4. Conclusion sur les modèles de demande directe

Chaque modèle a été analysé séparément. Il apparaît utile de confronter les différents modèles pour vérifier la cohérence globale de la modélisation.

La modélisation du trafic autoroutier paraît satisfaisante. Les modèles retenus contiennent uniquement les variables croissance économique et offre autoroutière (en termes d’extension du réseau et de prix). Des modèles incluant la variable prix du ferroviaire pourraient aussi être conservés, même si la variable relative au prix du ferroviaire n’est pas significative au risque d’erreur de 5%. L’absence de variable relative à la vitesse du ferroviaire et à l’extension du réseau TGV s’explique : la mise en service d’une liaison TGV entraîne une baisse de trafic autoroutier visible à l’échelle locale (-2% de trafic sur l’axe Sud-Est suite à la mise en service du TGV Sud-Est (INRETS, 1997b)), mais est totalement diluée à l’échelle nationale. Contrairement à l’extension du réseau TGV, qui ne concerne qu’une partie du trafic, les variations de prix s’appliquent à l’échelle nationale. Toutefois, l’importance du volume de trafic autoroutier par rapport au volume de trafic ferroviaire atténue les élasticités relatives au ferroviaire (plus la part modale d’un mode est importante, plus l’élasticité du trafic de ce mode par rapport aux variables des modes concurrents est faible). Par ailleurs, le profil des déplacements par route est relativement différent du profil des déplacements par fer. Ainsi que nous l’avons vu au chapitre 2, la compétition entre les différents modes de transport a lieu sur certains créneaux : les trajets longue distance, et plus particulièrement les trajets pour motif professionnel. Pour d’autres créneaux, les trajets courtes distances et les trajets personnels de plusieurs nuits d’absence, la route est hégémonique et la compétition joue finalement peu.

Le trafic aérien peut être modélisé par des modèles de demande directe, même si les équations économétriques présentent certaines limites. La croissance économique, le prix de l’air et l’offre ferroviaire apparaissent de façon significative. Outre ces variables, des facteurs de diffusion de l’aérien et de politique de prix peuvent être greffés dans les équations.

Dans le modèle ferroviaire, la concurrence de l'aérien n'est pas prise en compte. Cela est plus gênant, car même si les parts modales sont disproportionnées, on pourrait s'attendre à un effet mesurable des caractéristiques de l'air sur le fer. Il y a un problème de cohérence à prendre en compte l'effet du prix du fer sur l'air et à ne pas prendre en compte l'effet du prix de l'air et de la diffusion de l'air sur le trafic ferroviaire. Il y a aussi un problème de pertinence à ne pas prendre en compte l'effet de la diffusion de l'air et du prix de l'air sur le trafic ferroviaire. Cette non prise en compte est due à un problème de mesurabilité. Le trafic ferroviaire est bien plus massif (3 fois supérieur en volume à celui de l'air) ce qui atténue mécaniquement l'impact de l'offre concurrente, et le rend non mesurable compte tenu de la présence par ailleurs de plusieurs variables toutes plus ou moins corrélées. La non prise en compte de la concurrence de l’air se traduit sans doute par la baisse apparente de l’élasticité au PIB.

Nous considérons maintenant les facteurs de mobilité les uns après les autres, et nous analysons la pertinence de leur présence, leur mesurabilité et la plausibilité de leur ordre de grandeur par rapport à celui de certains autres paramètres.

Le PIB est fortement significatif dans toutes les équations. L'élasticité au PIB est de l'ordre de 1,3 pour la route, de 1,5 pour l'air, et de 0,2 pour le fer. Toutefois il est normal qu'il existe des différences d'élasticité au PIB d'un mode à l'autre. En effet l'air, le fer et la route regroupent des marchés différents en termes de clientèle. La route comprend une part de motifs loisirs plus importante que le fer et l'air. Le trafic aérien contient une part de trafic international en préacheminement plus importante que la route et le fer. Les différents marchés que constituent trafic international, trafic pour motif loisir, trafic professionnel (…), ne croissent pas à la même vitesse. Les élasticités des différents segments de demande par rapport au PIB sont différentes ; il est donc logique que les élasticités des trafics des différents modes de transport par rapport au PIB soient différentes. Par ailleurs, la croissance économique entraîne une croissance de la valeur du temps donc une évolution de la part de marché des différents modes : une baisse de la part de marché du train, une augmentation de la part de marché de l'avion, notamment. A structure de marché identique, l'élasticité au PIB du fer devrait de toute façon être inférieure à celle de l'air. La différence d'élasticité entre air et fer reste considérable. On peut en fait penser que la demande ferroviaire comprend une superposition de plusieurs marchés : un marché non TGV à élasticité nulle, et un marché TGV à élasticité bien supérieure à 0,2.

Le facteur diffusion de l'aérien est présent de façon explicite dans le modèle et est fortement significatif. Seule sa présence peut expliquer la cassure dans l'évolution du trafic aérien.

Le prix de la route connaît une évolution homogène quels que soient le type de trafic et les caractéristiques des individus. La variable de produit moyen du véhicule.kilomètre peut être considérée comme pertinente. Par ailleurs son calcul provient d'une source fiable et peut être considéré comme assez précis. La variable de prix de la route est donc pertinente et mesurable. Le paramètre relatif à cette variable est significativement différent de 0. L'élasticité de –0,6 du trafic routier par rapport à l'évolution des prix peut être considérée comme fiable. Les prix de l’air et du fer doivent être considérés avec davantage de circonspection. Pour le fer, la politique de yield management a joué autant que la baisse moyenne du produit moyen. Sur la période 1980-1992, le produit moyen du fer est ainsi resté stable alors que compte tenu de la baisse des tarifs sur longue distance, la politique tarifaire aurait entraîné une hausse de trafic (selon Matisse) (INRETS, 1997b). L'élasticité au prix du fer (-2,0) est sujette à caution. Cette élasticité de –2,0 est énorme. Il faut toutefois noter que les variations de trafic sur certaines lignes (hausse significative de trafic sur Paris-Lille en 1998 consécutivement à une baisse tarifaire importante et un cadencement) montrent que l'impact du prix sur le trafic est élevé. Le problème est similaire pour l'aérien.

La variable relative à l’extension du réseau autoroutier apparaît de façon significative dans l’équation autoroutière. Quant à l'indicateur de vitesse ferroviaire écrêtée, l'élasticité du trafic ferroviaire à cet indicateur est de 0,45, l'élasticité du trafic air à cet indicateur est de –0,16.