Antécédents théoriques

Récemment, plusieurs études mettant en jeu l’enregistrement des Potentiels Evoqués (Van Turennout, Hagoort et Brown, 1997, 1998, 1999) en production ont exploré le décours temporel de l’encodage de ces indices lors de dénomination d’images. Van Turennout, Hagoort et Brown (1997) furent les premiers à utiliser le LRP (Lateralized Readness Potential) pour détecter la séparation temporelle existant entre le moment où les informations sémantiques et phonologiques devenaient disponibles lors de la production de parole. Plus tardivement, ils réutilisèrent les caractéristiques de cette onde (Van Turennout & al, 1998, 1999) afin de déterminer le décours temporel de l’encodage des informations grammaticale et phonologique. Le set comprenait deux expériences impliquant des doubles tâches de décisions en paradigme go-nogo : selon des informations de genre (catégorisation en fonction des articles définis) et phonologiques (en fonction de la nature du premier phonème). Dans la première expérience, la main était contingente au genre et la décision s’effectuait sur la base de la forme du mot. Dans la seconde expérience les instructions étaient inversées : la choix de la main de réponse dépendait de la lettre initiale (voyelle Vs consonne) et la décision d’appuyer ou pas se faisait selon le genre. Les expériences ont été menées chez des locuteurs natifs hollandais, langue dans laquelle les articles se doivent de précéder le nom avec lequel ils sont associés. Les noms sont distribués selon deux classes de genre différentes : commun et neutre. Les articles vont ainsi être marqués en genre : het précède un mot neutre et de se trouve avant un nom de genre commun. Donc la sélection de la forme adéquate de l’article se base exclusivement sur les informations de genre inhérentes au mot. Des résultats obtenus, c'est-à-dire un LRP tant sur les essais go que nogo dans l’expérience 1 et uniquement une onde pour les essais go dans l’expérience 2, les auteurs en avaient conclu que le décalage temporel mesuré entre le traitement des caractéristiques syntaxiques et phonologiques était d’au moins 40ms.

Toutefois, dans les langues romanes telles que le français, la forme d’un déterminant dépend d’indices phonologiques telle que la nature du premier phonème (voyelle Vs consonne), d'indices de genre (masculin Vs féminin), ou des deux. Par exemple, Si l’on considère le cas des articles indéfinis un/une, alors la forme ne dépend que du genre grammatical ; par contre, si l’on considère les articles possessifs, alors leur forme varie en fonction du genre grammatical du mot, mais également en fonction de la phonologie. Cette contrainte va-t-elle influencer les processus mis en oeuvre au cours de l’analyse des déterminants ? De façon plus générale, la réponse à cette question permettrait d'établir la sérialité ou non des processus : les informations phonologiques sont-elles activées seulement après la sélection d'une représentation lexicale, ou bien est ce que le niveau phonologique peut être pré-activé alors même que la sélection de l'unité lexicale n'a pas encore été effectuée?

Pour répondre à ces questions, un ensemble de recherches fut conduit chez des locuteurs de langue maternelle française au Laboratoire de Psycholinguistique de l’Université de Genève.