L’accord en genre

La compréhension ne se limite pas à la seule étape de reconnaissance des mots. Les items appartenant à des catégories grammaticales différentes (e.g. les noms, les pronoms, les adjectif ou les participes passés) vont s’articuler les uns par rapport aux autres en fonctions de relations strictes et précises, et ce dans le but de constituer une phrase syntaxiquement et grammaticalement correcte. Ainsi, en plus de son rôle de catégorisation des noms, le genre va également intervenir dans les phénomènes d’accord. Dans ce cadre de recherche, Vigliocco et Franck (1999) ont pu mettre en évidence le rôle déterminant du genre grammatical porté par les mots en français dans les mécanismes syntaxiques. En effet dans cette langue, les déterminants, adjectifs, pronoms et participes passés se doivent d’être accordés en genre au nom avec lequel ils sont reliés (Andriamamonjy, Colé & Pynte, 2001).

Dans les exemples ci-dessus énoncés, le mot institutrice faisant référence à un individu de sexe féminin (le mot est lui-même marqué en genre par la présence d’une terminaison prédictive du féminin : -ice) va induire l’utilisation dans la phrase 1A de l’article défini féminin la et de la marque finale ‘e’ pour le participe passé du verbe partir. Comparativement, dans la phrase 1B, l’emploi du mot masculin instituteur (portant une marque morphosyntaxique de genre sous forme de la terminaison –eur majoritairement associée au genre masculin)implique uniquement l’insertion de l’article défini le. Dans ce cas précis, l’adjectif jeune ne porte pas de marque de genre, puisqu’il est indifféremment associé à un mot masculin ou féminin.

Ces règles d’accords vont donc poser de fortes contraintes sur le processus d’organisation des items lexicaux composant une déclaration. Prenons un exemple : selon ces règles, les mots débutant par une consonne catégorisés comme masculin sont précédés par l’article indéfini un (e.g. un fauteuil), les féminins sont quant à eux positionnés en aval de l’article une (e.g. une table). A noter que si l’article défini précède le nom auquel il est associé, il peut être placé à une distance plus ou moins importante dans une déclaration :

Toutefois dans les deux exemples ci-dessus présentés, l’article féminin une annonce l’apparition d’un mot de même genre grammatical : table.

Il arrive cependant que dans certaines langues les noms et les verbes ne soient pas marqués en genre. Par exemple, en hollandais ou en allemand la distinction des genres va être principalement marquée par les déterminants. En hollandais l’article défini het est associé aux noms neutres, alors que les mots communs vont être précédés par la forme de ; concernant l’article indéfini, la forme een ne varie pas selon les genres (voir exemple 3A). En allemand il est possible de trouver l’article défini sous trois formes différentes selon le genre (der, die, das), alors que seuls deux types d’indéfinis sont utilisés : ein pour les masculins et les neutres, eine pour les féminins (exemple 3B).

L’accord prenant place entre les adjectifs et les mots va être quant à lui marqué par la présence ou pas d’un suffixe positionné au niveau de l’adjectif constituant ainsi une forme fléchie ou pas (exemples 4A et 4B).

Il est alors possible de considérer que la sélection d’un mot stocké dans le lexique mental va en partie dépendre des indices de genre portés par les items qui lui sont syntaxiquement reliés. Une problématique posée par cette partie serait par exemple de déterminer si les informations de genre interviennent lors du processus de sélection des déterminants, et si oui, à quel moment des mécanismes de production et de compréhension des mots vont-elles être impliquées ?