Etudes chronométriques

En dernier lieu, le modèle en deux étapes n’est pas exclusivement soutenu par des états ‘anormaux’ (i.e. anomie, TOT ou erreurs de substitution). Cette distinction fut parallèlement motivée par une série d’expériences comportementales présentées sous la forme de mesures de temps de réaction effectuées chez des locuteurs sains.

D’un point de vue méthodologique, la plus part des études font intervenir la tâche de dénomination d’images avec un paradigme d’amorçage dont le principe est le suivant : les sujets font face à un écran d’ordinateur sur lequel apparaît des images dont ils doivent produire le nom. De façon simultanée ou en décalé (variation de la SOA, i.e. Stimuli Onset Asynchrony) un distracteur de type auditif (i.e. un mot entendu via un casque) ou visuel (i.e. un mot imprimé sur l’image ou un dessin en surimpression) va leur être présenté. Le but de cette manipulation est de définir si le traitement des informations supplémentaires véhiculées par le distracteur peut interférer avec le traitement des informations associées à l’image cible. Ce paradigme dit d’interférence fut utilisé entre autres par Schriefers, Meyer et Levelt (1990). Ces auteurs ont présenté un distracteur auditif lié soit phonologiquement soit sémantiquement à la représentation lexicale d’une image. Cette amorce était distribuée avant la cible ou après l’apparition de la cible à l’écran. Ils ont ainsi pu mettre en évidence la présence d’une inhibition sémantique exclusivement lorsque l’amorce était présentée avant la cible et une facilitation de la dénomination lorsque l’amorce liée phonologiquement était présentée après la cible. Ces données ont été interprétées comme signalant la présence d’un découpage temporel strict entre le traitement des informations sémantiques, en premier, et le traitement des caractéristiques phonologiques de l’item cible, en second. Levelt, Schriefers, Vorberg, Meyer, Pechmann et Havinga (1991) obtiennent des résultats quasi similaires en modifiant légèrement la tâche. Il était demandé à des locuteurs de langue maternelle hollandaise de pratiquer une tâche de décision lexicale en même temps qu’une tâche de dénomination. Pour certains des essais, les images cibles sur lesquelles s’effectuait la dénomination étaient perturbées par l’envoi d’un signal acoustique antérieur (ou amorce). Les sujets devaient dans ce cas reporter la prononciation de la représentation et définir à l’aide de boutons réponse si les sondes auditives constituaient de véritables mots ou correspondaient plutôt à des pseudo-mots. Deux critères ont été manipulés : (1) la valeur de la SOA et (2) la qualité de la relation liant l’amorce à la cible (i.e. soit les deux items étaient identiques, soit ils étaient non reliés, soit associés sémantiquement ou phonologiquement). Les auteurs s’étaient aperçus que selon le temps de présentation de l’amorce, les latences de décision augmentaient dans la condition d’amorçage phonologique comparé aux paires non reliées, alors que le distracteur sémantique n’influençait pas les TRs. Ils en avaient déduis que la représentation phonologique de l’image en pleine construction venait stimuler les compétiteurs phonologiques de l’amorce. Les auteurs avaient traduit cet effet par la présence (1) d’une inhibition lorsque les traitements phonologiques de la sonde et la cible se chevauchaient dans le temps et (2) d’une ségrégation des modules traitant les indices phonologiques et les informations sémantiques et syntaxiques.