Résultats & Discussion

Sur les 25 sujets, les données de deux d'entre eux n'ont pas été prises en compte dans les analyses pour cause de problèmes d'ordre technique. Les temps de réaction supérieurs à 1500ms et inférieurs à 300ms ont été considérés comme outliers (8 TRs soit 0.55%) et ont été exclus des analyses. Le taux d'erreurs de catégorisation était au final de 3.4%. En raison du faible pourcentage, les erreurs n'ont pas été analysées. A noter également que seuls les temps de réaction pour les mots ont été pris en compte. Les résultats sont exposés dans le tableau 21.

Les moyennes des temps de réactions pour chaque condition ont été soumises à une analyse de variance par sujet (F1) et par item (F2) selon deux facteurs : la nature du premier Phonème (voyelle Vs consonne) et le Genre des cibles (masculin Vs féminin).

L'analyse met en évidence un effet du premier Phonème sur la rapidité d'accès au lexique par sujet [F1 (1,22)=4,900, p=.0375 ; F2<1], impliquant que les items débutant par une voyelle sont traités plus rapidement que ceux commençant par une consonne. Il n’apparaît ni effet de Genre, ni interaction [Fs<1].

Tableau 21 : Moyennes des temps de réaction par conditions pour l’expérience 1 NOTE : Le tableau donne les moyennes des latences (ms) et les déviations standard (SD) pour les quatre conditions définies par croisement des facteurs Genre (féminin Vs masculin) et Premier Phonème (voyelle Vs consonne), pour la tâche de décision lexicale.
  voyelle consonne Moy.
féminin 613 (98) 633 (107) 623
masculin 611 (79) 621 (98) 616
Moy. 612 627 619

Les résultats de la tâche de décision lexicale démontrent que les caractéristiques phonologiques propres à un mot, tel que la nature du premier phonème affectent les mécanismes d'accès au lexique en français. Au contraire, il semble que l'information de genre ne soit pas utilisée pour réduire l'espace d'activation lexicale. En conclusion, il est possible de dire que lors d'une tâche de décision lexicale, la phonologie représente une source d'informations contrairement au genre.

Ce qui est intéressant, c’est la présence d’un effet de phonème inversé entre notre tâche de décision lexicale et les tâches de décision de genre trouvées dans la littérature (Desrochers et collaborateurs, 1990, 1995 ; Taft et Meunier, 1998 ; Holmes et Ségui, 2004) : les mots initialisés par une voyelle sont traités plus rapidement que ceux débutant par une consonne en LDT. L’inconsistance de notre effet phonologique avec les données issues d’études antérieures pourrait être due à une hausse anormale de la proportion de mots initialisés par une voyelle dans notre jeu de stimuli par rapport à ce que l’on peut trouver dans le lexique, combinée à la demande de la tâche. En effet, si à la catégorisation en genre correspondent des mécanismes explicites, la décision lexicale quant à elle rend plus compte de processus implicites plus précoces. En parallèle, l’hypothèse de l’effet liste-contexte a reçu un grand nombre de support par le passé. Par exemple, Gordon (1983) avait démontré que la manipulation de la proportion des items de haute fréquence comparée à ceux de faible fréquence modulait l’effet de fréquence durant des tâches de décision lexicale. Plus récemment, Andrews (1997) a signalé qu’une diminution de la taille de l’effet du voisinage orthographique pouvait être due à la présence de stimuli inhabituels dans le matériel. La surexposition des sujets aux items initialisés par des voyelles, comparé à ce qui se produit ‘naturellement’ pourrait donc être à l’origine de l’accélération des réponses pour les stimuli débutant par une voyelle. Toutefois, il apparaît que Desrochers et al ont également utilisé des portions équivalentes de mots débutant par chaque type de phonèmes. Donc même si éventuellement le contexte expérimental a pu influencer le sens de l’effet, il est plus vraisemblable que la tâche soit impliquée. Ceci induirait que lors des stades précoces du processus (étape lexicale), le traitement des mots commençant par une voyelle serait facilité par rapport à celui des consonnes, mais que lors des étapes ultérieures ce traitement viendrait à être ralenti. Un mécanisme cognitif spécifique prenant place lors de la catégorisation en genre serait donc responsable de ce changement de nature de l’effet.

Les moyennes des temps de réaction vont être introduites lors des analyses statistiques des quatre prochaines expériences, et ce dans le but d'être utilisées comme ligne de base.