA1999 du tronçon, nous pouvons modéliser l'utilité rr(Lc) du Lc ème tronçon par une fonction du type rr(Lc) = K'*Lc a (où K' est une constante et a la même constante que précédemment). Du moins nous modélisons ainsi les TMJA et l'utilité à partir de 1000km de tronçons construits. En deçà la forte pente conduirait à une limite de TMJA trop élevée ; nous pouvons supposer que l'utilité des premiers kilomètres est relativement constante.

En calant numériquement les paramètres, nous modélisons TMJA1999(Lc) par les équations suivantes :

Si Lc<1000km : TMJA1999(Lc) = C avec C = 34 208 véh/jour.

Si Lc>1000km : TMJA1999(Lc) = K * Lc -bavec K = ln(14,50) et b = 0,588

Lc est la longueur du réseau d'autoroutes concédées.

R² = 0,57 ce qui est correct pour une régression sur des données spatiales.

Nous comparons TMJA théoriques et observés (Graphique 141).

Graphique 141 : Comparaison du TMJA théorique et du TMJA observé

En pratique, cette formulation est presque équivalente à une formulation du type K*Lc 0,412. Dans les modèles de demande directe modéliser l'utilité du réseau des autoroutes concédées par une simple longueur de réseau Lc serait ainsi presque identique à l'utilisation de cet indicateur, l'équation étant du type K * Lc b. Pour les modèles de partage modal à fonction d'utilité linéaire il peut en revanche être intéressant de connaître précisément a et d’utiliser Rr.

Les (Graphique 142, Graphique 143 et Graphique 144) présentent les évolutions comparées de la longueur et de l'indicateur Rr d'utilité autoroutière.

Graphique 142 : Evolution de la longueur des autoroutes concédées et de l'utilité du réseau des autoroutes concédées
Graphique 143 : Evolution de la longueur des autoroutes concédées et de l'utilité du réseau des autoroutes concédées (en indice)
Graphique 144 : Evolution de la longueur des autoroutes concédées et de l'utilité du réseau des autoroutes concédées (taux de variation)