CHAPITRE 2 : L’ACCES AUX INFORMATIONS DE GENRE ET PHONOLOGIQUES LORS DES PROCESSUS LANGUAGIERS

Nous nous sommes intéressé au cours de ce chapitre à la temporalité d’intégration des informations de genre et phonologiques lors de la production et de la compréhension de mots. Comme nous venons de le voir dans la partie théorique beaucoup d’incertitudes perdurent quant au déroulement et à l’interaction des étapes cognitives impliquées dans les deux systèmes. Il serait possible d’aborder ce problème théorique relativement global via un chemin détourné, c'est-à-dire en étudiant des processus spécifiques ayant lieu lors de la production des mots. Nous pourrions déterminer quelles sont les différentes étapes conduisant à la sélection des déterminants, ainsi que définir dans quelle mesure les informations impliquées interagissent ou pas. En effet, comme nous allons le voir, les articles constituent un outil relativement idéal de par leurs caractéristiques dans le cadre de notre étude. En effet, la sélection de l’article défini pertinent composant en partie le syntagme nominal va se faire sur la base des informations de genre bien sur, mais également sur la base d’indices phonologiques. Les représentations lexicales ayant pour première lettre/phonème une voyelle vont appeler la forme élidée de l’article (i.e. l’), tandis que la forme ne va dépendre que du genre du mot lorsque celui-ci débute par une consonne (i.e. le ou la). Nous allons donc utiliser cette spécificité du processus de sélection des articles en français pour déterminer de quelle manière s’articulent les mécanismes d’extraction des informations phonologiques et de genre et ainsi définir le décours temporel des diverses étapes impliquées lors des processus langagiers.

Puisqu’il apparaît dans la littérature que cette notion de découpage des événements est aussi obscure en production qu’en compréhension de mots, nous aborderons cette question selon une perspective comparative. Bien que ces deux modalités soient des parties intégrantes de la faculté de langage, ces dernières décennies les processus de production et de compréhension ont été largement étudiés séparément. Les modèles théoriques sont souvent indifférents à la possibilité que le chemin permettant d'accéder aux multiples représentations soit similaire ou pas dans les deux systèmes. Cette étude va donc viser à examiner la mise en œuvre concertée des différentes formes de représentations et des différents niveaux de traitement impliqués dans les activités de production et de compréhension du langage. Par une simple comparaison des deux modalités, nous avons souhaité déterminer si il existait des similitudes entre les systèmes.

De façon générale, la problématique soulevée sera d'établir la séquentialité des processus syntaxiques et phonologiques dans les deux modalités. En production, est ce que les informations phonologiques sont activées seulement après sélection de représentation lexicale pertinente (hypothèse sérielle), ou bien est ce que le niveau phonologique peut être pré-activé alors même que la sélection de l'unité lexicale n'a pas encore été effectuée (hypothèse de non sérialité) ? La même question peut être posée dans le domaine de la reconnaissance visuelle des mots : est ce que les informations de genre sont activées uniquement après traitement phonologique (hypothèse sérielle), ou bien est ce que le module traitant les informations de genre peut être pré-activé alors même que l'analyse des caractéristiques phonologiques n'est pas encore achevée (hypothèse de non sérialité) ?

Avant d’exposer le plan de travail suivi au cours de ce chapitre, nous allons dans un premier temps décrire sur quelles bases s’effectue la sélection des déterminants.