CONCLUSIONS

L’ensemble constitué par la tâche de dénomination, celle de catégorisation phonologique et les deux décisions de genre, nous ont apporté quelques éléments de réponse quant aux mécanismes impliqués lors de la sélection des déterminants en production.

Il semble au vu des résultats, que deux types de déterminants se distinguent : ceux récupérés lors des premiers stades de l’accès au lexique, i.e. les articles indéfinis ; et d’un autre côté ceux dont le choix de la forme pertinente s’effectue plus tardivement, i.e. les articles possessifs. A ce décalage temporel vient se corréler la nature et le nombre d’informations indispensables à leur sélection. En effet, si les indéfinis ne nécessitent que l’extraction préalable des informations de genre, les possessifs quant à eux demandent une double intervention, celle des indices de genre d’un côté et celle des informations phonologiques de l’autre. Il devient alors possible de supposer que les articles indéfinis seraient stockés avec le nom et qu’ils seraient également récupérés en même temps que la représentation lexicale de ce mot, alors que la sélection des possessifs interviendrait après extraction du lemme et du lexème. Ce modèle présuppose que les informations de genre sont traitées de façon automatique par le processeur. Mais dans ce cas, nous voyons mal comment expliquer la présence d’un effet de genre lors de la tâche de catégorisation selon la nature du premier phonème. De plus, cet effet va dans le sens contraire à celui que l’on peut trouver dans la littérature. Il nous faut également préciser, qu’il n’est pas improbable que la variation des latences entre les tâches de catégorisation selon les indéfinis et les possessifs soit partiellement due à la différence de fréquence entre ces deux types de déterminants. Enfin, il est très difficile de statuer quant aux mécanismes sous-tendant la catégorisation de genre puisqu’il s’agit d’une tâche hautement métalinguistique. Mais le nombre de paradigmes expérimentaux à disposition étant restreint, cette tâche nous semble rester la meilleure alternative à disposition pour répondre à nos questions.

En l’état actuel de nos connaissances, et au vu des conclusions tirées de notre jeu d’expériences, nous sommes dans l’incapacité de préciser, si les informations de genre sont bien extraites plus précocement que les indices de nature phonologique, et encore moins définir si les deux étapes ont lieu dans la même fenêtre temporelle ou pas. Nous ne pouvons donc pas conclure avec certitude quant au modèle théorique le plus apte à décrire la façon dont s’effectue l’encodage des informations phonologiques et grammaticale lors de la sélection des déterminants. Bien que certaines évidences favorisent l’hypothèse d’une activation en parallèle des deux indices au détriment du modèle sériel (de par le décalage de latences entre la sélection des indéfinis et des possessifs), nous ne pouvons certifier si les deux informations agissent de façon indépendante ou pas sur le mécanisme.

Toutefois, comme nous l’avons précédemment spécifié, le ralentissement pour les possessifs pourrait s’expliquer partiellement par leur plus faible fréquence par rapport aux indéfinis. Autrement dit, il y aurait bel et bien un effet de la phonologie du nom sur la récupération du possessif, mais cet effet ne serait pas direct (sinon nous aurions observé un ralentissement spécifiquement pour les féminins commençant par voyelle) mais plutôt en différé, consécutif à l’architecture du système : les déterminants possessifs féminins sont connectés à deux formes phonologiques contrairement aux masculins. Cette double connexion serait élaborée au cours de l’apprentissage et ferait partie d’une donnée fixe du système, qui ne varierait pas avec la phonologie du nom spécifique à produire. On peut donc dire qu’il y aurait un effet indirect de la phonologie du nom sur l’élaboration des connexions entre le genre du possessif et sa forme.

Nous nous proposons néanmoins d’approfondir le sujet en présentant deux nouvelles expériences. Ces dernières employaient la technique d’enregistrement des ondes cérébrales précédemment décrite. L’avantage majeur des ERPs résidant en la très grande précision temporelle des mesures, nous avons utilisés cette technique dans le but de déterminer le décours temporel précis des événements. Passons à présent à l’exposé des paradigmes, des résultats obtenus, ainsi qu’à leurs implications pour les modèles théoriques en production.